Redman, Mehldau, McBride et Blade, un tour de plus

En 1994, Joshua Redman sortait Moodswing, un véritable petit bijou. Il n’était connu alors que de quelques aficionados, et ce cd l’avait propulsé dans le monde des grands du jazz international. Et pas seulement lui, puisque le quartet réunissait Brad Mehldau au piano, Christian McBride à la contrebasse et Brian Blade à la batterie. Vingt six ans après, ils se réunissent à nouveau pour proposer Round Again.

Blade, Mehldau, Redman et McBride. Photo M Wilson

Brad et Joshua sont restés très amis. Ils se sont produits mutuellement, ont joué dans de nombreux concerts ensemble, et ont enregistré un disque en duo en 2016, Nearness. McBride et Blade ont eu des parcours plus discrets, mais ce qui frappe à l’écoute de Round Again, c’est leur complicité intacte, une connivence qui leur fait immédiatement retrouver le son d’il y a 26 ans. Les compos (trois de Redman, deux de Mehldau, une de McBride et une de Blade) sont partagées avec fluidité. Et chacun peut cultiver son jeu à son aise.

Un son de groupe où chacun se reconnaît

Brad ornemente évidemment les mélodies par son lyrisme foisonnant. Mais même dans des moments très sobres, on reconnaît son doigté. Dans Silly Little Love Song, une ballade très mélodique, il installe le thème, développé par le saxo de Joshua, puis le reprend en l’ornant comme il sait le faire, avec une très grande maîtrise de la main droite qui se balade sur le clavier en égrenant une émotion prenante. Et l’accord entre les quatre musiciens, dans ce morceau, est magnifique. La contrebasse de McBride, à la manière « ancienne », soutient tout le long cette promenade que le saxo de Joshua perturbe, puisque c’est le rôle du soufflant. Le dialogue saxo-piano dans Moe Honk, morceau composé par Brad qui se lâche d’ailleurs avec délectation, permet aussi à Joshua de flâner dans ce qui semble une impro, sans doute très préparée et contrôlée par la rythmique. L’énergie de chacun se glisse dans celle, collective, du quartet pour retrouver le son d’il y a vingt six ans, un son « classique » tellement agréable !

Deux mesures pour un accord retrouvé

Le dernier morceau, Your Part to Play, proposé par Brian Blade, est une petite merveille où le quartet se montre au plus haut de sa cohérence. Thème lent et fluide, envolées personnelles aériennes et brillantes, ils construisent tous les quatre un moment exceptionnel. Le quartet ne s’est pas vu depuis vingt six ans, mais en deux mesures, ils se sont retrouvés, comme l’affirme McBride dans une interview. Et cette complicité est un vrai bonheur pour l’auditeur.

Bernard Cassat