La femme préhistorique sort de l’ombre

Les femmes préhistoriques passaient-elles leur journée à balayer leur grotte tandis que leurs hommes passaient la leur à peindre ? Il faut bien reconnaître que nous le pensons tous un peu et soyons honnêtes, jusqu’à une période récente, la reconnaissance du féminin, à plus forte raison à la préhistoire, n’était pas à l’ordre du jour. D’ailleurs, à l’heure actuelle, la moitié de l’humanité n’avance toujours pas sans difficultés. Si nous nous préoccupons du présent et de l’avenir des femmes et de leurs relations avec les hommes nous restons consciencieusement assis sur notre passé tel qu’on nous l’a enseigné avec son romantisme et ses zones d’ombre : de tous temps, c’est une affaire entendue, jusqu’au milieu du XXe siècle du moins, la femme fut inférieure à l’homme.

Quelle évolution pour l’humanité ?

Reconstitution d’une femme Néandertal

Avec son livre, « L’homme préhistorique est aussi une femme », Marylène Pitou-Mathis attire notre attention sur cette erreur manifeste et communément admise. Cette préhistorienne, directrice de recherche au CNRS, mondialement reconnue pour ses travaux sur les néandertaliens, pose la question qui n’avait même pas effleuré jusque-là les préhistoriens de la place et du rôle de la femme dans la préhistoire. « L’homme préhistorique », artisan, chasseur, artiste, conquérant, a alimenté et enrichi les débats scientifiques et nos connaissances. La femme, lorsqu’elle était évoquée, était souvent considérée comme passive et reproductrice, livrée aux fantasmes, aux mythes inspirés de la Bible, ou aux lieux communs colportés depuis le XIXe siècle. L’auteure cite Simone de Beauvoir qui déjà rappelait que l’histoire du monde était écrite par les hommes et eux seuls.

Quelles traces ont-elles laissé dans nos mentalités les BD qui montrent un homme préhistorique traînant sa femme par les cheveux ? Qu’était la famille préhistorique ? Le modèle que nous en avons est celui de la famille occidentale du XIXe siècle : nucléaire, monogame et patriarcale. La grande spécialiste qu’elle est, reconnue au niveau mondial acte que « les premières reconstitutions d’humains préhistoriques et de leur mode de vie n’ont aucun réel fondement scientifique…L’approche des premiers préhistoriens, et par conséquent, l’image qu’ils ont léguée des humains de ces temps reculés se sont articulées autour de deux biais majeurs ; celui d’une violence primordiale et celui d’une évolution progressive et linéaire de l’humanité ».

La femme, un homme raté ?

Les textes sacrés des différentes religions ont largement contribué à cette construction et à cette diffusion. Eve est née de la côte d’Adam donc selon saint Paul « elle n’est pas tout à fait à l’image de Dieu » et selon saint Thomas d’Aquin elle est « un homme raté ». Platon et Aristote ne lui font pas un sort meilleur : « un mâle est un mâle en vertu d’une capacité particulière, une femelle est une femelle en vertu d’une incapacité particulière ». Selon les pères de Pères de l’Eglise « dans l’acte de procréation c’est la mère qui fournit la matière ( apporte la nourriture) et c’est le père qui communique le mouvement ( la substance de l’être vivant). »

Aujourd’hui, la célébrité de “Lucy” et de “l’Eve africaine “ témoignent d’un intérêt nouveau pour l’existence des femmes depuis les époques reculées du Paléolithique. Il est temps, en effet, de s’intéresser à cet acteur essentiel du monde de nos origines et de donner une visibilité à cette moitié de l’humanité prétendument ” invisible ” aux archéologues. S’y intéresser bien sûr et ne pas laisser seulement ce combat aux « rebelles » ces femmes telle Christine de Pisan à qui le livre consacre un chapitre.

Marylène Patou-Mathis va plus loin. Elle interroge de façon critique l’histoire des idées et des preuves. Elle part des représentations de femmes dans l’art préhistorique – pour dessiner une image plus vivante et plus vraie de nos lointaines ancêtres. Cet ouvrage qui ouvre un nouveau chemin à la pensée se lit avec gourmandise. Débordant d’informations il n’est jamais pédant, jamais lourd mais il est solide comme un menhir.

Françoise Cariès

« L’homme préhistorique est aussi une femme »

Marylène Patou-Mathis

260 pages, 23,90 euros Allary éditions

 

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