Depuis quelques semaines, il est sur tous les écrans et toutes les ondes. L’aéroport Marcel Dassault, Châteauroux-Déols (Indre), a su se renouveler pendant la période de confinement au point de se démarquer et d’espérer des retombés très positives dans un avenir proche. Retour sur une diversification d’activités et un coup de projecteur qui lui permettent de survoler cette crise.
La taille du tarmac permet à l’aéroport de Châteauroux (Indre) d’accueillir jusqu’à 70 avions en stationnement. ©Morgane Thimel
Ils sont 43, rangés sur le tarmac de l’aéroport de Châteauroux Centre, dans l’Indre. Un vrai jeu de Tétris. Les carlingues sont de les toutes tailles, couleurs et nationalités. Hong Kong Airlines, Air Madagascar, Air Caraïbes, l’espagnole Volotea, la brésilienne Azul, la chinoise Loong Air… et surtout, bien alignés le long de la piste de 3,5 km, les onze A 380 de British Airways qui ont marqué le début de ce virage à 180 ° dans la liste des activités de l’aéroport.
Quarante-trois avions de passagers, cloués au sol depuis que le confinement a quasiment interrompu l’ensemble du trafic aérien. Malgré la reprise légère, la plupart d’entre eux resteront ici plusieurs mois. Une opportunité, les tarifs indiqués par l’aéroport sont de 3000 et 5000 euros par mois de parking. Et il reste de la place. Sur ces 25 hectares, 70 avions peuvent stationner.
Parking, une nouvelle activité
Cette diversification débute dès fin mars, période à laquelle les compagnies se sont toutes mises en recherche de solutions pour leur flotte. « On voyait que d’autres aéroports commençaient à se remplir. Du coup, on a relancé des compagnies qui nous avaient sollicités pour des renseignements. British Airways nous a retenus pour 11 A380 », retrace Didier Lefresne, au poste de directeur depuis quelques mois.
Didier Lefresne, directeur de l’aéroport de Châteauroux devant une partie des avions parqués ©Morgane Thimel
Airbus avait également négocié, avant l’épisode Covid, une augmentation des places réservées à leurs avions en attente de vente ou de livraison, passant de six à vingt-six. Treize sont occupés, les autres seront bientôt comblés. À ces 24 avions s’ajoutent ceux accueillis via deux entreprises de maintenance aéronautique, Dale Aviation et Vallair, toutes deux installées dans la zone d’activités attenante. Elles proposent à leurs clients, outre le parking, de l’entretien.
Hong-Kong Airlines, Garuda Indonesia, Air Caraïbes, Air Madagascar… les avions arrivent du monde entier. ©Morgane Thimel
Ouverture régulière des avions, mise en marche des moteurs, déplacement pour éviter l’affaissement des pneus… Face à ces impératifs, les services adjoints ont été un enjeu. Ces qualités ont retenu l’attention des compagnies, puis finalement des journalistes. La quasi-totalité des grands médias français ont relayé sur cet aéroport qui a su se renouveler et exploiter ces atouts, dont le premier de tous : beaucoup d’espace.
Arrivée de masques en provenance de Chine
Mais ce n’est pas la seule raison qui a attiré la plupart d’entre eux si loin de leurs rédactions parisiennes. En l’espace de quelques semaines, Châteauroux est devenu la plaque tournante de matériel médical, gants, blouses, charlottes, visières… multipliant son activité de fret par trois. 145 millions de masques ont transité entre les mains des agents.
« Comme il y avait un manque d’avion-cargo, les affréteurs se sont tournés vers des modèles passagers, les cartons posés à même les sièges. Pour un Boeing 777 [300 à 500 places, NDLR], il fallait environ six heures pour décharger, puis recharger en camion. Pendant plusieurs jours, à toute heure, le personnel était sur le pont pour répondre à la demande » Est-ce cette disponibilité qui a séduit les entreprises ou l’emplacement stratégique de l’aéroport – un isolement adapté au transport de matériel sensible, des axés facilités via l’autoroute ou la voie ferrée arrivant sur place – ou leur habitude du fret ? Toujours est-il que l’attrait pour leur site leur a permis de continuer à travailler durant toute la période et de se démarquer.
L’avenir consolidé via d’importants projets
Pour combien de temps ? Sur l’avenir, Didier Lefresne ne veut pas trop s’avancer, toujours prudent. « On navigue à vue. L’activité parking va se poursuivre encore plusieurs mois, variable en fonction de la reprise, notamment pour Airbus et British Airways. Quant à nos activités habituelles, on espère que les vols entrainements vont reprendre, ça sera nécessaire lorsque le trafic sera relancé car les pilotes doivent voler un certain nombre d’heures pendant une période donnée et là, avec le confinement, ils étaient tous bloqués. »
L’équipe continue de regarder côté fret. « En France, environ 80 à 90 % du transport de marchandises transitent par les aéroports parisiens. Il serait intéressant de pouvoir redistribuer les cartes. » L’expérience de ces dernières semaines s’avère être un défi réussi pour conserver les affréteurs déjà présents et une bonne publicité pour en convaincre d’autres de venir.
Chaque avion est régulièrement déplacé pour son entretien. ©Morgane Thimel
L’aéroport compte également sur la construction, en cours, d’un immense hangar, un projet dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le Conseil régional, propriétaire du site. Avec 8 540 m2 (plus grand qu’un stade de foot), trente-huit mètres de hauteur, il sera en capacité d’accueillir les plus gros porteurs du monde. L’immense projet nécessite le déplacement de la tour de contrôle ; une nouvelle, de 42 mètres, sera construite. L’ensemble devrait être livré courant 2021.
Un centre de formation d’apprentissage spécialisé dans ce domaine pourrait prochainement voir le jour, porté par l’UMM, l’union des métiers de la métallurgie, et le Medef, avec le soutien de la ville. Il aurait vocation à prendre place sur la zone aéroportuaire. Tous ces éléments font que, plus que jamais, le territoire mise sur cet équipement pour développer son activité industrielle et ce malgré la crise que rencontre d’ores et déjà le secteur.
Morgane Thimel