C’est i’idée que Justine Davasse veut faire passer dans son Guide des mouvements Zéro, pour un futur (enfin) désirable, publié en septembre. Une Orléanaise qui se retrousse les manches et aimerait nous entraîner avec elle, mais sans rien imposer ni nous donner de leçons. Car à tous les niveaux de décision, des solutions existent pour alléger le poids de notre quotidien sur la planète !
Justine Davasse, autrice du Guide des mouvements Zéro © JD
Comme l’indique la quatrième de couverture, ce livre est « un guide militant pour faire entrer le ‘zéro’ dans notre mode de vie ». Un ouvrage écrit par une jeune militante orléanaise Justine Davasse, engagée depuis quelques années dans le zéro déchet, mais qui a eu envie d’aller plus loin et surtout de passer à l’action collective. D’où la création en 2015 des mouvements Zéro dont elle fait la promotion à travers un site, un podcast, une émission de radio mais aussi des ateliers et des conférences.
Ce guide qui lui a demandé deux années de travail est découpé en neuf chapitres. Même si la base reste le zéro déchet, avec l’idée que le meilleur déchet c’est celui que l’on ne crée pas, Justine Davasse aborde des thèmes aussi divers que la santé et le bien-être, l’alimentation durable, le plastique, l’économie, la politique, l’énergie, l’électronique responsable et le voyager durable. Chacun est donc libre d’aller piocher directement dans le chapitre qui l’intéresse. Le lecteur y trouvera les enjeux et les possibles leviers d’action, la déconstruction des idées reçues, les incontournables pour agir à son échelle, des défis pour les plus téméraires et enfin les initiatives qui existent déjà en France et ailleurs.
Entretien avec une jeune femme dynamique et enjouée, bien décidée à apporter sa contribution pour changer le monde.
Comment vous est venue l’idée de créer ces mouvements Zéro ?
Justine Davasse : La démarche zéro déchet a été ma porte d’entrée dans mon changement de mentalité. Mais je préfère aujourd’hui parler des mouvements Zéro parce que pour moi c’est plus englobant et surtout ça permet de penser et de créer les passerelles entre les différents engagements écologiques que sont les énergies renouvelables, le véganisme, le zéro déchet… C’est aussi montrer que la transition (écologique) peut prendre plein de visages avec plein de portes d’entrée. L’écologie c’est une vraie culture.
Pour vous l’important, c’est de décloisonner les sujets, c’est le message important à faire passer ?
J.D. : Oui c’est important cette convergence des luttes. Pour moi, c’est problématique quand une personne engagée à fond, par exemple dans le véganisme ou le zéro déchet, juge les actions écologiques d’une autre personne engagée dans les processus de démocratie participative ou l’éducation populaire… J’estime que c’est un tout mais une seule personne ne peut pas tout faire. Encore une fois, l’important c’est de créer des passerelles. J’en ai un peu marre en fait (rires) du jugement de qui est plus écolo que l’autre. Au contraire, je veux montrer que toutes ces choses vont dans le bon sens de ce qu’il faut aujourd’hui créer. Il y a une chose que je ne veux plus entendre c’est ‘il faut faire tout’. Eh bien non ce n’est pas possible, c’est fatigant et quand on fait tout, on ne fait rien. Mais en revanche allons-y dans les choses qui nous plaisent le plus !
Aujourd’hui, face à l’urgence climatique, il faut agir. C’est aussi l’intérêt de votre guide qui donne des pistes d’action, des petits pas, et pour les plus motivés, des pas un peu plus grands ?
J.D. : Oui, ça s’est décidé conjointement avec l’éditrice, la volonté de montrer que l’on peut faire des
Guide des mouvements zéro de Justine Davasse © SD
choses à son échelle. Je rajouterais même que l’on doit à la fois modifier sa mentalité et ses habitudes. C’est l’objectif du début de chaque chapitre. D’abord on s’informe et on s’éduque et ensuite on entre dans l’action concrète et matérielle. Mais Nicolas Hulot nous l’a rappelé avec sa démission, on ne peut pas s’arrêter à la politique des petits pas. D’abord parce qu’il y a plein de choses que le petit colibri-citoyen ne décide pas : l’aménagement des villes, des routes, la politique agricole commune… Tout ça ne dépend pas de nous. C’est pourquoi il faut créer des associations, faire pression sur les politiques, des actions avec des ONG, signer des pétitions… pour aller plus loin.
