Finir l’été entre Loire et guinguette

Profitez de la belle arrière saison pour embarquer sur les batelleries de Loire comme ici à Meung-sur-Loire avec Cœur de Loire. ©EB

Et si vous profitiez des derniers jours d’été en embarquant sur un bateau de Loire pour une balade d’arrière saison ? Dans les brumes du matin ou les lumières rasantes du soir, de la Touraine au Sancerrois, laissez-vous prendre par des ambiances incomparables au grès d’une navigation hors du temps… À la barre, des mariniers au long cours partageront leurs secrets, leurs connaissances, leur vision écologique du fleuve, autour d’un verre de vin ou d’une gastronomie locale, le tout sur fond de paysages carte postale.

L’eau est d’une transparence incroyable. Il faut dire que la profondeur est faible en cette fin d’été, peut-être 30-40 cm et moins d’un mètre un peu plus loin… Assez pour y voir des poissons et les lianes des renoncules aquatiques carressées les cailloux au fond du lit. En contrebas du port de Saint-Dyé, La Cabiche des Marins du Port de Chambord lève l’ancre et file, tranquille, à 3 km/h. « Peu d’eau ne veut pas dire eau non polluée. Il y a des pollutions d’origine agricole. Cette transparence vient du Corbicule, ce coquillage invasif d’Asie, au pouvoir filtrant, qui colonise la Loire depuis les années 70 », précise Vincent Aldebert, à la barre de sa toue cabanée. 

Saint-Dyé, un port historique

À Saint Dyé-sur-Loire, des parois érodées accueillent des nids d’hirondelles de rivage. ©EB

En s’écartant de la berge, la Cabiche rejoint le milieux du cours d’eau. Un recul nécessaire pour prendre la mesure de l’étendu du port de cette « Petite cité de caractère », nouvellement labellisée. « 800 mètres de long, un port démesuré par rapport à la taille du village ! C’est là que débarquaient l’essentiel des matériaux pour la construction du château (pierres, ardoises, feuilles de plomb, bois…), qu’arrivaient la cour du Roi et les dignitaires, et qu’étaient acheminées les denrées pour Paris jusqu’à la moitié du XIX^e siècle ». Un port caché aujourd’hui sous la végétation mais dont on aperçoit quelques vestiges : escaliers en pierre, anneaux d’amarrage, perrets, cales… Au bout du port, en amont, une magnifique bâtisse s’élève en front de Loire : le Manoir de Bel Air, aujourd’hui hôtel-restaurant très réputé. Construit au début du XVII^e siècle, il fut mis, en 1748, à la disposition du Maréchal de Saxe, alors gouverneur de Chambord, qui y aménagea un hôpital militaire pour ses troupes. 

Alors qu’un vol de cormorans, tout droit venus du sud de la Scandinavie, passe au-dessus de nous, Vincent Aldebert nous emmène vers un bras de la Loire pour y faire une observation atypique : de drôles de trous sur un front d’érosion en haut de la berge. « Ce sont des nids d’hirondelles de rivage. Elles vont se mettre en vol stationnaire devant la paroi sableuse et creuser des galeries entre 50 cm et 1 m ». Mais l’été c’est aussi l’occasion d’observer d’autres espèces migratrices comme le balbuzard pêcheur, la sterne, l’aigrette garzette, la grande aigrette et exceptionnellement cette année, le guêpier d’Europe ! « Un oiseau que l’on n’avait pas vu ici depuis 20 ans, arrivé au printemps à la faveur de températures durablement chaudes ».

