Quel Berry pour demain ? Patrimoine, atouts, perspectives est l’ouvrage, disponible depuis mars 2020, qui recense les voix plurielles issues de l’important colloque qui s’est tenu en janvier 2019 à Châteauroux en présence de nombreux-ses spécialistes de disciplines très diverses. La publication des actes de ce colloque nous en apprend beaucoup sur les richesses de ce territoire.
Colloque “Quel Berry pour demain ? janvier 2019 © SD
Bien sûr, poser la question du devenir du Berry c’est d’emblée admettre que celui-ci est incertain. Un sentiment renforcé par une identité floue et mal définie. Ne serait-ce que parce que cette province n’a plus d’existence administrative légale depuis 1790, au lendemain de sa séparation en deux départements : l’Indre et le Cher. Une décision des Révolutionnaires de 1789. Et pourtant cette appellation de Berry a traversé les siècles et nous est familière. Le tourisme en fait même son miel avec la création en 1995 de destination Berry sous la houlette de la Région Centre-Val-de-Loire, suivie en 2010 de la marque territoriale Berry Province.
Le tourisme, l’atout majeur du Berry
Une marque qui permet aux deux comités départementaux du tourisme des deux départements de travailler main dans la main, « les différents supports touristiques mélangeant allègrement Cher et Indre », pointe Yolande Riou, Docteure en Sociologie de l’Université d’Orléans qui ajoute que c’est aussi un outil précieux pour les Berrichons eux-mêmes : « Les campagnes [de promotion touristique, NDLR] cherchent à valoriser le territoire, non seulement aux yeux de potentiels touristes, mais également aux yeux de ses habitants, considérés comme les premiers ambassadeurs du Berry. » Depuis 2015, la marque communique autour de “Ma campagne a du style“. Un slogan malin qui entend faire de la ruralité de ce territoire un atout et non une faiblesse.
La Creuse, près du lac d’Eguzon, plus grand plan d’eau de notre région © SD
Des richesses cachées que le touriste pressé risque évidemment de manquer. Car comme l’explique cet habitant du Cher concernant les paysages : « On ne les découvre pas immédiatement comme un bord de mer par exemple. Mais il y a des choses très belles qu’on peut découvrir des fonds de vallées berrichonnes, avec le brouillard qui monte sur les bœufs, les vaches blanches à l’automne, ça vaut le Mont Saint-Michel quand on sait le voir. »
Notons aussi que le Berry est aussi utilisé par les médias locaux : les journaux L’Echo du Berry, Le Berry Républicain, la radio France Bleu Berry et la Berrichonne TV.
Deux départements qui se “tirent la bourre”
Une coopération qui n’est pas naturelle pour autant car comme le note un acteur local « ni le Cher, ni l’Indre ne voit d’intérêt à s’associer à l’autre. Parce qu’il ont bien connaissance des faiblesses de l’un et de l’autre ». Un géographe de l’Indre va même plus loin estimant que « le Cher a sans doute à la fois un sentiment de supériorité et une attitude dans l’action qui l’amène à penser que lui peut se tirer d’affaire tout seul et qu’il n’a pas besoin de s’encombrer du Bas-Berry et de Châteauroux ». Mais il y a aussi des faiblesses communes au deux départements au sein même de la Région Centre-Val de Loire puisque cette frange Sud est exclue de l’axe ligérien, affaiblie par une population vieillissante mais aussi privée de villes dynamiques à l’instar d’Orléans et Tours.
Des atouts pour aujourd’hui et demain
Mais le Berry a aussi de belles cartes à jouer et a montré ces dernières années qu’il savait se renouveler et s’adapter. C’est le cas notamment dans le secteur de la Défense, avec lequel les liens sont anciens et très forts, ce qui lui a permis de faire face aux difficultés liées à la restructuration des armées et de l’industrie de défense. Notamment dans le Cher avec deux groupes de niveau mondial implantés , MBDA et Nexter. Dans l’Indre, la présence de La Défense est moins importante mais il y a tout de même le groupe Marck, spécialisé dans la conception d’uniformes de cérémonie ou d’intervention. Une entreprise qui a d’ailleurs produit des masques pendant la crise du coronavirus.
Cette province est aussi loin d’être dépeuplée. Ainsi, Pierre Allorant, professeur d’Histoire du droit et des institutions à l’Université d’Orléans, estime que le Berry a « l’opportunité de former le 3e pôle de la région avec plus d’un demi-million d’habitants, moins peuplé que le Loiret et l’Indre-et-Loire, mais un peu plus que l’aire urbaine de chacune des deux métropoles et davantage que l’Eure-et-Loir et le Loir-et-Cher ».
Gil Averous, maire de Châteauroux réélu le 15 mars 2020 © DR
En tout cas, le maire de Châteauroux, Gil Averous (réélu au premier tour le 15 mars dernier avec plus de 70% des voix) n’a de cesse de chanter les louanges de sa province, en affirmant que « la diversité de ses paysages, la qualité de ses habitants, l’attractivité des entreprises qui y sont installées, la richesse de son patrimoine et son importance historique au cœur de la France, sont autant d’atouts qu’il convient de mettre en avant face à tous nos interlocuteurs, qu’ils soient régionaux, nationaux ou internationaux ». Il explique ensuite que l’identité berrichonne « repose sur un système de valeurs tournant autour de la ruralité et la qualité des relations humaines ».
Enfin Eric Chevée, président du CESER Centre Val-de-Loire (Conseil Economique, Social, et Environnemental) se demande tout simplement « si le Berry n’est pas l’avenir commun du Cher et de l’Indre ».
Sophie Deschamps
Quel Berry pour demain ? Patrimoine, atouts, perspectives, sous la direction de Pierre Allorant, Pascal Bartout et Armelle Treppoz Bruant – 237 pages – Centre de réflexions, d’études et de documentation de l’Indre C.R.E.D.I Editions – 90, avenue François Mitterrand – 36000 Châteauroux, 20 euros.