Dimanche 28 septembre, face à la tour Eiffel, le 4e défilé des Tascettes a démontré que chacun-e a sa propre beauté. A l’image d’Erika, l’Orléanaise, ou Christina, la Chartraine, qui ont osé la lingerie devant le public, les photographes et les médias. Un joyeux message Body Positif en réponse aux éternels discours normalisateurs de l’apparence féminine.
“Pourquoi pas moi ?“. Telle est la question que s’est posée l’orléanaise Erika, en 2019, après mûre réflexion. Pourquoi n’oserait-elle pas participer au 4e défilé organisé à Paris connu sur le web sous le nom de “The all size catwalk“, pour s’assumer et devenir ainsi une tascette, comme se nomment désormais toutes les participantes.
Georgia Stein, créatrice de The All Size Catwalk (TASC). Photo Christophe Hatton
Existant depuis 2018, “cette manifestation unique en France part d’un concept particulier, inspiré d’une manifestation new-yorkaise en 2017“, explique le mannequin Grande taille Georgia Stein, sa créatrice. “J’ai voulu organiser un défilé improvisé, en un lieu public, un happening, un peu comme les flash-mobs, où viendraient défiler toutes celles et ceux qui le voudraient, sans distinction de taille, d’âge, etc. Tout le contraire des habituels podiums de la Fashion week“. Avec un impératif, toutefois: “elles doivent défiler en lingerie, montrant ainsi qu’elles assument leurs corps.” Elles étaient neuf à la première édition, 47 à la seconde et plusieurs centaines ce dimanche 28 septembre.
“Désormais, l’événement est mondialement connu grâce au web, le recrutement se fait principalement par Instagram, et les médias en ont compris l’intérêt“. L’AFP, BFMTV, LCI étaient là pour cette édition 2020. “Devant le succès, nous avons même eu des hommes, des personnes de tous âges, de tous les sexes. Même un transgenre et une femme ayant récemment subi l’ablation d’un sein. C’est un succès, qui ne m’appartient plus vraiment, qui appartient à tous. Et c’est tant mieux“. Un regret ? “A cause des restrictions du covid, nous avons dû nous organiser dans l’urgence, alors que nous étions débordés par les inscriptions. A l’arrivée, tout le monde n’a pas pu profiter des tenues proposées par notre sponsor (Sheina), ou des maquillages réalisés par l’école d’esthétique partenaire, et certaines n’ont plus voulu défiler, ne se sentant plus les égales des autres. Mais c’est une petite minorité.“
Erika, une orléanaise, a déjà participé à l’élection de Miss Ronde Centre en 2014. Photo Dybopixell
Tous les corps ont chacun leur forme
Pourquoi y participer ? “Par esprit de défi pour moi-même“, dit Erika, originaire du Loir et Cher et travaillant désormais à Orléans. En 2014, elle a participé à l’élection de Miss Ronde Centre. Là, les défilés étaient habillés.
Depuis, cette jeune femme de 28 ans continue à assumer son corps, pose parfois pour des photographes franciliens, et découvre le TASC en 2019 sur Instagram. Et si elle osait ? Elle envoie sa candidature, va à des rencontres à Paris avec d’autres participantes en fin d’année, et attend le grand jour. Elle a osé. Défiler en lingerie en public, devant près de 1000 personnes, dont plusieurs centaines ont fait le même challenge. “A la fin, pour nous toutes, c’était l’euphorie. Nous avions réussis ! Nous avions prouvé que tous les corps ont chacun leur forme, et qu’ils peuvent être acceptés“.
Un beau message à défendre
Christina, agent de voyage à Chartres
C’est aussi sur Instagram que Christina, une vendômoise de 27 ans travaillant dans une agence de voyage à Chartres, a connu cette manifestation, et souhaité y participer, “pour me surpasser, assumer mes formes. Et, le faire à plusieurs, ça aide“.
Pour elle, le challenge était un peu différent. “Impossible pour moi de participer à une élection de Miss, je ne correspond pas aux critères“. Trop “forte” pour les élections de Miss traditionnelles (36/38)…et pas assez pour les élections de Miss Ronde. “J’ai deux tailles en trop, ou pas assez !” Inscrite trop tard, Christina a fait partie de celles qui n’ont pas pu profiter des tenues préparées par le sponsor. “Sur place j’ai hésité ? Je le fais ou pas ? Et j’y suis allé, en retirant mon haut, avec mon propre soutien-gorge. Car le message était trop beau à défendre“.
Apporter une pierre à l’édifice
Pour Mallau, une parisienne de 24 ans, c’est encore par Instagram qu’elle a connu la TASC. “Pourquoi Instagram ?C’est là que se retrouvent les moins de 30 ans“.
Mallou, styliste grande taille.
Cette styliste spécialisée en mode Grande taille, qui fait aussi du conseil en image, a même participé à l’élection de Miss Normandie, en 2013, où elle a terminé première Dauphine. Mais c’était son premier happening du genre, comme Erika et Christina, et elle a voulu “apporter sa pierre à l’édifice“. Sans conteste, elle reviendra en 2021. “A la fin, tous le monde était joyeux, content d’avoir réussi, d’avoir été applaudi. c’était génial.” L’expérience fut pour elle enrichissante, tant à titre personnel que professionnel. “Et n’oubliez-pas de donner mon adresse Insta, @mallaucestcool”. Quand les coach donnent de leur personne pour une telle cause, c’est le moins que l’on peut faire.
Une manifestation enthousiasmante
Lors de cette manifestation unique, qui réussit à réunir plusieurs centaines de personnes en un même lieu, il n’y avait pas que des mannequins d’un jour, mais aussi les médias, et des photographes, amateurs ou professionnels.
Etre là, malgré une opération. Photo Christophe Hatton
Parmi eux, Christophe Hatton, originaire de la métropole orléanaise, aujourd’hui installé en Essonne. C’était pour lui sa deuxième expérience, “différente de la première par son ampleur“, tout autant que par les conditions de réalisations. Covid 19 oblige, le défilé proprement dit de cet happening n’aura pas duré plus d’un quart d’heure, sous l’œil de la police, après accord de leur hiérarchie. Mais un quart d’heure intense, riche en émotion, raconte-t-il. “C’était un moment festif. On trouvait des personnes de toutes conditions, de tous âges. Pas venus là pour s’exhiber, mais pour exister. C’était flagrant à la fin. ils ne voulaient pas partir, oubliant même les gestes barrières, parfois pour s’embrasser, alors qu’ils ne se connaissaient pas avant“. Pour beaucoup, estime-t-il, “cela a été vécu comme une délivrance“. Et si on lui demande un instant qui l’a marqué, il nous montre la photo d’une personne qui a subit l’ablation d’un sein et qui a défilé avec juste une veste, une fleur peinte sur sa poitrine. Tout un symbole.
Sans conteste, une telle manifestation a fait du bien à tout le monde et marqué les esprits. Et quant aux commentaires négatifs, voire injurieux, qui ont suivi la publication des images sur les réseaux sociaux ? Mieux vaut les ignorer ou se dire qu’il y a encore du chemin à faire et que ce défilé avait vraiment toute sa raison d’être.
En 2021, la TASC sera sans conteste reconduite mais peut-être sous une autre forme. Parmi les hypothèses envisagées, celle d’une démultiplication dans plusieurs villes de France. Il serait dommage, si c’est le cas, que la région Centre-Val de Loire en soit exclue !
Jean-Luc Bouland