Alors que le conseil communautaire doit se réunir ce jeudi soir, Christophe Chaillou président de la Métropole nous livre sa vision de l’intercommunalité, des difficultés budgétaires à surmonter et donc des choix à opérer : téléphérique, CO’Met, Interives, équipements culturels, etc. Il revient aussi sur les conditions de son élection – un président de gauche pour une agglomération majoritairement à droite – qui ont pu susciter sinon des rancœurs du moins des doutes notamment à gauche.
Comprenez-vous que votre élection en juillet dernier ait suscité un certain trouble ?
Christophe Chaillou : J’entends des réactions de plus en plus insupportables et un procès en illégitimité. Mon élection n’a pas été volée, elle ne résulte pas d’un arrangement contre nature. Il n’y a pas eu d’alliance avec Serge Grouard. À l’issue du premier tour de l’élection il y avait trois blocs, la gauche, les élus d’Orléans et ceux des autres communes. Faute de consensus, dû notamment à l’opposition entre Matthieu Schlésinger et la ville d’Orléans, et face à ce blocage j’ai été élu avec toutes les voix de gauche y compris celles des écolos. Les élus d’Orléans ont également voté pour moi, c’était leur choix. La gauche a toujours travaillé dans l’exécutif avec Olivier Carré, c’était tout à fait normal. Mais on n’a jamais dit qu’il était contre nature qu’Olivier Carré gère avec des élus de gauche.
Un troisième tour aurait été plus simple…
C.C. : Cela n’aurait rien changé. Il fallait sortir de l’impasse. Mais chez certains, il y a peut-être une certaine nostalgie à voir l’intercommunalité présidée par un élu orléanais de droite. C’est la première fois qu’un élu non orléanais accède à cette présidence.
« Bruno Cœur n’est pas le Monsieur Propre !»
Pourquoi ce soutien à Florent Montillot ?
C.C. : Nous sommes en intercommunalité, ce sont les communes qui désignent leurs élus pour intégrer l’exécutif. Comme cela s’est toujours fait, il y avait un accord de répartition des vice-présidences avec 7 pour la gauche, 7 pour Orléans et 6 pour les autres communes. Orléans a désigné Florent Montillot pour occuper la 15e vice-présidence. Je n’avais rien à y redire. Je n’ai pas soutenu M. Montillot, j’ai soutenu le candidat désigné par la ville d’Orléans… La quasi-totalité des élus ont validé cet accord. Au dernier moment, Bruno Cœur m’a précisé par SMS qu’il était candidat à cette vice-présidence où il a été élu. Je regrette qu’il n’ait pas respecté cet accord entre les communes. Présider l’intercommunalité suppose de respecter les communes, toutes les communes.
Bruno Cœur dénonce des pressions qu’il aurait subies pour le faire démissionner….
C.C. : D’autres petites communes comme Marigny ou Combleux, n’ont également pas de vice-président. Bruno Cœur a voulu faire un bon coup et apparaître comme le Monsieur Propre et le grand héraut des petites communes. Il m’avait dit qu’en échange de la délégation au développement durable il démissionnerait, il a eu sa délégation… mais sans démissionner. Il n’y a eu aucune pression sur Bruno Cœur. Nous avons été nombreux à lui demander de tirer les conséquences de son choix et d’agir avec responsabilité. Comment voulez-vous qu’on puisse sanctionner une commune ?
Vous avez soutenu Florent Montillot devant le tribunal administratif et vous n’avez pas désavoué ses propos tenus sur M6 !
C.C. : Je ne partage pas sur le fond les propos de Florent Montillot, c’est une évidence. Je n’ai pas signé une pétition de la gauche qui a été lancée à Orléans par les élus orléanais. J’assume mes responsabilités. Je suis en paix avec mes valeurs. Florent Montillot est un élu légitime d’Orléans et vice-président de la Métropole pour l’instant. Mon rôle c’est de faire fonctionner l’intercommunalité dans un contexte compliqué.
« Je n’ai pas à juger les choix d’Orléans »
Et si la justice donne tort à M. Montillot et annule son élection comme 15e vice-président ?
C.C. : Attendons les décisions de justice. C’est sans doute le début d’un long feuilleton avec des recours. Mais les décisions de justice seront appliquées…
Votre mandat sera-t-il celui des projets culturels abandonnés, comme la cité des Arts Vivants incluant l’Astrolabe, l’extension du Musée des Beaux-Arts ou les Vinaigreries ?
C.C. : Ces projets relèvent de la ville d’Orléans, pas de la Métropole. Je n’ai pas à juger les choix d’Orléans, les électeurs orléanais ont fait un choix qui s’impose à tous. Serge Grouard n’était pas d’accord avec la Cité Musicale, c’est son choix, on peut éventuellement le regretter mais j’en prends acte. Pour Saint-Jean-de-la-Ruelle c’était un bon projet. Mais il y a eu de très fortes réticences, et le mot est faible, du Conservatoire, des enseignants, des parents d’élèves et des élèves. Il faut maintenant travailler sur des solutions alternatives. On y réfléchit depuis 20 ans…
La Métropole doit-elle aller plus loin pour la culture ?
