Concours International de piano d’Orléans : virtuosité du geste, beauté de l’intention

 
Nous y sommes. C’est aujourd’hui que s’ouvre en public le quatorzième Concours International de piano d’Orléans, créé par Françoise Thinat en 1989 et dirigé depuis 2015 par Isabella Vasilotta, musicologue, compositrice et directrice artistique. Dès aujourd’hui, sept candidats, au cœur du tourment culturel imposé par la crise sanitaire mondiale, vont se produire de manière radieuse à la salle de l’Institut d’Orléans. Roland Spenlé, critique musical orléanais aujourd’hui disparu avait en son temps su évoquer le toucher indicible du pianiste. C’est “le son sous la note” révélait-il.
 

Pierre Fenouillat, accordeur. Photo : JD Burtin.


Aujourd’hui, tous les candidats joignent aussi le mot au geste artistique et certaines comme, Chiko Miyagawa,  au si beau son, évoquent ce charme qui fait osciller l’interprète au clavier et à ses lames de fond, son perlé cristallin éthéré. Ce sont, dès lors, des “personnages rythmiques” qui nous troublent, nous saisissent, nous enchantent et sur lesquels elle se penche avec amour, attention, questionnement. A présent, la déferlante jaillissante des notes du Concours festivalier vont ravir plus d’un mélomane. Elle est le fruit total et plein d’espoir d’un engagement et de la reconnaissance de virtuoses d’aujourd’hui.
 

Les candidats du 14eme Concours

Quelques propos des interprètes

Voici quelques paroles, non exhaustives, des interprètes à propos des programme respectifs.
Robert Fleitz et les “Gestes éclatés ” :  “Chaque pianiste porte en lui toute une vie de gestes dans ses mains, incorporés à travers un répertoire de plusieurs siècles et des heures de répétition, de soin et de dévouement.  Les six œuvres dans ce programme partent du point de départ fondamental du piano, et l’éclatent dans des extrêmes émotionnels. Finalement, André Jolivet invoque un rituel cosmique, suivi d’une réponse par la nouvelle œuvre de Pascal Dusapin dans laquelle la technique de l’interprète est poussée aux extrêmes dans un exorcisme terrifiant d’émotions négatives”. 
 
Chae-Um Kim :  “ Tandis que Scriabine met en musique les motifs omniprésents dans son mental (la lumière, la couleur, son désir érotique, le vol), Xenakis y traduit un phénomène naturel (Mists, brouillards en français) avec la masse sonore. Contrairement à l’usage abondant des tempi rubati dans la sonate de Scriabine, les brouillards xénakiens semblent d’être figés dans le temps.
 

Mikhail Bouzine. Photo : Didier Depoorter.


Mikhaïl Bouzine :  ” Le mythe parle d’origines, de comment nous devrions vivre, ce que nous devrions faire, et dissimule le connaissable ; la brume dissimule le visible, le perceptible, et la vérité ne se cache que bien en dessous. Mon programme explore les mythes qui sont créés sans relâche tant que l’humanité existe.
Il se termine avec l’œuvre d’Isang Yun « Little Yin Yang », car comme il l’est magnifiquement démontré dans Rashomon, la vérité n’est ni héroïque ni tragique ; elle est en réalité petite, simple et apparemment insignifiante comparée aux grandes idées des dirigeants… Mais qui possède la vérité finalement ? “

Une passion, du “signe” à “l’impression”

Dmitry Batalov  et les « Signes… » : “Le phénomène d’un signe apparait et se reflète dans ce programme non seulement sous différents angles, mais aussi sous différentes perceptions. Les œuvres de Denisov et de Dusapin le portent dans leurs titres (sans oublier qu’une lettre est une forme commune d’un signe) comme un conglomérat de sens musicaux.”
 
Haruke Ebina et “La prédétermination et l’aléatoire : “Parmi les nombreux aspects qui différencient la musique contemporaine de la musique classique, deux éléments qui ne s’excluent pas nécessairement mutuellement, la prédétermination et l’aléatoire, sont peut-être les plus saillants et du plus grand intérêt”.
 
Yaoyue Huang et “L’impression” :  “Semblables à l’industrie de l’art au XXe siècle, les compositions musicales après 1900 ont changé, allant d’un portrait précis d’un événement ou d’un sujet à une expression plus personnelle et surréaliste. Lorsqu’il transposait la chanson d’amour d’origine argentine au piano, Ginastera a décidé de recréer fidèlement les intervalles exacts entre les voix, au lieu de corriger le chant légèrement désaccordé d’une chanson d’amour auquel le public s’attend habituellement. Plutôt que d’utiliser des hymnes traditionnels dans ses Vingt Regards sur l’Enfant Jésus, Messiaen a décidé de contempler l’enfant Jésus en fusionnant différents rituels et musiques du monde entier. Pour Tan Dun, l’hommage à John Cage a été exprimé en répétant les quatre lettres du nom de famille de Cage pendant près de dix minutes.
Ces compositeurs ont élargi les possibilités et l’imagination des événements et des sujets dont ils se passionnaient et ont offert de nouveaux aspects aux traditions, ce qui est particulièrement admirable dans ce monde qui ne cesse d’évoluer”. 
 

Chiko Miyagawa. Photo : Didier Depoorter.


