Courrez voir l’expo de Charles Pétillon à la collégiale !

La nouvelle exposition de la collégiale Saint-Pierre-le-Puellier à Orléans est une pure merveille de poésie, d’humour et de légèreté mais avec aussi une pointe de gravité. On y découvre le travail du photographe français Charles Pétillon (originaire des Hauts-de-France). Des clichés qui comportent tous des ballons blancs. Il a accordé à Magcentre une interview exclusive lors du vernissage de l’expo “Confluences” le 18 juin.

Charles Pétillon, photographe, exposition Collégiale été 2020 ©SD

Comment vous est venue l’idée de travailler avec des ballons blancs? 

Charles Pétillon : À l’origine, je suis photographe publicitaire, donc je photographie des objets, des sacs à mains,  des chaussures, des parfums etc. Et pour faire mes clichés, j’ai toujours utilisé des décors que je réalise moi-même en carton, en bois, avec de la ficelle, du papier. Les ballons faisaient aussi partie des matériaux que je souhaitais explorer. J’ai donc réalisé une série de photos de lunettes de soleil pour un magazine avec ce décor de ballons et j’ai très vite compris qu’ils pouvaient être utilisés autrement. C’est là que mes recherches ont démarré en 2007, 2008. J’ai fait mes premiers essais photographiques en 2009 et en 2010 les premiers clichés. Toute la difficulté c’est que lorsque vous avez une idée, une intuition, vous ne savez pas comment l’aborder et la traduire, ça peut durer très longtemps. Vous ne savez même pas au départ si c’est une bonne ou une mauvaise idée, tant que vous n’avez pas trouvé la solution donc c’est très compliqué. La recherche a été difficile, délicate, laborieuse.

Vos premiers clichés avec des ballons blancs, c’était en intérieur ou en extérieur ?

C.P. : En intérieur, d’abord parce que les ballons, comme tout le monde le sait, c’est fragile et donc n’ayant pas d’expérience particulière avec eux, j’ai commencé en intérieur dans un espace désaffecté et j’ai mis trois jours pour faire ma première photo. Aujourd’hui ça me prendrait juste quelques heures. 

Expo Confluences, photo Charles Pétillon ©SD

Charles Pétillon, “Playstation 2” ©SD

Sur vos photos, vous traitez de sujets humoristiques, mais vous abordez aussi des thèmes plus graves comme les frontières ou les terres inaccessibles pour les migrants. J’imagine que c’est votre origine des Hauts-De-France qui vous a donné envie de travailler sur ces questions là ?

C.P. : Oui, en partie. Mes sujets, en fait, je les explore en fonction de l’actualité, je suis sensible à notre environnement comme tout le monde. Donc quand une question m’intéresse, j’essaie de la traduire en employant les ballons, mais parfois c’est compliqué. 

Vous estimez justement que c’est le rôle d’un artiste d’interpeller le public sur des sujets aussi graves que la guerre ou les migrants ?

C.P. : Chacun a sa vision de l’artiste. Moi, je ne fais que poser des questions sur la vie de tous les jours. Je n’ai pas envie d’aller au-delà parce que c’est à chacun de se forger son opinion. Donc, je ne veux surtout pas imposer un point de vue. D’ailleurs, pour beaucoup de mes photos, je n’ai pas forcément un point de vue bien arrêté, je donne à voir et à questionner, tout simplement.

Par rapport à la guerre, vous avez travaillé aussi sur les cimetières américains avec les croix blanches que vous remplacez par des ballons. Je crois savoir que vous avez hésité à le faire, ce qui pose la question des limites que se donne un artiste…

des ballons qui rappellent les croix blanches des cimetières américains ©SD

C.P. : La photo que vous évoquez parle de la guerre 14-18. Un sujet très visible dans les Hauts-de-France parce les cimetières militaires sont très présents et donc avec ce centenaire de la guerre, c’est quelque chose que je voulais essayer de traduire dans l’une de mes photographies. Mais le questionnement était très compliqué et le chemin très laborieux parce qu’il fallait trouver le bon équilibre. Car aborder un sujet aussi grave et aussi tragique avec des ballons qui sont destinés à la fête, c’est presque déplacé et j’avais le sentiment que ça pouvait vite devenir inapproprié, mal compris et irrespectueux. Donc il a fallu trouver une solution qui permette justement de respecter le sujet tout en rafraîchissant notre mémoire, pour ne pas oublier. Une autre photo évoque la ligne de front sur un champs de bataille, la pente permet de visualiser un ensemble de ballons sur une distance plus importante.