Une vision « éco-logique » de la navigation

Clair et Denis vous réservent des instants uniques au “Bout du Monde”… ©EB

Une trentaine de kilomètres en amont, Claire et Denis enchaînent les réservations. Ce soir, une nouvelle fois, ils afficheront complet. Il faut dire que leur chalet guinguette en front de Loire, entre le pont de Meung-sur-Loire et l’historique Relais Louis XI, vaut toutes les ambiances : panorama unique sur une partie sauvage du fleuve, lumières flamboyantes du couchant, convivialité et produits du terroir font le reste. Point de départ des balades, ce port du Bout du Monde, où là aussi, vins, sel, sucre, cacao, café, étoffes, ardoises, sables… transitaient avant de remonter sur la capitale, « accueillait jusqu’à 10 000 bateaux par an. Il fallait donc réguler le trafic à cheval et en charette depuis le Relais Louis XI ». C’est toute cette effervescence commerciale que Denis explique lors de ses balades. Mais ce qui le motive surtout c’est le côté « éco-logique » de la navigation et de ses découvertes : « Ici, la Loire est une bassine compliquée où l’on navigue quand le niveau d’eau est possible. Il est donc important de rééduquer les gens à la navigation toute saison et les sortir d’une logique ‘promène couillon’. En hiver et à l’automne, on profite de la brume, d’un lever de lune, ou d’un grand soleil par un froid piquant avec un vin chaud ». 

C’est ce qu’il fait avec l’association Cœur de Loire dont le but est de préserver, valoriser, montrer le rapport homme/nature, et faire découvrir le patrimoine ligérien, autour d’un apéro ou d’un dîner à bord. Également guide nature avec Claire, il fait partage aussi ses connaissances sur la faune et la flore sauvages et semi-sauvage. « Cette portion entre les ruines du pont médiéval et le pont suspendu a de moins en moins d’eau, découvrant cet ilôt, Belle Ile en Loire !, plaisante t-il. Malheureusement avec les montées d’eau de juin, de 1,20/1,50 m, les pontes des sternes ont été balayées… ». 

Pastoralisme et confluence

À Chinon, c’est la Vienne que l’on découvre jusqu’à sa confluence avec la Loire. ©Bateaux Promenade Chinon

Encore plus haut sur la Loire, Sylvain Trével vous embarque depuis Saint Thibault, ancien village de pêcheurs et de mariniers situé au pied du piton de Sancerre : « les dernières sorties plein nature avant l’automne à bord d’une toue sablière traditionnelle… ». En mêlant sa passion de la pêche à celle de la Loire, ce marinier, jovial et bon vivant, a plus d’une anecdote dans sa musette. Intarissable, tout y passe : du corridor de migration « où passent jusqu’à 400 espèces d’oiseaux différentes », de l’impact du changement climatique sur l’écosystème avec « l’absence de crues depuis 2016 par manque de précipitations », de la nécessité de la réouverture des milieux par le pastoralisme « j’ai transporté des moutons à bord jusqu’à Belleville-sur-Loire vers les grandes prairies sèches. Les moutons sont aussi une solution pour contenir la prolifération de la jussie, ils la mangent ! ». Des petites aventures aussi délectables que ses terrines de poissons de Loire qu’il pêche lui-même.

Des histoires de fleuve, de patrimoine et de batellerie, Julien Ayrault, marinier depuis 20 ans, en a aussi. Mais un peu différentes. Car son « terrain de jeu » à lui, il est de l’autre côté, en Touraine, sur la Vienne à Chinon : « une Loire en modèle réduit. 15 km qui permettent de ne pas tourner en rond entre deux ponts dans une ville ». Et quand c’est possible, Julien hisse les voiles de la gabarre jusqu’à Candes Saint-Martin pour emmener les groupes jusqu’à la confluence de la Vienne et de la Loire à 13 km de là. Un Aperoboat est aussi un must avec « dégustation d’effilochés de poule, des terrines de poissons de Loire ou de poules au Chénard blanc et citron confit, ou encore des fouasses au fromage de chèvre de Sainte Maure ». 

Des sorties à la carte qui sont autant d’occasion de nouvelles découvertes et d’un tête-à-tête privilégié avec le plus royal des fleuves.  

Photo de Une : Embarcadère Cœur de Loire (Meung-sur-Loire). ©EB