Plus de temps à perdre devant la menace des perturbateurs endocriniens

En 1991, dans leur déclaration de Wingspread, des scientifiques avertissaient du danger causé par de nombreux composés chimiques capables de dégler les systèmes endocriniens. Cette terrible menace des perturbateurs endocriniens mobilise encore trop timidement les pouvoirs publics. Au cours de sa séance plénière des 2 et 3 juillet derniers le Conseil régional de la Région Centre Val de Loire accepte de signer la charte dengagements de lutte contre les perturbateurs endocriniens et de mener une campagne de sensibilisation des habitants de la région.

Les perturbateurs endocriniens dérèglent notre machinerie hormonale

Comme tout mammifère, l’homme vit en homéostasie. C’est à dire que nous devons maintenir stable de nombreux facteurs biologiques tels que notre taux sanguin de sucre, notre température centrale, notre tension artérielle, etc. Pour entretenir constant tout un ensemble d’éléments clés, nous avons un dispositif de régulation avec des capteurs, des processus d’ajustements automatiques et des centres de contrôle. Cet agencement biologique implique notre système endocrinien dans lequel participent les hormones.

Ainsi, lorsque notre appareil nerveux perçoit une modification dans notre organisme ou son environnement, il envoie l’information à la glande endocrine concernée. Elle sécrète alors un message chimique (hormone), directement dans le sang, pour son organe ou tissu cible et permettre notre adaptation ou une correction de la constante biologique modifiée. Les perturbateurs endocriniens (PE) sont ces produits chimiques libérés dans la nature, parfois naturels, le plus souvent liés à l’activité humaine, qui miment, contrarient ou bloquent l’action des hormones. Ils dérèglent notre machinerie hormonale.

La contamination par les PE est un danger gravissime et insidieux

Les dommages des PE ne sont pas proportionnels à la dose ingurgitée, ni à la chronicité de l’exposition. Il n’existe pas de seuil critique de toxicité. Ils peuvent agir à l’état de trace infinitésimale. Lorsqu’un organisme est exposé simultanément à plusieurs PE, l’effet « cocktail » est cumulatif et peut être particulièrement nocif. Avec les PE, il existe parfois un temps de latence conséquent entre la contamination et l’apparition des phénomènes pathologiques. Les PE modifient l’expression des gènes sans en modifier leurs structures. C’est ce que l’on nomme les mécanismes épigénétiques, a priori réversibles mais transmissibles aux générations suivantes.

Certaines périodes de la vie rendent particulièrement délétères l’action des PE. L’embryon humain, le foetus, la petite enfance ainsi que la puberté sont des moments critiques. Les PE peuvent alors occasionner d’importants dégâts sur les organes en formation, quand leurs développements sont intensément soumis et sensibles au contrôle hormonal. Les PE sont absorbés en respirant (micro-particules), à travers la peau (cosmétiques) et surtout par l’alimentation (pesticides, contenants alimentaires plastifiés, revêtement interne de boites de conserves, téflon). La voie sanguine est possible à travers le matériel de perfusion. Dès la conception, la contamination par les PE est un danger gravissime et insidieux.

Le principe de précaution doit simposer aux industriels

Les PE sont suspectés d’être à l’origine de l’explosion des cancers hormonaux dépendants (cancers du sein, du testicule, de l’ovaire, de la prostate) mais aussi de troubles du développement du cerveau (perte de QI, autisme, déficit d’attention, hyperactivité), de dérèglement endocriniens à l’origine de diabètes, d’obésité, de non-descente des testicules à la naissance, de malformations des organes génitaux et de détérioration de la qualité spermatique entraînant une chute de la fertilité.

Démontrer qu’une molécule chimique est un PE n’est pas aisé. Compte tenu de leurs modes d’action, les recherches sur les PE échappent aux protocoles classiques de la toxicologie. Elles consistent essentiellement à des études observationnelles de cohortes. L’investigateur, ne pouvant pas imposer une exposition à une substance supposée nocive, observe un grand groupe de sujets (cohorte) au cours du temps et estime l’incidence de survenue événements anormaux en fonction de facteurs environnementaux ou de mode de vie. Ces études ne démontrent pas un lien de cause à effet absolu et direct mais un lien statistique fort et cohérent. Cette particularité permet, aux grands groupes industriels dont les intérêts sont en jeu, d’alimenter de fausses controverses scientifiques afin de retarder toutes actions préventives. En santé publique, vis à vis des PE, le principe de précaution devrait s’imposer aux industriels.

Les professionnels de santé de première ligne doivent être mobilisés

En mars 2017, le Conseil régional du Centre Val de Loire a décidé la mise en place d’une étude régionale sur l’impact des perturbateurs endocriniens. Trente mois plus tard, ce même Conseil signe enfin la charte d’engagements de lutte contre les PE et propose un plan d’action régional. Compte tenu des périls encourus, l’information et la protection des publics à risque (femmes en âge de procréer, enceintes, allaitantes, les enfants en bas âge ou en période pubertaire), doivent commencer en urgence, sans perdre du temps en commissions ou autres réunions stériles. Les professionnels de santé de première ligne que sont les généralistes, les sage-femmes, les gynécologues et les pédiatres doivent être mobilisés. Le Conseil régional du Centre Val de Loire pourrait solliciter l’URPS (Union régionale des professionnels de santé) afin de publier un guide à l’usage des professionnels de santé comme il en existe un depuis 2018 en région PACA. L’ARS (Agence régionale de Santé) pourrait être mise à contribution pour un livret d’informations pratiques destiné à la population.

Devant la menace des perturbateurs endocriniens, il n’y a plus de temps à perdre !

Jean-Paul Briand

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