Après le président de la République dont l’interview a été suivie par quatorze millions de Français, c’était au tour du premier ministre de présenter au Parlement le nouveau chemin sur lequel le gouvernement entend conduire la France. Un nouveau chemin à défaut d’un nouveau cap. Qu’on est loin de l’élan annoncé par l’élection à la présidence de la République d’Emmanuel Macron en 2017 !
La France psychologiquement marquée, économiquement dévastée par la première vague de Covid-19, laquelle sera probablement suivie d’une seconde, a bien du mal à entrevoir où ce chemin annoncé va la mener : nouveau gouvernement, nouveau départ écologique, plan de relance à conduire, vague épidémique à gérer, une planification à mettre en place en 600 jours avec une vision à dix ans qui laisse supposer que Macron veut rempiler en 2022. Sa campagne présidentielle a effectivement commencé avec le remaniement ministériel.
Mais qu’a dit Emmanuel Macron qui puisse vraiment aider Jean Castex, le nouveau Premier ministre, à « exécuter » ce que Jupiter a « décidé » ? Vive le dialogue social, la lutte contre le chômage des jeunes, la concertation, en particulier pour réformer les retraites, mais comment alors que les partenaires sociaux y compris le Medef sont vent debout contre. Emmanuel Macron a affirmé qu’on ne peut augmenter les impôts parce que la France est déjà au taquet, que la rentrée scolaire sera quasi normale, sauf nouvelle vague de Covid-19, qu’il faut respecter la présomption d’innocence (en réponse à une question sur les poursuites judiciaires à l’encontre de Gérald Darmanin, nouveau ministre de l’Intérieur)…
Du tout en même temps qui obscurcit le cap choisi et à tenir.
un plan de relance à 100 milliards d’euros
Le chef de l’Etat a annoncé un plan de relance 100 milliards. En comparaison des 460 milliards déjà engagés pour tenter de sauver certains secteurs des effets du confinement, cela paraît insuffisant, même si en ce moment, tout se paye à crédit. Des chiffres jetés à la face de l’opinion qui ne sait ni ce qu’ils représentent ni d’où ces sommes proviendront. Il a également préconisé «le plus vite possible » la lutte contre le réchauffement climatique et le respect de la biodiversité dans la Constitution, éventuellement par la voie référendaire, une avancée majeure à ses yeux alors qu’il ne s’agit que de l’affirmation d’un principe qu’il faudra encore traduire en droit et en actes. Il veut redévelopper le fret ferroviaire, rétablir les trains de nuits et les petites lignes et rénover grande échelle le bâtiment, relocaliser.
Comme feuille de route pour le Premier ministre, c’est un peu court. À 600 jours de la prochaine présidentielle, la logique eut voulu que le Président reprenne la barre, et que son Premier ministre, illustre inconnu dépourvu de socle politique, soit son collaborateur, au sens où l’entendait Jacques Chirac. Devant le parlement dans un discours très plat le nouveau locataire de Matignon, en bon élève a répété la leçon esquissée par son patron avec un hommage appuyé aux territoires.
Les territoires c’est la vie des gens
« Les territoires, c’est la vie des gens. Libérer les territoires, c’est libérer les énergies. C’est faire le pari de l’intelligence collective. Nous devons réarmer nos territoires. La confiance dans les territoires suppose que le droit à la différenciation soit consacré dans une loi organique et passe par une nouvelle étape de la décentralisation, ainsi que sur une évolution profonde de l’organisation interne de l’Etat », a-t-il affirmé .Et de poursuivre: «A l’occasion de la mission qui m’avait été confiée par le précédent gouvernement sur le déconfinement, je m’étais fait le défenseur du couple maire – préfet de département. Notre intention est de rendre rapidement plus cohérente et efficace l’organisation territoriale de l’Etat, en particulier au niveau du département. Toutes les créations d’emploi qui seront autorisées par le projet de loi de finances pour 2021 seront affectées, sauf exception justifiée, dans les services départementaux de l’Etat et aucun dans les administrations centrales. C’est une révolution », a ajouté ce défenseur inlassable des territoires. Et Jean Castex, ancien maire LR de Prades (Pyrénées-Orientales) de conclure. « Pris par le haut, tous les sujets deviennent des objets de posture ou de division (…) Mais traités en partant du bas, par les gens (…) cela change tout. La confiance revient, les résultats progressent, la nation se ressoude ».
« Des mots, des paroles, nous attendons des actes » répétaient à l’issue de l’audition députés et sénateurs perplexes dans les couloirs, ajoutant même à propos de la performance oratoire de Jean Castex « On est à des années-lumière d’Edouard Philippe ».
F. C.