Quand tombent l’art urbain et les graffs

Inaugurés en juillet 2019, une partie des œuvres réalisée à Salbris, lors de la 6e Biennale d’Art Contemporain en Sologne pourrait disparaître sous les coups des bulldozers dans les semaines à venir. Le bâtiment support devrait, selon la volonté du nouveau maire, laisser place à un parking dès l’automne prochain… Un projet qui est loin de faire l’unanimité.

Le bâtiment est situé à moins de 50 mètres de la place du marché, immense parking en lui-même.

Pendant plusieurs années la ville de Salbris s’était inscrite dans la démarche culturelle solognote avec la création de plusieurs performances sur les murs de bâtiments communaux. Dans le cadre de la 6e Biennale d’Art Contemporain avec l’association Sculpt’ en Sologne, trois artistes s’étaient emparés des murs de la ville.

Comme elle l’écrit elle-même, les lettres « wild style » de Lady K, « courbes gracieuses et entremêlées, agrémentées de couleurs douces », avaient ainsi recouvert l’un des murs de la bibliothèque municipale. Dix/10, un duo qui souhaite au «  moyen du langage plastique, incarner la tentation de mettre en adéquation une apparence et ce qu’elle peut bien contenir », avait œuvré sur un mur de la Poste tandis que Chanoir, un artiste franco-colombien qui aime redéfinir sans cesse la frontière entre graffitis, art de rue, logotype et tag, avait performé sur un mur d’une salle polyvalente la Franciade. « Une belle aventure artistique s’est dessinée à nouveau en 2019 avec pour thème : Les Formes et le[s] Sens » assure-t-on sur le site internet de la commune. Une exposition au public qui se voulait moins éphémère que ce qu’en a décidé le fraîchement élu maire de la commune, Alexandre Avril.

La fresque de Dix-10 recouvre un mur de la poste… pour le moment

Lors d’une récente réunion du conseil municipal il a annoncé la destruction du bâtiment de la Franciade pour faire place à un parking. Du bâtiment, celui qui accueille la fresque murale, faisons table rase … Une décision qui est loin de plaire à deux anciens maires de la commune solognote. Ils l’ont fortement expliqué à travers des courriers envoyés à la préfecture. «  Le bâtiment de la Franciade sur une partie de son pignon sud a été choisi par un artiste mondialement connu appelé Chanoir dont la moindre fresque est très cotée sur le marché de l’art, et les réalisations sont suivies par une importante communauté au plan mondial générant une médiatisation du lieu. Aucune communication ne semble avoir été faite sur ce sujet par le maire actuel et l’artiste ne semble pas avoir été contacté. Même si les droits appartiennent à la ville, il appartient à un élu de respecter à la fois l’artiste et l’œuvre d’art au moins sur un plan moral… » assure Olivier Pavy, maire de Salbris de 2014 à 2020 tandis que le maire de Salbris de 1999 à 2014, Jean-Pierre Albertini, se plaçait sur un terrain plus administratif. « Je sollicite votre intervention dans le cadre du contrôle de légalité. Je vous demande d’inviter le maire de Salbris à respecter le droit en n’engageant pas des travaux qui ne sont pas budgétisés … » a-t-il écrit, entre autre, au préfet de Loir-et-Cher.

Réseaux sociaux et pétition

Le projet paraît bien avancé puisque, après des échanges sérieux sur les divers réseaux sociaux, la presse locale a publié une partie de ces courriers mais aussi les réponses et justifications « techniques » de l’actuel premier édile salbrisien. Aux deux anciens maires, la fédération départementale du Parti communiste du Loir-et-Cher est venue, elle aussi, apporter son soutien. Un grain de sel bien loin d’être une connivence politique tant les idées de chacun sont éloignés des uns et des autres. Eux aussi s’opposent au projet de démolition de la Franciade. Pour les communistes du Loir-et-Cher, selon Nouvelle République du Loir-et-Cher, « il est totalement inadmissible de vouloir effacer des œuvres de rue. L’art ne peut être confisqué aux citoyens par décision politique ».

Chanoir

Alberto Vejarano alias CHANOIR est né en 1976, à Bogota. Il vit et travaille à Paris. Artistiquement, il se proclame né de la culture post graffiti en 1996. et crée son alter ego CHANOIR. Il invente alors la métamorphose systématique de son logotype. Diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2002, où il a travaillé sous la direction de Jean-Michel Alberola, il explore les adaptations picturales pour enfant de la littérature européenne par l’Amérique et le Japon. Il met en scène les différentes mythologies des dessins animés d’une culture mondialisée. Il participe à « L’humour dans l’art » puis assiste François Boirond pour l’exposition « La beauté » en Avignon. Il a réalisé un documentaire, « Murs libres », autour de la scène street art barcelonaise.

