Rétro: Larzac : Causse toujours…

Durant tout l’été, Magcentre vous propose de lire ou relire les articles qui ont marqué l’année, ceux que vous avez préférés, que vous avez le plus commentés ou partagés.

Date initiale de publication 26 août 2019

> Plaisir d’arpenter à nouveau le plateau aveyronnais. Plus de 45 ans après le début de la lutte – victorieuse – contre l’extension du camp militaire, la plupart des « 103 » paysans et leurs brebis sont toujours là. Actifs et solidaires. Tout comme est préservé l’étonnant paysage de chaos rocheux.

Paysage caussenard typique © YH

Surprise. Lorsque le vacancier pousse la porte de l’office de tourisme de Millau, il apprend qu’une rando est organisée sur le thème de l’épopée du Larzac (1971-1981). Pas question de rater ça, d’autant que j’ai vécu et conté les débuts de ce combat (voir encadré Pratique). Poussé par la curiosité, je m’inscris incognito.

Marie raconte la lutte des paysans du Larzac aux randonneurs © YH

Le rendez-vous est fixé à la bergerie de la Jasse, au cœur du Causse, à 800 mètres d’altitude. Elle abritait hier un écomusée et tient lieu aujourd’hui de « Maison du Larzac », où l’on s’approvisionne en produits du terroir et d’artisanat régional. Trois jeunes femmes en provenance du Québec, d’Avignon et de Millau sont également de la balade, sous la conduite de Marie, l’organisatrice. « Je suis bretonne d’origine, raconte-t-elle. J’ai été sensibilisée à la bataille du Larzac par mes parents qui m’emmenaient aux manifs contre l’installation d’une centrale nucléaire à Plogoff. Des comités Larzac étaient présents comme en témoignait une affiche « Gardarem Plogoff ».

Balade mémorielle

Marie s’est installée voici cinq ans sur le Causse Noir, voisin du Larzac. Elle a rencontré les leaders paysans d’antan et potassé les bouquins qui font écho à la saga. Du coup, elle joue sans complexe et avec talent son rôle de passeuse de mémoire, tout en chargeant son sac à dos.

Rocher en forme de sculpture ruiniforme sur le Larzac © YH

Direction le Rajal del Gorp. « C’est un site emblématique, poursuit Marie. Là, à l’été 1973, quelque 100 000 personnes s’étaient rassemblées pour marquer leur appui à la révolte paysanne ». Je me revois, réveillé aux sons mélodieux de « Here comes the sun » par la flûte traversière de Graeme Allright. Des milliers de têtes ébouriffées émergeaient peu à peu des sacs de couchage. Un moment magique ! Aujourd’hui, le silence prévaut entre les blocs de calcaire. Des rochers aux formes improbables hérissent la terre à moutons. Rajal del Gorp signifie « la source du corbeau » en rouergat, mais curieusement ce sont à présent des vautours qui trônent au sommet des sculptures ruiniformes.

Aucun mauvais présage. Depuis qu’à l’été 1981, François Mitterrand a officiellement enterré le projet d’extension du camp militaire, l’agriculture et l’élevage se sont maintenus. Une coopérative fromagère, « Les bergers du Larzac »  s’est même installée avec succès à la Cavalerie.

Nous marchons en direction de la Blaquière, autre lieu chargé d’histoire. Dans ce hameau, des centaines de bénévoles venus de tous les horizons ont érigé une bergerie « illégale mais légitime ». Une chapelle retrace les étapes du chantier et de la lutte. Chacun maniait la truelle « pour barrer la route à l’envahisseur en treillis ». Les pierres portent la trace des multiples gestes de solidarité. On en remarque une notamment, scellant l’alliance de la brebis et du canard (enchaîné), les journalistes de l’hebdomadaire s’étant vite mobilisés et portés acquéreur d’une parcelle de terre du Larzac visée par l’expropriation.

