Quels droits ont les animaux en France ? La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili vient d’annoncer une série de mesures visant à améliorer leur bien-être, notamment la “fin progressive” des animaux sauvages dans les cirques et en captivité sans préciser de date et la fin « sous cinq ans » des élevages de visons à fourrures. Elle a également annoncé que la reproduction et l’introduction de nouveaux orques et dauphins seront prochainement interdites dans les trois delphinariums français.
Au cirque Fernando l’écuyère Toulouse Lautrec
Pour accompagner ces mesures le gouvernement va débloquer une enveloppe de 8 millions d’euros pour la reconversion des cirques et des personnels des delphinariums. « Il est temps que notre fascination ancestrale pour ces êtres sauvages ne se traduise plus par des situations où l’on favorise leur captivité par rapport à leur bien-être », a indiqué la ministre.
Certes mais il aurait été bon de rappeler la trajectoire que depuis des millénaires les hommes et les animaux mènent en commun. Pour les uns comme pour les autres, ce fut un parcours semé d’embûches, très dur, un combat incessant où chaque catégorie délimitait son espace, les uns mangeant les autres, les uns se servant de la force des autres, les uns se méfiant des autres et vice versa, une cohabitation bâtie sur une paix armée.
Hommes et bêtes d’antan
[Extraits]
Ils étaient braconniers, montreurs d’ours, paysans superstitieux, chasseurs de vipères, pêcheurs de saumons, meneurs de loups, bateleurs de foires, ils chassaient l’alouette, le loup et le lapin, ils craignaient les birettes, les bohémiens et la maréchaussée. Ils fréquentaient les foires, les cirques et venaient applaudir les « curiosités » présentées par les ménageries ambulantes de la foire du mail à Orléans. Ce sont nos ancêtres. Ils ont laissé la trace de montreurs d’ours à Romorantin au début du XXe siècle. Leurs liens sont souvent rudes avec le monde animal. Les gazettes du temps le montrent. D’étonnants faits divers, parfois tragiques, souvent drôles, toujours pittoresques, les mettent en scène et nous invitent à mesurer le chemin parcouru dans notre mentalité collective depuis des temps lointains et celui qui reste à faire pour aller vers des relations apaisées avec le monde du vivant.
En 1790, le journal du Loiret met en garde ses lecteurs : « La seule chose dont les patriotes se plaignent est qu’on fasse voir dans des baraques, aux avenues du Champ de Mars à Paris, des tigres, des lions, des ours, des panthères et autres animaux féroces. Ils craignent avec raison qu’une de ces bêtes lâchée par malice ou par accident ne donne lieu à la plus terrible catastrophe. »
À Orléans, on se rend tous les ans en juin à la Foire du Mail. Le Journal du Loiret incite à s’y rendre : « Nous voyons avec plaisir le champ de foire animé par une quantité considérable de saltimbanques, “curiosités” (animaux sauvages ou exotiques) et petits spectacles qui offrent une agréable diversité. »
Les rois de France se délectaient des combats d’animaux ainsi que de possession dans leurs ménageries d’animaux sauvages divers, lions, singes, léopards, rapaces…
Les comptes de dépenses de François Ier mentionnent la rétribution versée à un certain Geoffroy Couldroy, boucher à Amboise, pour faire combattre un taureau avec des lions.
Jacques Baillon
Retrouvez cet ouvrage Bêtes et Hommes d’antan, édité sur internet.
Gardons-nous bien, gens du XXIe siècle que nous sommes, de juger ce monde-là. Notre confort, nos moyens de vie se sont tellement améliorés. Faut-il que celui des animaux suivent d’autant plus que l’élargissement urbain a réduit leur espace ?
Depuis un peu plus d’un siècle et demi la cause animale est prise en compte en France. Encore une fois il ne faut pas oublier l’état des mentalités de l’époque et les préoccupations de la société à l’instant T. En 1850, le député général, Jacques de Grammont, sensible au sort des chevaux militaires et des animaux maltraités dans la rue fait voter une loi qui punit d’une amende à de cinq à quinze francs et de un à cinq jours de prison « ceux qui ont exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques ». En 1963 la cruauté envers les animaux devient un délit. Elle concerne les animaux domestiques apprivoisés ou tenus en captivité qu’elle soit exercée dans la sphère publique ou privée.
Des animaux sauvages il n’est pas question. En 1976 le Code rural établit que « tout animal étant un être sensible» doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. En 1999, la loi du 6 janvier impose à chaque commune de disposer d’une fourrière ou d’un service accessible.
Les activités de fourrière, de refuges, d’élevage, de vente, de pension, d’éducation, de dressage sont réglementées. Les conditions de vente d’un animal deviennent plus strictes. Interdiction de vendre un chaton ou un chiot de moins de huit semaines. La loi punit également les actes de sévices ou de cruauté allant jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.
En 2015 l’animal devient un acte sensible dans le code civil. Il était auparavant considéré comme « un bien meuble ou immeuble par destination ». En 2018, première européenne, apparition en France du premier code juridique de l’animal qui réunit l’ensemble des textes consacrés aux animaux de compagnie, de ferme, sauvages ou apprivoisés.
En 2020 enfin, annonce de l’interdiction de la castration à vif des porcelets pratiquée dans l’élevage dès 2021. L’annonce de la ministre de l’environnement prolonge donc les mesures déjà prises et les prolonge dans un monde qui évolue, évolution dans laquelle l’animal prend sa part.
Françoise Cariès