Il explique sont travail simplement par « Au milieu des années 90, mon logo unique, évolutif, s’impose dans les rues de Paris : Chanoir. Instinctif, naïf et toujours positifs. Les CHA prennent vie sur les murs et communiquent leurs sentiments aux passants. J’aime redéfinir sans cesse la frontière entre graffitis, art de rue, logotype et tag. »

Selon la galerie qui propose certaines de ses œuvres « Pour obtenir cet effet à l’apparence impulsive, sur ses toiles, il se sert des outils du graffiti pour faire de la peinture et donner de l’agilité à l’œuvre, lui adhérent une technique plus instinctive et véloce. Chanoir revendique le coté non politisé de sa peinture. Contrairement à d’autres artistes de rue, qui utilisent leurs graffitis pour faire passer des messages dénonciateurs, Chanoir ravive les émotions et l’innocence de l’enfance. »

Dans le même temps, malgré un prisme local qui semble manquer de repères quant aux concepts artistiques urbain, d’où une population pragmatique peu émue de voir tomber murs et œuvre avec eux, une pétition pour défendre la fresque a été mise en ligne sur les internets. «  Le monde de la Culture est durement touché actuellement avec cette crise sanitaire. Doit-on en rajouter en détruisant impunément les œuvres d’artistes qui agrémentent les murs de notre ville. Salbris , ville Solognote, a la chance d’avoir entre autre,  une magnifique et gigantesque fresque de Chanoir ( artiste reconnu) , fresque réalisée lors de l’événement Sculpt Sologne 2019 . Le jeune maire, nouvellement élu,  vient de décider la destruction du bâtiment sur lequel cette œuvre a été faite. Je réalise cette pétition pour la conservation de cette fresque et pour la Culture en général » assure Corinne Chauffour, à l’initiative de la pétition sur le site change.org. En quelques heures 300 signatures ont été recueillies.

Au final, la pétition devraient être adressée, entre autre, au ministère de la Culture.

FS

La pétition

Commentaires

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  1. Et tout cela pour répandre quelques centaines de m2 de bitume de plus sur cette pauvre planète ! On peut certes être aveugle et bon pianiste, mais pas sourd et bon maire

  2. Il y un manque de respect total, un parking un art plutôt fade en manque également de bienveillance.
    Contrairement au courant d’air qu’expriment sois disant un bien pour tous venant d’une nouvelle équipe municipale ou j’ai bien du mal à concevoir et à me retrouver.
    Pendant que salbris aura le jolie parking souhaité, des besoin de n’assistées vital ne fera plus l’objet d’une importance humaine.
    Les personnes âgées, les jeune la population ont besoins de reconnaissance et d’aide pour que leurs vies est un sens, selon moi.
    Toujours du paraître, un paradoxe qui nous demande de réfléchir pour que chacun retrouve sa place pour vivre en paix en harmonie avec des priorités et principes simples et d’éducation de partage.
    Le temps est aux impositions, juste pour faire croire que c’est pour notre bien.
    Aujourd’hui bien des choses nous obligent à comment tu te dois être, te comporter et pensé.
    La planète humaine est déconnectée et accepte du faux bien-être !

  3. Passionnée d’art urbain depuis de longues années, je considère que nous avons une énorme chance d’avoir une fresque de Chanoir dans notre ville. J’ai découvert cet artiste à Paris où ses œuvres perdurent depuis longtemps le long du canal Saint Martin , près du mythique hôtel du Nord , signe de respect de la part des autres streetartistes qui n’ont jamais recouvert son travail.
    Qui aurait l’idée d’abattre par exemple :le mur en face Beaubourg , avec l’immense peinture murale de Jeff Aérosol ou bien l’œuvre de Jérôme Mesnager« C’est nous les gars de Menilmontant »dans la rue du même nom ????
    Pourquoi L’art urbain en milieu rural ne peut il pas avoir la même reconnaissance ?
    Voici la raison pour laquelle j’ai lancé cette pétition …..
    Pétition que je vous engage à signer, si vous voulez aider l’art et la culture, qui est déjà bien en souffrance, en cette période sanitaire tourmentée .

  4. Et si nous allions voir du côté de la jurisprudence?
    ” « si le droit moral de l’auteur d’une œuvre installée dans l’espace public ou de ses héritiers doit être concilié avec le droit que détient le propriétaire du support, en application de l’article 544 du code civil, qui comporte le pouvoir de disposer de la chose et de la détruire lorsque des impératifs, esthétiques, techniques ou de sécurité le justifient, il importe néanmoins, pour préserver l’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du propriétaire, d’apprécier la légitimité des travaux entrepris et de vérifier la suffisance des mesures prises en vue de sauvegarder la création, lorsqu’une telle sauvegarde est techniquement possible »
    Le droit moral de l’auteur est inaliénable et cette affaire va conduire Mr le Maire devant les tribunaux…sauf s’il fait marche arrière!

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