Expo Confluences, photo de la ligne de front d’un champ de bataille de 14-18. ©SD

J’ai réalisé cette photographie dans une belle prairie, bucolique, magnifique, où l’on n’imagine absolument pas qu’il y a eu des dizaines de milliers de morts. Et juste en plaçant une simple ligne de ballons à cet endroit  forcément, ça nous fait réfléchir, en tout cas ça nous  permet d’éviter l’oubli.

Revenons à présent à la collégiale, vous avez installé dans son chœur des ballons qui grâce à une soufflerie bougent constamment et de façon aléatoire, ce qui donne un effet très poétique. Vous avez d’ailleurs déjà fait ce genre d’installation à l’opéra de Bordeaux mais celle-là, vous l’avez spécialement conçue pour la collégiale ?

expo Collégiale ballons mouvants ©SD

expo Collégiale ballons mouvants ©SD

C.P. : Oui, c’est une adaptation pour la collégiale, pour que ça puisse fonctionner dans cet espace. Cette installation s’appelle “Diazepam”. Ça renvoie au nom générique des antidépresseurs tels que le Valium,… Ce que j’évoque, avec de l’humour et du second degré, c’est que lorsque l’on s’installe devant, il y a alors une forme de contemplation, c’est très tranquillisant en fait ! Et c’est beaucoup mieux que d’avaler des comprimés (sourire).

Et ces lignes de ballons installées près du sol, c’est comme un chemin de déambulation ?

Expo Confluences collégiale ligne de ballons ©SD

C.P. : Cette seconde installation fait écho à la photo dont nous venons de parler sur la première guerre mondiale, cette ligne de front sur un champ de bataille. J’ai donc imaginé qu’il serait intéressant que le public puisse également voir une transposition de cette ligne, ici au chœur de la collégiale. Je voulais aussi que cette ligne permette aux visiteurs de mieux apprécier les volumes et les perspectives du lieu. 

Est-ce-que l’on peut imaginer une prolongation de votre travail avec des ballons de couleur?

C.P. : On me pose très souvent la question mais en fait non. Les ballons blancs sont vraiment devenus pour moi une sorte de signature. De plus, je pense que la couleur n’apporterait qu’une note anecdotique dans mon travail, donc sans intérêt. Rappelons aussi que le blanc n’est pas une couleur et puis dans notre culture c’est quelque chose d’assez neutre, mis à part  un symbole de pureté. C’est la raison pour laquelle il n’y a jamais eu de couleur dans mon travail et qu’il n’y en aura probablement jamais.

Enfin, est-ce que la période de confinement que nous venons de traverser pourrait influencer et nourrir votre travail à venir ?

C.P. : Je ne sais pas mais en tout cas ça nourrit l’imaginaire et la réflexion. En revanche, je n’aime pas traiter les sujets à “chaud”. Je préfère prendre un peu de recul et de distance afin d’aborder les choses de façon apaisée. On vient juste de sortir du confinement (cette interview a été réalisée le 18 juin) donc c’est encore trop tôt mais c’est probable. Vous savez, on est parfois influencé de manière inconsciente par notre environnement et c’est probablement ainsi que les choses évolueront, mais là tout de suite, je ne peux ni vous dire oui, ni vous dire non.

Propos recueillis par Sophie Deschamps

Charles Pétillon, quais de Loire “baguette magique” ©SD

 

L’exposition Confluences présente dix tirages sur les quais de Loire et une série de photographies à l’intérieur de la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier investie également par une installation in situ et visibles jusqu’au 23 août 2020.

  • Ouverture tout public du mardi au dimanche de 14h à 18h
  • Visites sur réservation, du mardi au vendredi de 11h à 12h
  • Fermeture les lundis et jours fériés
  • Renseignements et réservations : 02 38 79 24 85

Afin de vous permettre de découvrir cette exposition dans les meilleures conditions possibles, un protocole d’accueil et de visite adapté au contexte sanitaire actuel a été mis en place mettant l’accent sur le port du masque, la distanciation, la désinfection et une jauge limitée.

Nous comptons sur la vigilance de tous pour le bon respect des gestes barrières.

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