Chiko Miyagawa: “Les 5 Klavierstücke de Isang Yun, pièces de 1958, résument l’apport sériel de l’Occident pour le compositeur. La notion de discours fait surface dans le déroulement de la pièce, discours virtuose, mais introduisant aussi un narrateur empreint d’un grand lyrisme qui traverse différents états d’esprit.
 
D’une écriture harmonique assemblant des sonorités douces à la plus extrême férocité, puis se relâchant, la pièce de Dusapin semble mettre en scène un personnage qui parcours en quelques minutes les extrêmes de son caractère. “
 

Pascal Dusapin, Soulages et “Black Letters”

 
Lors de chaque édition, le Concours international de piano d’Orléans commande à un compositeur de son choix une œuvre pour piano seul ou pour piano et ensemble. Cette année l’œuvre imposée fait l’objet d’une co-commande avec le Musée du Louvre, dans le cadre de l’exposition Soulages au Louvre. Dans ce cadre, le peintre avait souhaité qu’il y ait une trace musicale de Pascal Dusapin pour accompagner son exposition. Cette composition est aujourd’hui pièce imposée dans le cadre de la demi-finale.
 
Quelques mots du compositeur recueillis par Isabella Vasilotta, directrice artistique du Concours : “C’est une commande très émouvante. Black Letters est une pièce très massive qui commence avec des accords très sombres et presque martelés. Il y a une verticalité qui, à un moment, se brise d’elle-même. Ce n’est pas une pièce sereine et il y a, à un certain passage, une perturbation un peu oblique qui arrive dans la pièce et qui fait qu’elle devient extrêmement rebelle. Je ne sais pas pourquoi cette verticalité me paraissait “Soulagienne”.
Je voudrais que les candidats, pour le Concours international de piano d’Orléans, soient libres. Je leur dirai : faites ce qui est marqué; j’attache beaucoup d’importance à la notation et je crois être très précis mais n’oubliez pas d’être vous-même.”

En route vers une Finale d’excellence

Agata Zubel compositrice polonaise


Synthèse de l’esprit du concours, la finale du Concours international de piano d’Orléans mettra en compétition le samedi 31 octobre trois candidats qui interpréteront, entre autres, le Concerto pour piano et ensemble de la compositrice polonaise Agata Zubel avec l’Ensemble Intercontemporain placé sous la direction de Simon Proust. Les finalistes interpréteront également l’allegro du Sextuor pour piano et vents en compagnie des solistes de l’Orchestre symphonique d’Orléans, Pierre Baranger, flûtiste, Christophe Patrix, hautboïste, Olivier Petit, clarinettiste, Philippe Recard, bassoniste, David Harnois, corniste.
 
Voici une belle compagnie pour clore ce concours doté de six prix d’interprétation et de nombreux prix spéciaux annoncé par une heureuse affiche, création visuelle de La Glissade offrant au regard un bouquet de marteaux feutrés, mécanisme intérieur du piano, tendu entre les mains de Maroussia Gentet, pianiste lauréate du dernier concours.  Une nouvelle fois sens et signe, transmission, sont de mise.
 
Jean-Dominique Burtin.
 
Les candidats
Dmitry Batalov (Russie)
Michaïl Bouzine (Russie/Allemagne)
Haruka Ebina (Japon)
Robert Fleitz (Etats-Unis)
Yaoyue Huang (Chine/Etats-Unis)
Chae-Um Kim (Corée du Sud)
Chiko Miyagawa (Japon)
 
Le jury
Reinhold Friedl. Pianiste, compositeur (Allemagne). Président du jury.
Noriko Baba. Compositrice (Japon).
Bruce Brubaker. Pianiste (Etats-Unis).
Mikhail Dubov. Pianiste (Russie).
Mei Yi Foo. Pianiste (Malaisie/Grande-Bretagne).
Nicolas Hodges. Pianiste (Grande Bretagne). 
Vanessa Wagner, Pianiste (France).
 
Les concerts
Demi-finale : mercredi 28 octobre à 9 h 45 et 14 heures, salle de l’Institut.
Master Class d’Hideki Nagano avec les quatre demi finalistes sortants du concours; jeudi 29 octobre, de 16 heures à 19 heures, salle de l’Institut.
Concert de l’Ensemble Intercontemporain: vendredi 30 octobre, 19 heures, salle de l’Institut.
 
Finale avec l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Simon Proust et avec les solistes de l’Orchestre Symphonique d’Orléans : samedi 31 octobre à 15 heures au Théâtre d’Orléans. Palmarès et remise des Prix à 19 heures.
 
Concert des lauréats du XIVe Concours de piano d’Orléans : lundi 9 novembre, à 19 heures, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris. 
Les expositions : “Le piano dans tous ses éclats 1994-2020” et “A l’écoute de pianistes inouïs”.
 
Tarifs
Dans la limite des places disponibles.
Demi-finale à l’Institut : 10€ (5€ TR).
Masterclasse Hideki Nagano: entrée libre.
Finale au Théâtre d’Orléans: 25€ (15€, 5€ TR, 5€ dernière minute pour m les moins de trente ans. www.theatreorleans.fr
Théâtre des Bouffes du Nord, Paris: 25€ (20€ TR). www.bouffesdunord.com
Billetterie en ligne : www.helloasso.com
 
En savoir plus www.oci-piano.fr

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