C’est pour cela que l’on trouve dans ce guide un chapitre consacré à l’économie dans lequel vous pourfendez l’idée reçue selon laquelle on ne peut pas changer de système économique ?
J.D. : Oui, pour moi l’économique est un levier de changement. Je ne fais pas partie des personnes qui voudraient s’en affranchir mais de celles qui aimeraient ne pas subir la situation économique actuelle. Donc, c’est possible d’être un entrepreneur, c’est même selon moi souhaitable dans des secteurs où l’on a véritablement besoin de changements comme dans celui des déchets ou le lien entre les gens, le réemploi… C’est possible d’avoir une entreprise avec de belles valeurs, sans exploiter les gens. On peut travailler en collaboration avec les personnes, il y a d’ailleurs des tas d’outils qui existent. L’économie c’est le nerf de la guerre, c’est un moyen qui est indispensable aujourd’hui pour changer le monde.
Le citoyen a t-il d’autres moyens de faire pression sur l’économie?
J.D. : Oui, en sortant par exemple ses économies des banques qui financent massivement les énergies fossiles. Oxfam a sorti un rapport dans ce sens il y a quelques jours qui révèle que ‘Les 6 banques françaises – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Banque Populaire Caisse d’Epargne, Crédit Mutuel et la Banque Postale (la moins pire) – ont une empreinte carbone qui représente près de huit fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière’. En restant dans l’une de ces banques, tous nos gestes écolos sont annulés en deux secondes.
Il faut aussi réinvestir la politique autrement que par son vote ?
J.D. : Oui voter en France aujourd’hui c’est déléguer sa légitimité. C’est dire aux politiques “ok je te donne mon ‘go’ pour cinq ou six ans”. C’est pour moi un système cassé, incomplet parce qu’on ne peut pas donner un ticket à quelqu’un pendant une durée aussi longue. En fait on vote une fois et puis on ne nous demande plus jamais notre avis sauf en cas de référendum. Et je pense que l’on est nombreux à ne pas être satisfaits de ce système. Or, il y a là aussi plein d’outils de démocratie directe, à commencer par le fait d’écouter les citoyens pour redresser la barre parce qu’une personne élue, n’est pas élue de Dieu, elle n’est pas intouchable, ni d’infaillible. C’est une personne qui est là pour nous représenter mais pas pour décider toute seule.
Toutefois, je trouve qu’il y a une ambivalence très française c’est-à-dire que dès que l’on a un leader, ou un patron, quelqu’un qui a un peu de pouvoir, on va très vite le critiquer. Et en même temps, j’ai l’impression qu’en France, on a du mal à fonctionner sans homme providentiel. Bien sûr les assemblées populaires, par exemple commencent à émerger en France, surtout dans le milieu syndical et militant avec des personnes de 50-60 ans qui ont connu l’autogestion mais paradoxalement on a du mal à leur faire confiance à 100 %. Très vite on entend des discours sur l’opinion populaire qui ne sait pas qui n’est pas éduquée, “il vaut mieux quelqu’un qui sort des grandes écoles…” moi ça me rend dingue (rires) !
Vous avez vécu six mois en Finlande sous le mode du woofing en 2018. C’est votre séjour qui vous a permis de prendre du recul et d’observer d’autres modes de gouvernance politiques ?
