Les sorcières de passage à Orléans pour deux jours

Très belle affluence ce jeudi 24 septembre à l’auditorium de la médiathèque d’Orléans au colloque « Sorcières êtes-vous là ? » proposé durant deux jours par Monique Lemoine, présidente de l’association Mix-Cités 45  et  sa consoeur Dominique Bréchemier dans le cadre du cycle « Femmes des lumières et de l’ombre » . Un thème qui ne laisse personne indifférent et qui en ce premier jour a permis aux nombreuses et nombreuses intervenant(e)s de balayer avec brio certains clichés et idées reçues sur ces femmes qui fascinent autant qu’elles font peur. 

Colloque Sorcières, Monique Lemoine, Mix-Cité 45, 24 septembre 2020 © SD

Loin de l’image de la sorcière vieille, laide et cruelle des contes de notre enfance mais aussi de la sympathique Samantha de Ma Sorcière bien-aimée, ce colloque a rassemblé ce jeudi une assemblée presque exclusivement féminine. Toutefois, François Bonneau, président de la Région, a tenu à y faire une apparition dès l’ouverture pour réaffirmer son soutien à cette manifestation féministe qui en est à sa dixième édition avec ce thème des sorcières « qui peut permettre à la société d’avancer vers une véritable égalité ».

De son côté, Christine Perrichon, directrice de la médiathèque, citait en guise d’introduction les magnifiques paroles de la célèbre chanson d’Anne Sylvestre, Une sorcière comme les autrestandis  que Monique Lemoine dont le mouvement entend rééquilibrer la balance entre les hommes et les femmes espérait malicieusement « mettre le feu durant deux jours », tout en donnant l’exemple des femmes chinoises qui enquêtant sur la Covid sont aujourd’hui censurées et traitées de vieilles sorcières.

Xavière Gauthier, colloque Sorcières, 24 septembre 2020 ©SD

En guise d’amuse-bouches, Xavière Gauthier, figure majeure du féminisme en France et présidente de ce colloque est venue parler de sa revue Sorcières créée en 1975 (24 numéros en tout jusqu’en 1982) et dont l’idée générale était que les femmes pouvaient être des créatrices dans tous les domaines. Une revue 100 % féminine où l’humour était aussi le bienvenu.

Les Mythologies de la sorcière

Mais encore faut-il savoir de qui l’on parle. C’est pourquoi la matinée a été consacrée à la représentation des sorcières au fil des siècles, depuis celles rencontrées par Ulysse sur sa route (Circé, Calypso et les sirènes) dotées de pouvoirs magiques et dont il a dû s’arracher pour poursuivre sa route vers Ithaque.

Cependant, progressivement ces femmes vont se retrouver en marge de la société. Comme l’a magistralement démontré Mona Chollet, dans son livre Sorcières : la puissance invaincue des femmes, les hommes ont très vite diabolisé les sorcières, punies pour leur volonté de se soustraire au mariage et à la maternité, de dialoguer avec les morts, mais aussi pour leurs connaissances  de guérisseuse ou de sage-femme, un savoir vite confisqué avec notamment la création des facultés de médecine.

Les Trois Sorcières d’après Macbeth de Shakespeare , John Rapahel Smith (1752-1812) Musée des Beaux-Arts d’Orléans © SD

Olivier Bouzy, directeur adjoint du centre Jeanne d’Arc d’Orléans, a notamment expliqué qu’au XVe siècle on leur accorde un pouvoir, tout en craignant  de voir réapparaître le culte interdit de l’adoration du diable. Cette stigmatisation est aussi très habilement utilisée à cette époque par les maris et les fils car c’est un moyen facile de divorcer ou d’hériter puisque ces femmes finissent alors au bûcher. 

La matinée s’est achevée avec une table ronde passionnante autour de quatre figures de sorcières de quatre romans : Maléfice de Marguerite Yourcenar, Le Coeur cousu de Caroline Martinez, Fée Mab de Paul Grendel (1898) et Amanit de Lucie Delarue-Mardrus (1928).

