L’ensemble des organisations syndicales de santé, hormis la CFDT, ont appelé à une mobilisation sur tout le territoire français mardi 16 juin, pour dénoncer les politiques publiques de santé qui sévissent depuis des années. À Orléans, les personnels soignants du CHR ont essuyé le refus de leur directeur de les recevoir.
Mardi 16 juin 2020, la manifestation bat son plein à Orléans La Source. Le cortège, parti à 10h30 de la Place de l’Indien, se rend au CHR. Au plus fort de la mobilisation. ©Elodie Cerqueira
« Du fric, du fric, pour l’hôpital public ! », « Des euros pour nos héros ! », « Des moyens pour nos médecins ! », « Du fric pour l’hôpital, pas pour le capital ! » Les messages scandés par les manifestants le mardi 16 juin à Orléans sont sans équivoques. Les personnels soignants n’ont que faire des médailles, ils réclament des moyens. L’appel à la mobilisation nationale des unions syndicales de santé aura-t-elle enfin l’écho espéré depuis des années de dénonciation d’un système de santé à l’agonie ? A Orléans, à en constater le comportement du directeur de l’hôpital, Olivier Boyer, l’écho s’est perdu dans les tours bétonnées du quartier de la Source.
Les manifestants se sont rassemblés comme prévu à 10 h 30 place de l’Indien à Orléans la Source. Plusieurs centaines au départ, ils étaient près d’un millier à se diriger vers l’hôpital, avenue du président John-Kennedy. Avec calme et détermination, infirmiers, médecins, kinés, assistants de vie, pompiers… et quelques « balconiers* » se sont ainsi rendus jusqu’au parvis du CHR d’Orléans.
A 12 h 13, la CGT Santé du département du Loiret a demandé une minute de silence en l’honneur des personnes décédées de la Covid-19. Puis musiques, danses, chants ont repris sur le parvis, avant que Grégory Quinet, syndicat Sud-Santé, ne prenne le micro et n’invite les manifestants à le suivre afin de rencontrer le directeur Olivier Boyer. C’est ainsi une soixantaine de personnes qui ont repris une courte marche pour se rendre dans les bureaux de la direction martelant : « Olivier Boyer, Olivier, Boyer ! On vient te chercher chez toi ! Chez nous ! On est chez nous ! »
Les soignants investissent le bâtiment de la direction et souhaite qu’Olivier Boyer, directeur de l’hôpital, les reçoive. ©Elodie Cerqueira
Arrivés dans les couloirs de la direction, les soignants s’installent, debout ou au sol dans le calme, attendant d’être reçus. A 12 h 40, une représentante syndicat Sud-Santé, appelle Olivier Boyer sur son portable et sollicite sa présence pour une entrevue avec les manifestants. Il répond être en ville et promet d’arriver « tout de suite, en attendant vous voyez avec Madame Étronnier [directrice des ressources humaines, NDLR] ».
Les soignants se sont rendus dans les couloirs de la direction après leur marche afin de rencontrer le directeur, Olivier Boyer, qui ne les reçoit pas. ©Elodie Cerqueira
En attendant le retour de l’enfant prodigue, Geneviève Étronnier accepte d’établir un premier dialogue. Alors qu’elle demande quelles sont leurs revendications, Delphine, Solidaires Loiret, s’indigne : « Je suis étonnée que vous ne connaissiez toujours pas les revendications des soignants qui sont les mêmes depuis des mois et des années ! On sait tous ce que les soignants veulent ! Ils étaient les premiers face à la crise du Covid. On passe notre temps à nous mentir. » Elle demande, au nom de l’ensemble du personnel soignant, du matériel et une augmentation de salaire, « un hôpital public comme il l’était il y a des années. On veut la considération des Ehpad, de tous les métiers (…) On veut voir les chefs ! »
À 13 h 30, un cri dans la foule : « Monsieur le directeur général arrive ! Monsieur Boyer est sur la route, il arrive ! » Les applaudissements auraient pu faire penser à une première victoire. Mais les soignants vont attendre plusieurs heures leur Arlésienne. Si les allers et venues de la DRH dans les couloirs pouvaient laisser penser à une action en faveur du dialogue social, il n’en est rien.
Elle signale que le directeur n’accepte de recevoir qu’une délégation. « Nous voulons qu’il vienne ici, les agents lui parleront ici, il n’y a pas de délégation. On l’attend à la DRH », insiste fermement la représentante Sud-Santé qui estime que la quarantaine de manifestants encore présents vaut bien une délégation. Après deux heures d’attente et alors qu’Olivier Boyer ne répond plus aux appels, une soignante contacte, en désespoir de cause, La République de Centre et France 3, espérant faire pression sur la direction.
Pour passer le temps, les soignantes improvisent une Macarena dans les couloirs de la direction. ©Elodie Cerqueira
Enfin à 15 heures, Caroline Moalic, directrice des soins, accepte de recevoir, dans son bureau et pendant près d’une heure, la délégation de l’Ehpad du Bois–Fleuri de Saran. Ils abordent, dans le plus grand calme, les problèmes d’encadrement, de matériel, de planning, avérés et signalés depuis plusieurs semaines. Notamment la nouvelle pénurie de gants qu’elle confirme. Les agents ont dû les remplacer par des sacs poubelles pour la toilette des résidents ou des sacs de congélation pour effectuer les prises de sang. La directrice, à l’écoute, promet d’agir à nouveau auprès de la direction de la maison de retraite saranaise.
Pendant ce temps dans le couloir, les derniers manifestants attendent. Encore. La plupart n’ont pas déjeuné, sont fatigués, mais cela n’entame pas leur détermination. « Je suis sûre qu’il est dans le coin, il est planqué ! » grogne une soignante en parlant du directeur et exaspérée par la situation.
Alors que le mouvement s’est peu à peu délité au cours de l’après-midi, à 17 heures, la vingtaine d’agents quitte les bureaux de la direction à la suite du refus ferme d’Olivier Boyer de les recevoir. Ils sont plusieurs à dénoncer l’absence systématique de leur directeur lors des mouvements sociaux et dénoncent son manque de courage. En dernier recours, un rapport sera transmis au ministère de la Santé pour signaler le mutisme de Monsieur Boyer.
Elodie Cerqueira
*en référence aux personnes qui, depuis leur balcon, applaudissaient à 20 heures, chaque soir durant le confinement, en hommage au personnel soignant.