Dans les petits villages du Loiret, le confinement a débuté en cette fin de semaine pour les restaurateurs et commerçants, déjà touchés de plein fouet par le couvre-feu et la fermeture des bars entrés en vigueur le 24 octobre. Une mesure perçue comme une injustice pour beaucoup, après le premier au printemps et les nouvelles restrictions de la semaine dernière.
À Marcilly-en-Villette (Loiret), le Ventre Jaune a baissé son rideau à la suite du confinement décidé par l’Etat le 31 octobre 2020 qui doit durer au minimum un mois. ©Elodie Cerqueira
L’ambiance était maussade, elle est devenue morose. Dans la grisaille automnale, le couperet est tombé. Le Président de la République Emmanuel Macron l’a annoncé lui-même. Un nouveau confinement est instauré jusqu’au 1er décembre minimum, entraînant entre autres la fermeture à nouveau des restaurants, déjà lourdement impactés par le premier et la fermeture des espace bars depuis la mise en œuvre du couvre-feu le samedi 24 octobre.
Au Relais de Châtenoy, village de quelque 470 âmes, situé entre Montargis et Orléans, Pascale Mudou, la patronne n’en peut plus. « On est dans une toute petite commune, ici personne n’est malade, indique-t-elle. On ne comprend pas cette décision. On a respecté les protocoles sanitaires, on s’est adapté en fermant avec des plexiglas l’espace bar, en achetant de la vaisselle en carton pour les plats à emporter… Ce qui m’horripile, c’est que les grande surfaces, où les gens sont amassés dans les rayons et tripotent tout, ont, elles, le droit d’ouvrir. C’est totalement hypocrite. »
À Marcilly-en-Villette, village de quelque 2000 âmes, au sud d’Orléans, les dernières nouvelles n’ont pas enthousiasmé Alexandre Sablé, le propriétaire du bar-tabac au Ventre Jaune. « On ne peut pas dire qu’on ne s’y attendait pas, souffle-t-il, tout en encaissant un rare client. La question était surtout quand et comment on serait reconfinés. À notre humble niveau, nous sommes un lieu de vie, un point de rencontre, du village. Les gens ne viennent plus, ne se voient plus. Les rendez-vous quotidiens du café, c’est fini. C’est tout le lien social qui se rompt peu à peu. »
Déjà échaudés par le couvre-feu
À quelques dizaines de kilomètres à l’ouest se dresse la petite commune de Ligny-le-Ribault et ses 1200 habitants. Là-bas, Philippe Rodolle, lui non plus, ne décolère pas. « Les bars étaient déjà fermés donc c’était déjà un énorme manque à gagner, s’exclame le patron de l’auberge Le Saint-Hubert. Le soir, c’est encore plus compliqué, à cause du couvre-feu, pour que les gens soient rentrés chez eux à 21 heures, ils devaient commencer à manger à 18h30, mais qui a faim à cette heure-là ? Personne ! Maintenant avec ce confinement, on perd également notre clientèle de chasseurs avec les plats à emporter ! Là-haut, ils veulent notre mort ou quoi ? »
Une colère partagée aussi du côté de Tigy, et ses 2300 résidents. « On se demande pourquoi c’est toujours nous [les bars et restaurants, NDLR] sur qui on tape en premier, explique Christelle Godin, qui gère l’établissement l’Auberge du Cheval Blanc depuis une vingtaine d’années. La colère vient de là. On s’interroge sur le fait d’être les pestiférés parce qu’aujourd’hui, on voit que les transports en commun ou que les grandes surfaces fonctionnent normalement. Nous, tout de suite, c’est couvre-feu puis fermeture des bars, et maintenant fermeture tout court. C’est comme si le Covid des bars-restaurants était plus méchant que celui qui court les rues. »
Entre solidarité et difficultés financières
Mais Christelle Godin souhaite, elle, rester optimiste en ayant vu une forme de solidarité se mettre en place à son égard. « L’avantage d’être dans une petite ville c’est qu’un mouvement solidaire s’est rapidement installé, souligne-t-elle. Les gens sont venus de peur qu’on ferme définitivement et ils montrent qu’ils sont là. Ça passe par l’achat de plats à emporter. Aujourd’hui, je ne suis pas sûre qu’il y ait eu ce même côté généreux à Orléans par exemple. À Tigy tout le monde se connaît. Il y a un lien bien plus important. Si j’avais été dans une ville quelconque où personne ne se connaît, je pense que la donne aurait été différente… »
Cela n’empêche toutefois pas une baisse en moyenne de 50% du chiffre d’affaires de tous les restaurateurs contactés. Tous s’unissent pour expliquer que les aides mises en place par l’État ne suffiront pas. « Psychologiquement, c’est terrible et financièrement, c’est une catastrophe, soupire Jean-Luc Hummel, propriétaire du restaurant du Pont des Beignets à Sury-aux-Bois, sur les bords de la D2060 entre Orléans et Montargis. Les routiers sont mes principaux clients et on ne peut que leur proposer des plateaux-repas froids… On fait du bricolage avec cette vente à emporter mais c’est 5 à 10% de notre chiffre d’affaires. Le pire, ce sont les assurances qui ne couvrent pas le risque de pandémie… »
Les plus pessimistes d’entre eux se préparent à un confinement bien plus long que les quatre semaines initialement annoncées, voire un troisième en janvier après les Fêtes de fin d’année…
Delphine Toujas