Depuis plusieurs mois, à la sortie de Nogent le Rotrou (Eure-et-Loir), une trentaine de kiosques à journaux au look haussmannien stationnent, en attente d’une nouvelle affectation en France. La capitale du Perche est en effet un site de stockage et de dispatching de Mediakiosk, filiale du groupe JCdecaux qui gère les kiosques à Paris et dans plusieurs autres villes de France.
Depuis plusieurs mois, à la sortie de Nogent le Rotrou (Eure-et-Loir), une trentaine de kiosques à journaux au look haussmannien stationnent, en attente d’une nouvelle affectation en France. ©Magcentre
Ils sont là. À la sortie nord du centre-ville, le long de la rocade (axe D923 Le Mans-Chartres), impossible de ne pas les voir. Tant l’architecture de ces kiosques à journaux haussmanniens, dessinée par Gabriel Davioud en 1857, est associée à un imaginaire mythique de la ville lumière. Aussi découvrir à 150 km de Paris, ces petits pavillons au dôme vert si spécifique, sagement rangés en rang d’oignons sur le parking d’une zone industrielle, intrigue. Surtout que loin de l’agitation parisienne, avec leur rideau baissé, souvent tagué, ils semblent endormis, pour ne pas dire oubliés. La trentaine de kiosques, visible depuis des mois, n’est plus un sujet pour les habitants de Nogent-le-Rotrou. Ils appartiennent à leur quotidien.
Un nouveau monde à la place de l’ancien
La capitale du Perche, plus exactement la zone d’activité de l’Aunay, où la société Legendre, dont le siège est à La Bazoche-Gouet (27), dispose de locaux, n’est qu’une étape dans la vaste opération de remplacement des 360 kiosques parisiens, décidée en 2016 par la mairie de Paris, et orchestrée depuis 2018 par Mediakiosk. Mais le déploiement des nouveaux abris aux allures high-tech, signés du designer Matali Crasset, ne se pas fait sans mal.
Moins futuriste que prévu mais toujours doté de formes épurées, après quelques ajustements, le nouveau kiosque offre un confort de vie plus moderne aux kiosquiers. ©Magcentre
Comme l’atteste la polémique, née après la présentation d’un premier prototype, vivement contesté par les défenseurs du patrimoine, et le succès d’une pétition lancée à l’époque par une Parisienne pour contrer ce projet qualifié par certains de « poubelles géantes ».
Moins futuriste que prévu mais toujours doté de formes épurées, après quelques ajustements, le nouveau kiosque offre un confort de vie plus moderne aux kiosquiers. Il leur permet la diversification de leur activité qui correspond mieux à la vie actuelle et amène de l’animation dans les rues de la capitale. Il faudra plus de dix-huit mois pour finaliser le remplacement des modèles haussmanniens auxquels les Parisiens étaient habitués par les nouveaux modèles.
Les nouveaux kiosques s’installent à Paris. ©Magcentre
Le temps aussi pour la filiale de JCDecaux, qui a décroché ce marché de plus de 50 millions d’euros, d’organiser la gestion et le recyclage des kiosques à journaux haussmanniens, qui ont été adoptés au fil du temps par d’autres villes de France. Comme Paris elles se sont approprié ces structures imaginées au temps où le préfet Hausmann remodelait la capitale de la France.
Pour le confort de ses habitants et à l’imitation de Paris la Province a adopté ces modules d’un vert profond dont la surface, selon le modèle, varie entre 9 et 20m2. Il n’est pas rare de découvrir encore aujourd’hui sous l’auvent d’un modèle traditionnel, non une revue de presse iconoclaste mais une mini galerie d’art ou simplement un estaminet avec ses boissons et ses confiseries à moins qu’il ne soit transformé en point d’information locale pour les touristes.
Certains kiosques connaissent une nouvelle vie, comme ici à la gare de Sartrouville (78), recyclé en bar. ©Magcentre
Un détournement d’usage qui ne doit pas faire oublier l’ADN de ces kiosques qui malgré une diversification d’activités résultant de la crise de la presse, reste encore souvent le lieu de vente des journaux.
Ecologie, économie et convivialité
Aujourd’hui, dans plusieurs villes de France comme à Chartres, Maintenon, Orléans et Tours, on peut tomber au détour d’une rue sur un modèle classique, revisité, et passé avant par Nogent le Rotrou, base de stockage et de dispatching des kiosques haussmanniens depuis 2018. Et ce malgré le coût d’acheminement, estimé à plusieurs milliers d’euros. « Ce site a été retenu pour sa capacité de stockage et sa proximité avec Paris. Il est aussi au barycentre de nos réseaux de près de 800 kiosques et de nos villes avec lesquelles nous sommes liés », précise Mediakiosk qui s’appuie également sur le site de Maurepas (Yvelines) et de Montreuil (Seine-Saint-Denis) pour mener ses opérations.
Un des derniers kiosques présents en région Centre-Val de Loire, ici aux Halles de Tours (Indre-et-Loire). ©Magcentre
Ainsi sur le site yvelinois, on se consacre à l’assemblage des kiosques de Paris. Quant à Montreuil, on y stocke également des anciens spécimens, destinés à la rénovation. « Quand un édicule est trop abîmé pour être moderniser, nous le démantelons pour le recyclage », ajoute sans état d’âme l’entreprise qui pointe « une démarche vertueuse éco-responsable pour limiter la production de kiosques. Avec le renouvellement du parc parisien, on dispose de nouveaux stocks ». Une démarche « écologique » qui est aussi économique.
En effet ces petits cubes verts avec leur frise florale si particulière, qui servent depuis Napoléon III aussi bien de magasins de presse que de panneaux d’affichage, se monnayent aujourd’hui autour de 10 000 euros pièce. Et quand ils ne peuvent être réutilisés, ils sont démantelés pour recyclage. Triste fin mais tout est bon dans le kiosque !
ZC