Musique et Equilibre : une belle histoire à épisodes !

Un épisode inédit se joue actuellement à Musique et Equilibre, cette école de musiques (remarquez bien le s!) qui existe à Orléans depuis 1986 : le fondateur/directeur Serge Ceccaldi prend sa retraite !

Une retraite bien méritée s’il en est, car l’histoire de Musique et Équilibre est tout simplement époustouflante. Serge Ceccaldi la raconte avec autant d’humour que d’humilité, n’hésitant pas à illustrer ses propos avec ses ressentis et l’intimité de son histoire personnelle.

Car l’avènement de l’association qu’il a créée prend sa source très loin dans l’histoire de ce fils de rapatriés d’Algérie, meurtri par une histoire qui le dépasse et qu’il ne cesse de rechercher.

Serge Ceccaldi dans son bureau au 108 rue de Bourgogne ©AC Chapuis

Un parcours atypique fait d’engagement et de recherche

Il a deux ans et demi, en 1962, lorsque ses parents quittent brutalement Constantine, la ville où ils ont leurs emplois de rémouleur et de couturière, laissant derrière eux souvenirs, amis et une vie construite depuis plusieurs générations. S’ensuit alors le long parcours d’insertion en France, avec le sentiment de n’y être pas les bienvenus. Serge ressentira toute sa vie cette « différence », cette injustice, d’où un désir profondément ancré de tendre la main aux plus exclus. En 1990, il est retourné à Constantine. Il a retrouvé les traces de son père, son atelier et même ses outils avec ses initiales. Grand moment d’émotion et de réaffirmation des valeurs qui ont guidé sa vie et ses créations : le droit à la différence pour tout un chacun.

Son parcours scolaire est chaotique mais son attirance vers la musique prend sa source très tôt dans sa vie. Il est attiré par le violon, dès qu’il a quatre sous, il achète un instrument au marché aux puces d’Orléans et joue. Tout simplement, intuitivement, juste pour le plaisir et la découverte. « On n’apprenait pas, on jouait », se rappelle-t-il. Il cherche ensuite à aller plus loin, rêve de « devenir violoniste » et, à 23 ans, il commence les cours au conservatoire de Saint-Jean-de-la-Ruelle. Il découvre que son instrument n’est pas conforme, mais il s’adapte ! Il suit un cursus de formation poussé, fait des études de musicologie en faculté, mais il reste un curieux de « la musique avant tout », hors des cadres et des carcans.

Serge Ceccaldi est un rebelle !

Vient ensuite une période où, en tant qu’objecteur de conscience, il effectue un service bénévole auprès de personnes handicapées à Fleury-les-Aubrais. Il y découvre combien la musique peut être un mode de communication d’épanouissement pour ces personnes. Il développe une pédagogie, il écrit des musiques, il se passionne pour la transmission. Son questionnement sur la différence et la place de chacun dans une société résonne avec cette expérience et ces rencontres.

Il travaille à Aubigny-sur-Nère comme intervenant scolaire, s’appuie sur les méthodes actives (Orff, Wuillems, Martenot) et s’applique à théoriser les méthodes qu’il crée, basées sur le jeu et la pratique de l’instrument plutôt que sur le conseil ou méthode. Découvrir, pratiquer, écouter, jouer… sont les bases d’une approche musicale pour les enfants dès leur plus jeune âge.

Musique et équilibre, une salle de piano. ©ACC

La genèse de Musique et équilibre : un pari un peu fou

Avec trois copains, il crée une association où pourront s’exprimer les musiques, toutes les musiques. Nous sommes en juin 1986. Il reprend le terme que l’approche des personnes handicapées lui avaient inspirée, celui de l’équilibre. Au départ, ce terme visait le bien être, il y ajoute le concept de dualité, où la différence doit être une harmonie plus qu’un conflit. Il démarre les activités dans les trois pièces de son grenier, venelle de la fosse Viglain. Les adhérents affluent, il déconcentre les ateliers dans les Centres Sociaux ou Maisons de jeunes avant de trouver un local plus spacieux 98 rue de Bourgogne. Il effectue lui-même les travaux pour agrandir en utilisant la cave. Avec six salariés, et en autofinancement, Musique et Equilibre prend racine dans le paysage orléanais.

Très vite, il développe des ateliers pour les petits, privilégiant la démarche plutôt que la réussite, le chemin plutôt que l’aboutissement. « La musique est un outil d’ouverture aux autres et au monde, elle s’inscrit dans un projet social et dans un esprit collaboratif et trans générationnel », réaffirme-t-il avec le recul de l’expérience.

