Le dijonnais Alain Cocq, 57 ans, considérablement handicapé et qui ne peut plus quitter son lit médicalisé, veut mourir. Afin d’obtenir la légalisation en France du suicide assisté, il souhaitait que son agonie soit filmée. Après l’affaire Lambert, le troublant cas d’Alain Cocq doit-il relancer le débat sur l’euthanasie ?
La loi n’autorise ni euthanasie, ni suicide assisté
La loi Claeys-Léonetti sur la fin de vie a été adoptée en 2016. Cette loi peut être appliquée uniquement chez un adulte atteint d’une affection grave et incurable au pronostic vital engagé à court terme (quelques heures ou jours). Au cas où cette personne deviendrait incapable d’exprimer ses choix concernant sa fin de vie, il faut qu’elle les ait formulés préalablement dans le cadre des « directives anticipées » . On peut également désigner une personne de confiance (parent, proche, médecin traitant…) qui témoignera de la volonté du malade auprès de l’équipe médicale. Consciente, toute personne peut demander que l’on arrête son traitement. Les demandes engageant le pronostic vital doivent être examinées, par l’équipe en charge du patient, au cours d’une procédure collégiale .
C’est néanmoins le thérapeute responsable des soins qui assume seul la décision finale. La loi française fait obligation au médecin de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour que le malade ait le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible. Dans un cadre légal précis, mais encore difficilement appliqué, une euthanasie passive, sous la forme d’une « sédation profonde et continue » jusqu’au décès, après une délibération collective, est acceptée par la loi. Elle n’autorise ni euthanasie active, ni suicide assisté.
Le consensus n’existe pas
Dans l’euthanasie active, la mort est provoquée directement par un médecin. Dans l’assistance médicale au suicide, le patient prend seul la dose mortelle d’un médicament fournie par un praticien. En Europe, l’euthanasie active ou l’assistance médicale au suicide sont tolérées ou légales en Suède, aux Pays Bas, en Suisse et chez nos voisins belges. L’euthanasie passive est acceptée en Finlande, en Norvège, dans le Royaume-Uni, en Allemagne, au Luxembourg, en Autriche, en Italie, en Hongrie, en Slovaquie et en Espagne. Dans les pays comme la Pologne, la République Tchèque, la Croatie, la Bosnie, la Serbie, la Grèce et le Portugal toutes les formes d’euthanasie sont illégales et punies.
En janvier 2013, une enquête, effectuée auprès de 605 professionnels représentatifs de la population des médecins français en activité, montrait que 60 % d’entre eux étaient favorables à l’euthanasie active mais opposés à 58 % au suicide assisté. En décembre 2017, une proposition de loi, non retenue, intitulée « Proposition de loi relative à l’euthanasie et au suicide assisté, pour une fin de vie digne », a été déposée à l’Assemblée Nationale . Dans les cas d’« acharnement thérapeutique » ou d’une « obstination déraisonnable » , la France permet une euthanasie passive. L’affaire Lambert a montré que cette notion d’acharnement thérapeutique était sujette à interprétations et à contestations chez les familles comme dans le corps médical. L’émotion, l’affectivité, les croyances et les passions l’emportent souvent et le consensus n’existe pas.
Un sordide voyeurisme et une complaisance médiatique indigne
Alain Cocq serait porteur d’une maladie orpheline incurable. En 1986, à la suite d’un accident, son état s’est fortement aggravé sans aucun espoir d’amélioration. Membre de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), il milite pour le suicide assisté. Il a fait plusieurs tours de France et d’Europe en fauteuil roulant pour défendre cette cause. Durant l’été, il a adressé une requête au Président de la République afin qu’un médecin français, sans risque d’être condamné, soit autorisé à l’assister dans son suicide. « Je ne me situe pas au-dessus des lois. Votre souhait est de solliciter une aide active à mourir qui n’est aujourd’hui pas permise dans notre pays », a répondu le Président afin de justifier son refus.
En effet, au moment où Alain Cocq a interpellé le Président de la République, malgré son état grabataire dramatique, son décès ne pouvait pas être médicalement envisagé à court terme pour que loi Claeys-Léonetti puisse s’appliquer. Alain Cocq a alors décidé de cesser de lui même son traitement et toute alimentation et hydratation. Il avait choisi de se laisser mourir et voulait que ses derniers instants soient filmés.
Sa vidéo a été bloquée par Facebook. Après quelques jours, son état de souffrance s’est aggravé et Alain Cocq n’a pu poursuivre son terrible projet. Il est revenu sur sa contestable décision. Il a accepté d’être pris en charge en soins palliatifs, en milieu hospitalier dans un premier temps, puis, si possible, à son domicile. Soutenu par l’association « Handi mais pas que ! », il voulait que ses dramatiques conditions de vie soient un acte militant afin de dénoncer les carences de la législation française actuelle.
Si un débat sur le grave sujet du libre choix de la mort de chacun se met en place, espérons qu’il soit apaisé et éthique, sans les parasitages équivoques d’un sordide voyeurisme et d’une complaisance médiatique indignes du combat mené par Alain Cocq…
Jean-Paul Briand