Sorcières de tous les pays

L’après-midi a permis au colloque de faire un grand détour par l’Afrique avec tout d’abord un parcours proposé par Delphine Urban, professeure de lettres et de théâtre au lycée Voltaire d’Orléans à travers six romans de l’actrice franco-sénégalaise Marie N’Diaye, née à Pithiviers dans le Loiret.

Delphine Urban, Romans Marie N’Diaye © SD

Cette dernière s’est attachée à décrire les femmes des romans de Marie N’Diaye comme vivant dans des zones pavillonnaires sans charme, loin de l’Afrique. Toutefois selon elle « l’Afrique surgit dans son oeuvre comme un  horizon romanesque, une tension vers la magie (…) qui s’ancre dans une réalité banale pour s’en décaler par de légers signes d’étrangeté. Dans cet univers empreint de poésie et de brutalité, des figures de sorcières se développent de manière obsédante et protéiforme ».  

Mais il y a autant d’Afriques que de pays a très justement rappelé la chercheuse Marie Rose Abomo-Maurin, spécialiste des  littératures orales et écrites en langues locales d’Afrique centrale. Celle-ci a dressé un remarquable portrait des sorcières en pays fans-boulou-beti de l’Afrique centrale. Des femmes initiées qui doivent impérativement se taire : « Un silence absolu est exigé de chaque membre du groupe, c’est secret. C’est un mystère comme la mort et du coup les rumeurs se multiplient. » Des pratiques qui perdurent aujourd’hui malgré l’arrivée du christianisme : « Le christianisme dans ces régions a puni et interdit ces actes de sorcellerie mais en vain car elles ressortent dans les sectes et les nouvelles églises. »

Il faut encore citer l’intervention de Dominique Aubrun, professeure de français au lycée Voltaire d’Orléans qui a fait une analyse brillante du roman de Maryse Condé  Moi, Tituba , sorcière.

Sophie Benard, colloque sorcières et soins de soi ©SD

Enfin un changement de dernière minute a permis à Sophie Benard, qui travaille sur les inégalités de genre dans le langage, de soin de soi de pointer un début de réappropriation par les femmes de leur corps avec la prolifération sur la toile de conseils en tous genres et de recettes de “grand-mère” pour soigner les petits bobos.

Des préconisations qui commencent souvent par :« Je ne suis pas une spécialiste mais je tiens à partager avec vous mon petit savoir…» Des femmes de tous âges et tous milieux qui s’organisent aussi sur le plan gynécologique avec par exemple la brochure en ligne ça m’gratte la chatte, « un vrai grimoire précise la jeune femme ».

La bonne nouvelle, c’est que ce colloque se poursuit encore ce vendredi 25 septembre. Il reste encore quelques places et pour y participer, nul besoin d’enfourcher votre balai.

 
 Sophie Deschamps
 

Vendredi 25 septembre 2020

Focus Espagne

9h00 Sainte Thérèse d’Avila : une sorcière ? – Virginie Piedra Gautier

09h30 Les sorcières de Zugarramurdi : chasse aux sorcières en Pays-Basque et dérivations culturelles actuelles. – Marie-José Laulié

10h.00 Les sorcières de Goya : satire, empathie et fascination  – Patricia Salmon

Sorcières et création jeunesse

11h.00 Évolution de l’archétype de la sorcière dans la littérature jeunesse – Joëlle Constanza

11h.30 Exploration des adaptations de la figure de la sorcière par le motif et la couleur dans l’illustration jeunesse – Camille Landreau

12h.00 La figure de la sorcière dans les productions cinématographiques à destination de la jeunesse : de Blanche-Neige à Maléfique – Marie Barraillier

12h30 Déjeuner

Sorcières et féminisme

14h30  Lutter contre le patriarcat avec une poêle : Patraque et Cie – Tiphaine Martin

15h00  Sorcières de la RDA : critique du socialisme et du patriarcat – Priscilla Wind

15h30 Marina Hands : une actrice ensorcelée ou ensorcelante ?  Marine Deregnoncourt

16h30 La sorcière, figure de puissance et de liberté dans la littérature féminine contemporaine – Caroline Doudet

17h00  Le retour des sorcières : vers un rationalisme élargi – Laurence Lacroix

17h30  Clôture du colloque

 
 
 
 

 

 

 

 

 
 
 
 
 
 

 

 

 

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