1995 : Une année charnière et un contrat avec la mairie d’Orléans

Après de nombreuses « pérégrinations » (sic) un accord est passé avec la mairie d’Orléans. Un local au 108 rue de Bourgogne est mis gratuitement à la disposition de Musique et Équilibre. C’est un vaste espace au premier étage d’une ancienne école, avec deux grandes salles totalement inadaptées pour les cours en petits groupes qui sont l’apanage de l’association. Serge Ceccaldi relève le défi et les manches ! Il fait ses plans, négocie l’achat des matériaux par la mairie, et se lance dans la construction des 12 salles aujourd’hui en activité. Il travaille avec un salarié, un homme à tout faire un peu marginal et pas toujours fiable dans ses présences mais très bon ouvrier. Une relation forte se noue. Décédé prématurément, Serge en parle avec émotion et reconnaissance. Les travaux durent un an et pendant lesquels l’écriture de musiques est son « bol d’air »

La bataille continue pour la reconnaissance de Musique et Equilibre, au gré des différentes municipalités. En 2002, des contrats avec les écoles sont signés. Un audit fait apparaître la pertinence du département des Musiques Actuelles mais les partenariats avec le conservatoire restent difficiles.

Aujourd’hui

La création d’une annexe au sein de l’Argonaute est une belle reconnaissance dans la cité, même si des regrets existent sur des locaux trop retreints au regard de l’ampleur des activités de l’association.

Aujourd’hui, Musique et Equilibre est reconnue par le ministère en tant qu’Établissement d’Enseignement Artistique et est labellisée data Doc en tant qu’organisme de Formation Professionnelle.

« De trublion hors cadre basé sur une idée du « faisons autrement », on a traversé le temps et on est devenu une institution. » Impossible de savoir ce qui l’emporte entre la fierté et le regret dans les propos de notre apprenti sorcier devenu directeur d’école de musique regroupant 40 salariés (12 équivalents Temps plein), président de l’association de la « Fédération Nationale des Ecoles d’Influence Jazz et Musiques actuelles » personne qualifiée de la « commission Structuration » au Centre National de la Musique.

On peut ajouter que Serge Ceccaldi est directeur, gestionnaire, compositeur, professeur, chef de chœur, chef d’orchestre, monteur de cloisons et installateur de plexiglas anti-covid ! Et violoniste ? On n’en parle plus !

Pour lui, les musiques actuelles doivent se situer dans l’impertinence. « La différence est une richesse qui ne doit pas faire peur, la complémentarité est un atout, ne doit pas être un danger permanent. »

Et demain ?

Serge Ceccaldi est au clair avec son combat. Il le situe bien au cœur de son histoire. Ses fils sont des musiciens professionnels reconnus et se produisent sur les plus grandes scènes internationales. Sous leur impulsion, ses musiques sont sur le point d’être gravées et interprétées par les plus grands noms du jazz, sur un album intitulé Constantine. Un retour aux sources ?

Il prend sa retraite mais l’on sait qu’il restera actif dans le monde des musiques qui sont les siennes. Il garde la direction du Groupe vocal en passe de prendre un statut associatif autonome, il poursuit son enseignement sur l’environnement social et législatif du musicien, il conduit un projet « Bach to Africa » (musiques de JS Bach pour chœur, ensemble instrumental et percussions africaines, repoussé au 21 mai 2021) et bien sûr il continue d’écrire de la musique !

Le flambeau est repris par Aude PRIEUR , directrice adjointe à Musique et Equilibre depuis trois ans. C’est une musicienne avec un parcours classique de flûtiste, ouverte comme son prédécesseur à la création, la nouveauté, le combat pour des valeurs. Musique et Equilibre est « une structure où on peut trouver son chemin. »

Aude Prieur,directrice adjointe à Musique et Equilibre, et Serge Ceccaldi ©ACC

Gageons que ce chemin, tracé dans les herbages de l’innovation et de l’altruisme, saura se poursuivre dans les grandes avenues comme dans les traverses et, à tout le moins, hors des sentiers battus que Serge Ceccaldi a su le profiler.

Et comme dans toutes les grandes histoires à épisodes, la page se tourne sur la phrase rituelle mais riche d’actualité et de suspense : « A suivre »

Anne-Cécile Chapuis

Commentaires

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  1. Un bel exemple de réussite “sociale” par la voie associative. Serge Ceccaldi laissera son nom dans l’histoire de la Musique à Orléans. Et il aura aussi assuré un bel avenir à ses enfants dans le Jazz. Mais le connaissant, ça m’étonnerait que la retraite ne lui permette pas d’agir encore… 😉

  2. Merci Anne-Cécile Chapuis pour ce bel article « Musique & Équilibre, une histoire à épisodes ». La personnalité de Serge Ceccaldi, directeur, musicien, compositeur créatif, pédagogue aussi original que modeste, mérite bien ce bel hommage au moment de partir en retraite.

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