Un nouveau sucre issu de betteraves Haute Valeur Environnementale bientôt dans les rayons ?

Alors que le Gouvernement vient de ré-autoriser les néonicotinoïdes (NNI) dans la filière betterave, un nouveau sucre issu de betteraves Haute Valeur Environnementale (HVE), lancé par Tereos, devrait faire son entrée dans les grandes surfaces en 2021. Cette certification impulsée par le Gouvernement depuis 2012 doit permettre aux agriculteurs de s’inscrire dans la transition écologique. HVE versus NNI, le pardoxe de retour dans les champs ?

Ramassage des betteraves HVE pour le lancement de la campagne test du nouveau sucre de Tereos. ©EB

Domainville, Lumeau (Eure-et-Loir). À 9 km de la sucrerie d’Artenay, une noria de camions défile en cette fin d’été le long de l’exploitation de Pascal Chenu : c’est le lancement d’une première campagne test de sucre de betteraves Haute Valeur Environnementale (HVE). « Voici le dernier silo qui va servir à fabriquer une nouvelle gamme de sucre », explique Jean-Charles Lefebvre, Président du conseil de surveillance de Tereos. Ce géant du marché du sucre, de l’alcool et de l’amidon compte bien ouvrir une nouvelle voie sur ce marché du sucre entre le bio et le conventionnel. L’idée ? « Faire évoluer les pratiques, répondre aux attentes sociétales et agronomiques en termes de développement durable et de traçabilité et montrer que les producteurs de betteraves peuvent répondre à un cahier des charges d’une demande sociétale. » 

Une certification exigeante et ambitieuse

Pascal Chenu, exploitant agricole à Domainville, engagé dans la démarche HVE. ©EB

C’est le cas de Pascal Chenu, l’un des 15 associés coopérateurs certifiés de la région Centre-Val de Loire impliqués dans ce projet de développement pilote qui couvre 420 hectares. Sur les 195 hectares de cultures qu’il travaille, cet exploitant en consacre 50 aux betteraves HVE, plus haute certification environnementale des exploitations agricoles. « Partir en démarche HVE c’est prendre beaucoup de risques au regard d’un cahier des charges complexe mais abordable. Il a fallu développer des méthodes alternatives : herseterie, faux semis, outils d’aide à la décision, rampes pour la gestion de l’eau, jachères mélifères… Des investissements importants faits progressivement mais qui demandent un retour financier. Pour le moment il n’y a pas de rémunération. Pour autant la démarche est porteuse, il ne faut pas que ça fasse peur aux agriculteurs : le monde bouge, on l’écoute. »

Reposant sur quatre piliers (Protection de la biodiversité, Gestion de la ressource en eau, Gestion de la fertilisation, Stratégie phytosanitaire), les critères d’évaluation pour l’obtention de la certification HVE sont relativement exigeants. « C’est est une façon de valoriser nos efforts sur l’année mais le gros frein est d’arriver à réduire l’utilisation des produits phytos de 15, 20, 30 % », explique Pascal Chenu. Car cette année, il a dû faire face à une perte de rendement des betteraves de 40 % à cause de la jaunisse. « L’hiver a été doux engendrant une pression importante des pucerons à laquelle il n’y avait pas de solution ».

Néonicotinoïdes : « les betteraviers menaçaient de jeter l’éponge »

Pas de solution… C’est-à-dire pas de traitement. Car depuis deux ans, les néonicotinoïdes (les fameux tueurs d’abeilles) sont interdits en France. Mais à coups de pression, les voilà de retour ! « Les betteraviers menaçaient de jeter l’éponge, de ne plus planter de betteraves sucrières et de se retirer des productions, explique Bruno Locqueville, directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt  (DRAAF) du Centre Val-de-Loire. Or la filière betterave c’est 44 500 emplois sur le territoire, la France étant le premier pays producteur d’Europe. Le Gouvernement a été à l’écoute de la difficulté. » Ainsi donc, les néonicotinoïdes vont être ré-autorisés pour la prochaine campagne. « Une dérogation de 120 jours portant uniquement sur les betteraves et pour 4 ans, avec un impact le plus faible possible, comme ne pas revenir deux fois sur la même parcelle, précise Bruno Locqueville. En contrepartie, les betteraviers devront trouver des solutions alternatives jusqu’en 2024 et ne pas planter de cultures melifères derrière pendant 3 ans. Ce n’est pas une contradiction mais le vivant touche à des sujets complexes qui ne sont pas toujours binaires ». 

C’est à ce logo que l’on reconnait les produits issus d’exploitations agricoles engagées dans dans la transition écologique.

Pascal Chenu effectivement fera du blé qui, comme la betterave, ne donne pas de fleurs. Et quand on l’interroge sur ce retour des néonicotinoïdes, il précise que « s’il y avait des résidus de NNI dans le sol, les parcelles n’auraient pas eu la jaunisse, elles auraient résisté… ».

HVE « E »…

En attendant, nombreux sont ces exploitants agricoles à s’engager dans la démarche HVE pour une meilleure prise en compte de l’environnement : 5 400 exploitations certifiées en France en janvier 2020 contre 1 518 en 2019, avec pour objectif du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation d’atteindre les 15 000 en 2022. « Un effort soutenu par le Gouvernement à travers le Plan de relance du 3 septembre dernier, souligne Bruno Locqueville. Sur les 100 milliards d’euros annoncés, 350 millions seront accordés pour l’agriculture et une sous-enveloppe servira à soutenir la démarche HVE via un crédit d’impôt dont on ne connaît pas encore les modalités. » 

Même ambition côté Tereos. Le groupement coopératif espère pouvoir étendre cette démarche à la prochaine campagne 2021/2022 sur l’ensemble de sa zone d’approvisionnement si le marché est là, voire ouvrir à tous les bassins en France, soit 12 000 exploitations, qui pourront être accompagnées par l’appui technique et agronomique de Tereos. Car en mettant sur le marché ce nouveau sucre HVE dès 2021, le groupement espère devenir leader dans la production et la commercialisation de cette nouvelle gamme. « Il faut ajouter un ‘E’ à HVE pour ‘Économie’, conclut Jean-Charles Lefebvre, Président du conseil de surveillance de Tereos. S’il est trop tôt pour fixer des prix, il faut une reconnaissance de la production locale. » Et d’ajouter : « Si le marché est encore émergent, nous sommes persuadés qu’il répond à un enjeu d’avenir. » 

Estelle Boutheloup

Commentaires

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  1. Pour moi, la certification HVE, c’est du pipeau, c’est comme “agriculture raisonnée”…ça veut surtout dire que les agriculteurs limitent l’emploi des pesticides et autres substances toxiques à ce que leur porte-monnaie peut supporter !
    D’un côté on sait -et on le répète !- que “le sucre est dangereux pour la santé”, et en même temps…comme dirait Macron…on soutient la filière pour continuer à produire ce qui va devenir inutile si nous suivons les recommandations du Ministère de la Santé…Faîtes comme moi: laissez le sucre sur l’étagère du supermarché, avec 1kg par an, je me porte bien…

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