Sur nombre de portes des maisons et bergeries trône une cardabelle, plante porte-bonheur et symbole de la lutte. Nous en repérons lors de notre déambulation. Marie verse un filet d’eau sur l’une d’elles. « Voyez, elle protège son cœur de l’humidité en se refermant. C’est le baromètre des bergers. Elle les prévient d’un possible orage à venir. » Au fil de la balade, cette soi-disant « terre de cailloux » révèle d’autres richesses. Ici, des plumes ondulent joliment sur la lande. « On appelle cheveux d’ange, ces graminées soyeuses ». Là, plusieurs variétés d’orchidées. Au sortir d’un sous bois composé de buissons de buis, nous marquons une pause devant des arbustes à baies, des genévriers. « Le bois sert à la fabrication des manches de couteaux du Larzac, d’où leur surnom, l’âme du Causse ».

Plus loin, quelques familles s’essaient à l’escalade sur des rochers qui se poussent du col et semblent dialoguer avec le ciel. « Millau et la région, renseigne encore Marie, jouent résolument la carte des sports de pleine nature ».

Marchés paysans

Alors que le soleil décline doucement, il est temps de rejoindre le marché paysan de Montredon. Là, je retrouve l’un des « historiques » de la lutte, Léon Maillé. Malgré les ans, il affiche cette nouvelle fierté d’être paysan, qui fut l’un des gages de réussite de ce mouvement social original.

Léon Maillé, l’un des 103 paysans du Larzac, 20 ans après le démontage du Mac Do de Millau © YH

Léon distribue des tracts en soutien à ceux de la Roya (près de la frontière italienne), qui comme Cédric Herrou soutiennent les migrants clandestins et sont inquiétés pour « délit de solidarité ». Sans ressasser l’histoire, une manière de commémorer les 20 ans du démontage du Mac Do de Millau (le 12 août 1999), devant un panneau qui rappelle ses hauts faits d’armes, en compagnie de José Bové et de quelques autres.

L’étonnant est qu’en cette période estivale, une foule nombreuse se presse à Montredon. Les uns investissent une bergerie à l’enseigne de « La brebis qui lit », d’autres goûtent aux spécialités locales, comme les pascades au roquefort, les farçous du Larzac « beignets à base de blettes cultivées sur place et de viande de porcs élevés en plein air », nous précise le fabriquant. Un stand où se prépare l’aligot attire aussi les visiteurs.

Préparation de l’aligot au marché de Montredon © YH

On discute du dernier coup de l’armée, l’installation depuis 2016 d’un bon millier de légionnaires et de leur famille dans le camp militaire de La Cavalerie. « Du moment que ces nouveaux contingents n’empiètent pas sur nos pâturages, on ne va pas ressortir les faux et les tracteurs », assurent les Anciens.

Pour compléter le pèlerinage, visite du musée de Millau. Plongée dans l’histoire, grâce à l’évocation de la mégisserie, de la tannerie et de l’activité gantière dans la région depuis le XIe siècle. Une exposition séduisante dans tous les sens du derme…

Yves Hardy.

Pratique

– S’inscrire pour participer à la rando de la lutte, l’épopée du Larzac (1971-1981) www.lesrandonneesdemarie  et  06 45 74 39 65.

– En juillet et août, faire ses courses sur le Causse, le mercredi en soirée au marché paysan de Montredon, et le vendredi au « Mercadou », petit marché paysan de Potensac.

– Consulter en bibliothèque (livre épuisé) : « Dossier L… comme Larzac », par Emmanuel Gabey et Yves Hardy (Ed. Alain Moreau, 1974).

– Voir l’exposition sur la ganterie au musée de Millau www.museedemillau.fr  et  lire « Un métier dans la peau, le gant à Millau » d’Elisabeth Baillon (1989).

– Renseignements : La Jasse – Maison du Larzac : 07 60 79 88 46 http://lajasse-maisondularzac.com  et Office de tourisme de Millau : www.millau-viaduc-tourisme.fr

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

Les commentaires pour cet article sont clos.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin -2°C
    • après midi 2°C
  • samedi
    • matin 1°C
    • après midi 6°C
Copyright © MagCentre 2012-2024