J.D. : C’est vrai qu’en Finlande, la démocratie directe fonctionne mieux que chez nous. Par exemple, lors de la marche pour le climat (en septembre 2018) on a marché jusqu’à l’Assemblée Nationale et là les députés sont sortis. Ils étaient en haut des marches et nous en bas. Une personne de Greenpeace a pu leur poser des questions sur le dérèglement climatique et notamment sur l’engagement de la Finlande dans le bois parce que ce pays fait une exploitation déraisonnable du bois et de la tourbe. Il y avait là des représentants de tous les partis politiques, ils se sont fait huer, parfois acclamer. Des engagements étaient écrits sur un grand carton et les députés ont signé ceux sur lesquels ils s’engageaient. C’est quelque chose qu’on ne verrait pas en France (rires) !
Il y a aussi un chapitre consacré à l’électronique responsable parce que l’on pense rarement que l’on pollue aussi avec son ordinateur et son smartphone…
L’ordinateur, source de pollution électronique © SD
J.D. : C’est vrai. Je pense que je peux dire de manière assez sereine que je pratique une vie presque ‘zéro déchet’ mais si on compte mon impact électronique c’est mort ! Ça nous échappe totalement ! En fait, il y a tout d’abord l’équipement avec sa conception, son usage et sa fin de vie. On peut faire attention à cela en achetant des appareils reconditionnés pour les téléphones et les ordinateurs. Pendant l’usage, on peut veiller à les recharger correctement et on peut les donner à recycler en fin de vie. Par contre, tout ce qui concerne l’utilisation de l’Internet, on peut certes réduire son impact mais de manière infinitésimale. Cette pollution électronique est en outre majoritairement gérée par les GAFAM qui possèdent toutes les applications que l’on aime, notamment celles des réseaux sociaux, sans parler de nos données qui sont ensuite stockées dans de gros Data Centers. On peut tout de même agir en abandonnant le moteur de recherche Google au profit par exemple de logiciels libres.
La pandémie actuelle nous oblige aussi à changer nos habitudes et à nous adapter, est-ce durable selon vous ?
J.D. : La transition, il vaut mieux la choisir que la subir. C’est un peu l’argument massue pour les gens qui refusent de changer d’eux-mêmes. Sur cette pandémie, on manque encore de recul mais à la sortie du premier confinement, on a vu que certaines personnes avaient tout d’un coup envie de nature et quittaient leur appartement pour s’installer dans une maison. Est-ce que ça change le monde ? Je ne sais pas parce dans ce cas précis, on est dans une démarche personnelle pour augmenter son confort de vie. Et puis il y a ceux qui tirent leur épingle du jeu, comme Amazon parce que l’on a été habitués depuis une soixantaine d’années à tout trouver au même endroit dans les supermarchés et comme ce n’est plus possible actuellement, le réflexe est d’aller sur ce type de plate-forme. On a eu aussi des souhaits de changements politiques que l’on n’a pas encore vus à l’oeuvre sauf la vague verte dans pas mal de villes françaises aux municipales. Ça c’est chouette et ça donne de l’espoir.
Justement, face à notre avenir incertain, vous restez optimiste ou pas ?
J.D. : Je ne suis ni optimisme, ni pessimiste. En fait, je pratique l’espoir radical, c’est-à-dire qu’on est obligés d’avoir de l’espoir et j’en ai toujours eu. L’imagination humaine, elle nourrit cela. Et on peut choisir de la nourrir avec de bonnes pensées. Et radical parce que le changement doit venir tout de suite, maintenant et pas demain, parce que le futur se construit au présent, donc c’est important de continuer à travailler là-dessus aujourd’hui. Bien sûr, notre présent provoque de l’éco-anxiété parce qu’il y a un déséquilibre entre les nouvelles positives et les nouvelles négatives. Donc selon moi il faut avoir conscience du monde dans lequel on vit mais ensuite il faut choisir avec quoi on nourrit son cerveau. Et moi je le nourris avec ce prisme de l’espoir radical.
Propos recueillis par Sophie Deschamps
Et même si les librairies sont fermées, vous pouvez néanmoins commander ce livre sur le site de votre librairie indépendante préférée !
Guide des mouvements ZÉRO, pour un futur (enfin) désirable de Justine Davasse, Éditions Tana.