Philippe Rabier
Philippe Rabier, était l’un des chefs de file du mouvement citoyen « Orléans Ensemble ». Cette liste a fusionné, pour le premier tour des dernières municipales, avec la liste OSE de Jean-Philippe Grand où il fut placé en cinquième position. Avant le deuxième tour, alors que OSE se rassemblait avec la liste PS/PC et restait dans la course pour la mairie, il jette l’éponge en invoquant des raisons professionnelles. Tous ceux qui le connaissent n’y ont pas cru. Magcentre a voulu le rencontrer pour en savoir plus.
Sans langue de bois, qu’elles étaient la ou les authentiques raisons de votre départ de la liste menée par Jean-Philippe Grand ?
Philippe Rabier : J’ai souhaité partir de cette aventure municipale dans l’entre-deux-tours sans pour autant porter préjudice à la liste OSE. Je l’ai dit et je le maintiens, je pensais que les membres de cette liste étaient les plus à-même de faire avancer la démocratie et un projet écologique pour la ville d’Orléans. Mais, oui, les raisons qui m’ont motivé à arrêter n’étaient pas seulement des raisons économiques et ne concernaient pas exclusivement la relance de ma société suite au confinement. Mais à ce moment de la campagne, c’était le seul argument qui ne gênait en rien l’équipe OSE. Il se trouve que pendant le confinement j’ai pu mesurer les différences de vues sur le projet politique que j’avais avec Jean Philippe Grand et Valérie Corre, alors têtes de liste de OSE. La question d’une gouvernance plus transparente et plus partagée, est pour moi la question centrale, quel que soit le projet politique que l’on a pour le territoire, et les mots ne suffisaient plus. J’ai toujours pensé que ce que nous faisions pendant la campagne nous le ferions en responsabilité.
Vous demandiez donc des actes…
P.R. : Je ne me voyais pas être l’empêcheur de tourner en rond sur ces questions pendant un mandat de six ans. Cela aurait été mauvais autant pour moi que pour le groupe. Le fossé était trop grand sur ces questions. Je l’ai alors compris et j’ai pris la décision de partir. J’ai également tout fait pour que des membres de Orléans Ensemble restent jusqu’au bout dans l’aventure, voyant une réussite à mettre potentiellement en responsabilité des personnes qui pour la grande majorité n’avaient même pas pensé faire de la politique quelques mois plus tôt.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre vision personnelle de la vie politique ?
P.R. : L’engagement politique est un engagement extrêmement exigeant quand on veut bien le faire, et il faut le respecter, tant les sacrifices familiaux et professionnels sont importants. Beaucoup m’avaient mis en garde sur le monde politique en me disant que je risquais d’y perdre mon âme. Il se trouve qu’après cinq ans dans un parti, puis trois ans en dehors, je pense avoir trouvé un bon équilibre en écrivant un projet politique à partir d’une page blanche, et non d’un prêt-à-penser. Mon côté entrepreneur refait surface. Je trouve d’une manière générale le monde politique conservateur, craintif et peu créatif. Peu d’hommes et de femmes politiques sont force de proposition. Les progressistes ne sont pas forcément là où on les attend. Il y a en tout cas de la marge de progression ! Nous l’avons vu avec la désignation du Président et des Vice-présidents de la métropole, la façon de faire de la politique est à bout de souffle.
Ce qui explique la déception des électeurs…
P.R. : Les mauvaises pratiques politiques sont la principale cause du rejet des élu(e)s par les citoyen(ne)s et donc de l’abstention. Aussi les élu(e)s doivent être d’autant plus exemplaires ! La loi doit évoluer notamment sur la désignation des élus métropolitains. C’est une approche de la politique que j’ai en général : rien ne nous empêche de devancer la loi ! Rien n’empêche de s’imposer la parité dans les vice-présidences. Rien n’empêche de s’imposer le non-cumul des mandats exécutifs. Rien n’empêche que plusieurs candidats se déclarent aux différents postes d’adjoints ou de vice-présidents. Rien n’empêche de s’interdire d’embaucher une ancienne candidate parce qu’elle vous a apporté son soutien. Rien n’empêche de baisser les indemnités d’élu. Rien n’empêche de présenter devant les électeurs un projet métropolitain. Rien n’empêche de défendre pendant la campagne des municipales, une nouvelle gouvernance.
Quelles solutions face à ces « mauvaises pratiques politiques »
P.R. : La politique doit sortir des arrangements entre faux-amis, des consignes de vote partisanes voire contre-nature, et au final de contournement du vote et du mandat donné par les électeurs et électrices. L’intelligence collective et une approche non-partisane doivent venir au cœur de notre système politique. Nous devons explorer différentes façons de voter car le vote majoritaire n’est pas le meilleur des systèmes. Le jugement majoritaire en particulier, est un moyen de sortir du vote partisan et simpliste. Le tirage au sort, le vote sans candidat sont des outils qui ont été testés par beaucoup de listes citoyennes lors de ces municipales.
Quels sont vos projets pour les prochaines échéances électorales ?
P.R. : Nous pouvons faire de la politique sans forcément être élus. C’est toute la démarche du collectif CiTLab que je souhaite relancer. Nous travaillons d’ores et déjà sur un projet de monnaie locale pour Orléans et sur le développement des circuits courts. Pour ce qui est de la politique, j’ai besoin de travailler avec des personnes qui ont une vision, une lecture du monde, un questionnement permanent, un enthousiasme. Sans doute suis-je trop idéaliste, mais c’est à cette seule condition que je suis prêt à sacrifier une partie de ma vie de famille et professionnelle.
Comptez-vous poursuivre une carrière politique ?
P.R. : Il est vrai que je désire toujours faire de la politique. Aussi quand j’ai décidé d’arrêter mon engagement dans les municipales, je me suis demandé avec qui j’aimerais porter un projet politique localement. Et j’ai rapidement pensé à un homme qui m’inspire depuis quelques années : Charles Fournier, vice-président à la Région sur les questions de démocratie permanente notamment. Aussi il n’est pas exclu que vous entendiez à nouveau parler de moi dans les prochains mois dans le cadre d’une échéance électorale.
À plus court terme et pour sortir des remous politiques, avez-vous des projets de vacances ?
P.R. : Je vais partir, comme depuis cinq ans, sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Plus exactement sur un des chemins en France, celui d’Arles cette fois. Ma femme et moi attendons avec impatience ce moment qui va nous permettre de décrocher, de nous évader, d’aller à un rythme lent, d’observer la nature, de découvrir des lieux forgés par la nature ou l’humain, des lieux spirituels. La marche nous rapproche de la nature et nous permet des rencontres très riches. C’est un chemin de solidarité, de fraternité. La France regorge de ces valeurs qui ne demandent qu’à ressurgir dans notre société comme nous l’avons vu lors du confinement ! C’est un voyage que je conseille à toutes celles et tous ceux qui peuvent marcher. D’ailleurs la voie de Tours qui vient de Paris, passe par Orléans. C’est la première voie que nous avons explorée il y a cinq ans en partant de chez nous au petit matin, sac sur le dos. La première étape s’arrête à Beaugency et sur le chemin vous pourrez vous arrêter à la guinguette de Baule, lieu hors du temps que je vous recommande !
Propos recueillis par Jean-Paul Briand