Richard Miniez, un enfant d’Orléans, s’est dirigé en grandissant vers le monde de l’audiovisuel. Et c’est pour une affaire de musique qu’il part à la fin du siècle dernier en Afrique, où il découvre par hasard la fabuleuse histoire des Maravillas de Mali. Tout de suite, il s’intéresse à cette aventure et aux musiciens qui l’ont vécue, et filme ses recherches et ses découvertes. Pendant vingt ans, il sillonne l’Afrique et Cuba. Son film documentaire sort ce 18 septembre, Africa mia. C’est passionnant.
Les jeunes Maliens à Cuba
Le Mali devient indépendant le 22 septembre 1960, et Modibo Keita en prend la présidence. Un homme éclairé, comme le disent plusieurs protagonistes rencontrés par Miniez. Ce sont les années effervescentes et mouvementées de toutes les indépendances, mais aussi de la guerre froide. L’Afrique est fortement tournée vers le marxisme. Des pays « frères » idéologiques, dont Cuba, proposent leur aide à ces jeunes nations. C’est ainsi qu’en 1964, après une sélection malienne, un groupe d’une dizaine de jeunes s’envole pour Cuba pour y recevoir une formation musicale complète et devenir ainsi les premiers professeurs de musique africains.
Un séjour au paradis
Ils sont reçus comme des princes. Castro et Guevara viennent eux mêmes leur serrer la main. Ils apprennent donc la musique avec des professeurs cubains, dans le style des grands orchestres comme il en existait alors en Amérique latine, comme l’Orquesta Aragon, qui jouent de la musique traditionnelle caraïbe, c’est à dire très rythmée, chantante, mais avec un côté européen classique. Comme les dix jeunes maliens n’ont pas d’instrument attitré, les cubains en mettent deux au violon, deux au piano, d’autres à la flûte et aux percus. Et ils apprennent, dans une ambiance de fête, avec des cubains accueillants. L’un d’eux parle dans le film d’une période paradisiaque, « de la musique, des femmes et de l’alcool ! » Qui va bien sûr les conduire à former un groupe, sous le nom de Maravillas de Mali. Ils inventent des chansons dans le style cubain mâtiné de rythme africain. Et l’une d’elles, Rendez-vous chez Fatimata, pourtant chantée en français, fait un carton à Cuba. D’où un disque, d’où des tournées, d’où une diffusion en Afrique et une renommée internationale. Le style afro-cubain est né !
Malheureusement, en 1968 au Mali, Moussa Traoré renverse Modibo Keïta. Les alliances entre jeunes pays frères se distendent. Le groupe des Maravillas rentre au Mali en 1974 et la situation ne leur est pas favorable : la culture et la musique ne sont plus mises en avant. Ils avaient été formés pour être professeurs de musique, ils vont avoir un mal fou à exercer. Chacun se débrouille comme il peut, dans son pays ou chez des voisins plus accueillants.
L’histoire du film
C’est 25 ans après leur retour, en 1999, que Richard Miniez rencontre leur histoire. Dans une formation malienne, un flûtiste attire son attention, il veut en savoir plus. Il parvient à le rencontrer, et l’écheveau de cette histoire commence à se dérouler. Il arrive à rencontrer presque tous les protagonistes encore vivants, et sa grande idée est de les faire rejouer ensemble, puisque le retour au pays a été la fin du groupe.
Boncana de retour à Cuba en 2018
Les années passent et les documents filmés s’accumulent. Certains musiciens du groupe décèdent. Richard, après une longue approche, se lie d’une grande amitié avec Boncana Maïga, le leader de l’orchestre, parti en 1974 en côte d’Ivoire parce qu’il voulait continuer la musique. Ce qu’il a fait brillamment en s’appuyant sur le succès de Rendez vous chez Fatimata en Afrique.
Le travail d’une vie
Et c’est avec Boncana, venu tout spécialement de Bamako, que Richard Miniez a présenté son film jeudi soir, 18 septembre, aux Carmes. Parce que au-delà de la musique, ces histoires, celle des Maravillas et celle du film, sont avant tout de magnifiques parcours de personnes, ou peut-être même de personnages. Richard n’a pas réussi à les faire rejouer ensemble, même si l’enregistrement dans le studio de Cuba avec des musiciens cubains amis de jeunesse et Boncana, seul survivant des Maravillas, est une très belle séance. Mais il a réussi un film touchant qui saisit l’incroyable énergie de ces hommes africains, leur sensibilité, leur gaieté et leur humanité. Et cette narration qui implique l’auteur, difficile pour lui puisqu’elle le met à nu, nous permet d’être de plain-pied avec ce travail de longue haleine, ce travail d’une vie.
Bernard Cassat
Richard Miniez
Boncana Maïte
Africa Mia
1 h 18
Scénario : Richard Minier, Edouard Salier, Pascal Blanchard , Jean-Philippe Bodin
Cameramen : Richard Minier, Emmanuel Cyriaque, Edouard Salier, Julien Meurice
Chef monteur : Julien Perrin
Ingénieur du son : Evelio Manfred Gay Salinas