C.C. : Nous sommes dans une configuration particulière car on ne sait pas ce qu’on pourra faire en 2021. C’est vrai dans ma commune pour le Grand Unisson même si nous ouvrirons notre nouvelle salle culturelle avant l’été. La Métropole doit être le lieu pour échanger, coordonner, impulser des initiatives culturelles ou sportives mais sans pour autant transférer de nouvelles compétences. Quant à l’extension du Musée des Beaux-Arts c’est un beau projet mais qui n’a été validé par personne avec un coût de 6 ou 7 millions. Cela ne sera sans doute pas faisable en 2021.
« On n’a pas été assez curieux »
Vous n’étiez vraiment au courant de rien pour la facture de CO’Met ?
C.C. : Comme la plupart de mes collègues j’ai découvert un certain nombre de choses après mon élection. J’assume avoir voté pour ce projet qui est un outil essentiel à la valorisation du territoire. Aujourd’hui, on prend acte et on avance pour aller jusqu’au bout et pour transformer la salle de sport initiale de 10 000 places en salle pour grands événements. Il faut mettre à plat le financement. Des décisions prises en juillet 2019 n’ont pas été actées par des avenants qui arrivent aujourd’hui… après les élections. Il faut bien reconnaître que l’on n’a pas été assez curieux sur un certain nombre de choses qu’il faut solder au budget 2021.
Quelle seront vos capacités d’investissement ?
C.C. : Pour l’an prochain les communes listent près de 200 millions d’euros de projets. On ne pourra en faire que la moitié d’autant plus dans cette période instable. La Covid va nous coûter au moins 15 millions de recettes de fonctionnement tandis que Kéolis enregistrera une perte de 10 millions de recettes. Personne ne pouvait le savoir. Il y a donc des arbitrages à faire dans le stock de projets, certains n’iront pas à leur terme.
En augmentant peut-être les impôts ?
C.C. : On a pris un engagement de stabilité fiscale globale. Après, très honnêtement, on doit en débattre et faire des choix. On devrait aussi avoir des recettes nouvelles avec le contrat de plan, le plan de relance de l’État, le contrat avec la région. Nos choix interviendront en 2021, notamment après les assises de la transition écologique.
« Non au totem de la gratuité des transports »
Il faut effacer la période Carré ?
C.C. : Quel intérêt on aurait à le faire, on regarde même tous les projets passés. Le chantier des bus électriques va être remis à plat et on achètera sans doute des bus thermiques en 2021, avant de regarder d’autres solutions comme l’hydrogène. Le projet de téléphérique est abandonné et personne n’a contesté. Si Olivier Carré avait voulu le faire il l’aurait fait. Mais pour ne pas fâcher l’ancien maire de Fleury et M. Lemaignen il a reporté son téléphérique après les élections. Nous allons faire évoluer le projet Interives et candidater pour y accueillir de grands équipements nationaux. Il faut aussi préparer la réorganisation du réseau de bus, renforcer les mobilités douces, développer le réseau cyclable pour lequel nous investirons 5 millions l’an prochain.
Et la gratuité des transports ?
C.C. : Je n ‘ai jamais été favorable à ce totem de la gratuité totale des transports qui nous coûterait 20 millions d’euros. Certains à gauche veulent la gratuité, d’autres ne veulent rien changer et d’autres enfin veulent évoluer vers une tarification plus juste en fonction des revenus. Pourquoi la Métropole paierait-elle pour des clients qui ont les moyens de payer leur ticket de bus ou de tram ? C’est ma position et je crois que c’est aussi celle de Serge Grouard.
« Changer l’image de la Métropole »
Avez-vous l’ambition de lancer de nouveaux grands projets ?
C.C. : Début 2021 on va élaborer un plan prévisionnel d’investissements pour revoir certains engagements et regarder ce qui paraît prioritaire en fonction des assises de la transition écologique. Je ne suis pas dans le fantasme des grands équipements car ils sont déjà là. Je veux d’abord que ces équipements fonctionnent, que les transports, les services publics remplissent pleinement leurs missions. Il faut aussi donner des signaux pour l’emploi, l’apprentissage, l’insertion, le renouvellement urbain et répondre aux attentes des communes, afin que chacun s’y retrouve. La Métropole doit être l’endroit où l’on porte ces projets vers le haut.
L’image de la Métropole est souvent brouillée avec celle de la ville d’Orléans. Comment mieux la valoriser ?
C.C. C’est vrai et c’est pourquoi nous allons dé-mutualiser certaines missions, c’est décidé avec un consensus assez large. Nous allons certes maintenir une administration de grande qualité et efficace mutualisée. Mais ce qui était efficace quand le président de la Métropole était aussi maire d’Orléans ne l’est plus aujourd’hui. Il va donc y avoir une partition de la communication avec deux directions, deux sites internet et un journal propre à la Métropole.
Propos recueillis par Gérard Poitou et Jean-Jacques Talpin