Jeune, issue de l’univers hip-hop, fondatrice-gérante d’une société de communication, Béatrice Odunlami, c’était il y a six ans la recrue décalée de l’équipe gagnante de Serge Grouard qui lui confia la responsabilité d’adjointe à la jeunesse, avant qu’Olivier Carré lui confie le lourd dossier des événements (2 000 par an précise-t-elle). Elle s’engage un peu plus en politique en adhérant à la République en Marche avant de larguer l’équipe Carré lors des dernières municipales. Brève contributrice de Magcentre, elle n’a pas perdu de temps en créant, il y a six mois, une websérie, Bzoo Mademoiselle, qui part à la rencontre de personnalités du monde de la culture, de la politique, de personnes engagées dans leur communauté entre la France et les États-Unis.
En attendant de retrouver cette web-série régulièrement sur Magcentre, nous avons demandé à Béatrice de nous faire le bilan de six ans dans le monde de la politique.
Béatrice Odunlami cl GP
Après six ans passés à la mairie d’Orléans, quel est votre bilan ?
Béatrice Odunlami : Il y a plusieurs sortes de bilans, il y a le bilan personnel, il y a le bilan de ce que j’ai pu produire pour la ville et il y a ce que j’en retire en terme politique. Il y a six ans l’intégration des personnes “non-politiques” était moins fréquente que depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron. On a beaucoup parlé de la société civile et c’est vrai qu’à ce moment là, c’était une chance qui m’était donnée sur la base d’un choix de compétences professionnelles dans certains domaines.
Lorsque l’on a une expertise dans un domaine, que ce soit l’associatif, la culture, les événements, la communication ou la jeunesse, on peut apporter une dynamique à une équipe structurée politiquement et ce bien que je sois restée assez longtemps sans étiquette politique dans cette municipalité. Je venais avec mon bagage, avec une envie de faire des choses. Deuxième élément important et j’y ai beaucoup réfléchi avant d’accepter, c’est la question de la représentation parce que j’entendais souvent autour de moi dans les quartiers, dans la diversité, que la politique ne produit plus rien et, on l’a tous entendu, que les politiques sont soit corrompus, soit c’est de l’entre-soi ne prenant pas en compte la population. Je me suis dit que j’allais essayer de faire quelque chose, d’amener de nouvelles idées et aussi une autre manière de pratiquer, tout en sachant que ce public assez critique à l’égard des politiques, dans les quartiers ou dans les milieux artistiques n’apprécierait sans doute pas ma décision d’entrer dans cette équipe pensant que c’était pour ma promotion personnelle.
Mon travail a donc été de dire je suis là et maintenant je vais essayer de produire des choses, c’est ce que j’ai essayé de faire dans ce mandat, et je suis plutôt satisfaite parce qu’il y a eu une évolution à ce niveau-là : le facteur exemple a donné l’envie à d’autres personnes. Je termine mon mandat en me disant que cette ambition, celle des jeunes, celle de la diversité est parfois mal interprétée, si l’on n’a pas d’ambition on reste chez soi et si l’on a envie que ça bouge, il faut un minimum d’ambition parce qu’il faut rencontrer des gens, il faut convaincre, parfois prendre des coups, parfois se tromper, mais ça n’est pas là une ambition purement personnelle. C’est sans doute apparu plus clairement quand j’ai quitté, au cours de la campagne municipale, le maire [Olivier Carré] que j’avais soutenu auparavant parce que je n’étais pas en adéquation sur des points bien précis et que je préférais garder ma liberté et respecter mon identité pour continuer à faire des choses avec cette vision qui n’a pas changé depuis le début.
Pourtant j’ai beaucoup apprécié ce mandat parce j’ai réussi à produire des choses, à insuffler une dynamique, à rencontrer des gens, à ouvrir des portes, et je ne suis pas déçue dans la mesure où je suis la même ligne depuis le début et où je continue à faire ce que j’ai toujours souhaité faire. Ça peut se concrétiser de manière politique mais aussi de manière créative dans les médias, dans la musique sous d’autres formes mais toujours avec la même idée. Mais quand j’ai vu que ça coinçait et que je n’était pas prête à accepter un positionnement qui n’était pas le mien, qui n’était pas en phase avec moi, j’ai préféré partir.
Quel jugement portez-vous sur le monde politique ?
BO : Ça a été une découverte pour moi venant du monde artistique, d’un milieu hip-hop où les jeunes ne croient plus à la politique, qui sont souvent au ban de la société avec un ascenseur social plutôt bloqué, des jeunes auxquels les politiques ont souvent fait des promesses pas tenues en cours de mandat, j’avais à cœur d’essayer de changer ça . J’ai essayé d’ouvrir des portes de ce coté là et j’ai pas trop mal réussi dans ma délégation en ouvrant la porte à des événements, à des artistes etc. mais ce que je trouve compliqué dans le monde politique c’est l’adéquation entre ce que l’on a envie de produire et un monde politique qui bouge avec des personnalités diverses qui n’ont pas les mêmes motivations, certains sont plus là pour la carrière, d’autres comme moi défendent des idées, mais à partir du moment où l’on a un projet, on s’adapte, c’est pourquoi je n’ai pas tout rejeté en bloc, j’ai du comprendre des gens avec qui je n’étais pas forcément en adéquation.
Il faut cette intelligence là en politique, avec une adaptation constante. Après on a une ligne rouge, quand ça ne passe plus, on se retire, mais ce qui compte c’est: “est-ce que ce jeune de quartier est content que son événement existe ?”, “est-ce que cette proposition culturelle qui est restée bloquée longtemps émerge ?”, “est ce que la ville d’Orléans est perçue de manière positive par ses représentations de la diversité ?”
Votre meilleur souvenir ?
BO : Il y en a plusieurs, mais je dirai la série d’événements l’année passée avec la Nouvelle Orléans en sachant que ce jumelage était dans les tuyaux depuis très longtemps, ça a été vraiment un joli moment, après il y a le Festival de Loire plus en termes techniques, de création d’événement, c’est une grosse et très belle machine, la chaîne de production de cet événement est assez phénoménale.
Et le plus mauvais ?
BO : La suppression du festival Orléans Jazz, ça a été très compliqué pour moi dans ma première partie de mandat, parce que j’en étais exclue et que cette partie “culture” était séparée des événements. J’aimais beaucoup cet événement mais il y avait des questions budgétaires qui ont fait que, mais j’ai vraiment trouvé ça dommage, surtout maintenant qu’Orléans est jumelée avec La Nouvelle Orléans. Il y a aussi la Fête du Tri, partie de rien avec Guy Bourgeois, et autour de laquelle une belle dynamique sociale et solidaire s’était créée, et son décès m’a été particulièrement difficile.
Propos recueillis par Gérard Poitou