Le second tour désignera le futur maire d’Orléans qui devrait être Serge Grouard grand favori des pronostics pour nombre d’observateurs. Une question est déjà résolue : il y aura un ou des recours contre son élection. En cause : sa communication électorale et la distribution de masques chirurgicaux entre les deux tours avec des soupçons de financement illégal de campagne via des dons d’entreprises.
Serge Grouard en campagne contre les mégots (photo Facebook)
Plus que les plans d’urgence ou de mobilisation citoyenne proposés par les trois candidats en lice, la campagne du second tour des élections municipales à Orléans ne s’intéresse qu’aux 80 000 masques chirurgicaux que Serge Grouard a distribués début mai. Des articles parus dans La Tribune Hebdo et amplifiés ce mardi martin par une enquête de la cellule d’investigation de Radio France et France Bleu Orléans jettent quelque peu le trouble et le doute sur cette initiative à priori humanitaire mais que beaucoup qualifient d’électoraliste.
Pour rappel : la « chaine de solidarité » de Serge Grouard a réussi à réserver 100 000 masques chirurgicaux à la société Oblux, société présidée par Olivier Doligé, neveu d’Éric Doligé ancien président du conseil général du Loiret et ancien patron des Républicains dans le département. Cette grosse commande de 51 000 euros a été notamment portée par l’Association des Maires du Loiret présidée par Frédéric Cuillerier, par ailleurs maire de Saint Ay qui a, semble-t-il, pris seul cette décision.
Des entreprises anonymes !
Mais la commande de ces 100 000 masques (80 000 pour Serge Grouard, 20 000 pour l’association) était elle-même financée par un don de 41 500 euros émanant d’un pool de huit entreprises du Loiret, le solde de 9 500 euros étant apporté par l’association des maires. L’opacité de l’initiative tient à l’anonymat demandé par sept entreprises donatrices, une seule, Engie, ayant confirmé son don de 20 000 euros.
Serge Grouard. Photo JJT
La question que ne manquent pas de se poser des juristes et qui étaiera le ou les prochains recours en annulation de l’élection est simple : Serge Grouard pouvait-il accepter ces dons pour financer sa campagne ? Certains n’hésitent pas à parler de financement illégal de campagne même s’il reste à prouver que ces masques ont effectivement participé à la campagne de M. Grouard. Cependant les règles de financement des campagnes électorales sont claires et relèvent de l’article 26 de la loi du 15 septembre 2017 « pour la confiance dans la vie politique ». Elle énonce des dispositions claires : « les seules personnes morales admises à participer au financement de la campagne électorale d’un candidat sont les partis ou groupements politiques. Aucune contribution ne peut provenir d’autres personnes morales de droit privé (entreprise, association, etc.) ou de droit public (établissement public, collectivité territoriale, etc.). » Serge Grouard devra déposer ses comptes devant la Commission des Comptes de Campagne avant le 11 septembre. C’est elle ensuite qui jugera si l’achat de ces masques relève de la campagne municipale et si cette facture doit être intégrée aux comptes de M. Grouard avant d’en valider ou non la régularité ou l’illégalité. En mauvaise posture électorale avec 11 points de retard sur son ancien « ami de 20 ans » Olivier Carré, qui a laissé entendre qu’il ne siégerait pas s’il était battu par Serge Grouard, espère sans doute un troisième tour sur tapis vert.
Le silence d’Olivier Carré
Lui qui a été très prudent pour gérer la ville durant le confinement en ne confondant pas les casquettes de maire et de candidat justement pour éviter tout recours ultérieur gère ce dossier avec une prudence de sioux (même si l’on murmure qu’il aurait transmis des éléments à la cellule d’investigation de Radio France). Certains, y compris dans son équipe, le considère « un peu mou » et auraient souhaité plus de réactivité voire d’agressivité. Mais s’il était simplement rusé, tapis dans l’ombre, étoffant son dossier de recours en annulation pour l’après 28 juin, en attendant que l’adversaire affiche ostensiblement son imprudence. En ce sens Serge Grouard est un adversaire idéal qui sait se mettre en avant, qui adore mobiliser les réseaux sociaux avec une communication dynamique à l’image de sa récente « marche verte » qui a mobilisé son équipe sur les bords de Loire pour récolter 11 500 mégots.
Serge Grouard attire la lumière. Mais gare aux coups de soleil vengeurs !
Jean-Jacques Talpin