Emmanuel Kasarhérou, ancien directeur du centre culturel de Tjibaou de Nouméa est nommé, en conseil des ministres le 27 mai 2020 à la présidence du musée parisien et succède ainsi à Stéphane Martin. MagCentre l’avait reçu le 25 octobre 2018 à Orléans avec Jean-François Merle et Jean-Pierre Sueur pour une conférence sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie à la veille d’un référendum qui devait décider de l’indépendance de ce territoire français d’outremer, l’occasion de faire le point de son évolution depuis les accords de Matignon de 1988, voulus par le premier ministre d’alors, Michel Rocard.
Jean Pierre Sueur / Emmanuel Kasarherou / Jean François Merle Photo PV
Un événement considérable
Et c’est un événement considérable qui vient de se produire dans le monde de la conservation du patrimoine. Le musée emblématique de la culture extra-européenne sera dirigé par un extra-européen. Emmanuel Kasarhérou a été nommé en conseil des ministres le 27 mai 2020, à la présidence du musée des Arts Premiers voulu par Jacques Chirac. Cette décision annonce une transformation radicale de la vision coloniale des cultures du monde.
Il succède à Stéphane Martin qui dirigeait l’établissement depuis sa création : « Je souhaite que le musée se colorise, nous sommes trop blancs. » avait-il déclaré comme une formule testamentaire. En effet, « les conservateurs issus de la diversité se comptent sur les doigts d’une main », comme le souligne « Outremer360 », un pure player d’informations ultramarines.
Les réactions sont nombreuses dans la zone Pacifique. Edouard Fritch, le président de la Polynésie Française qui soutenait sa candidature, se réjouit de la nomination d’un « cousin calédonien ». « C’est un geste fort à l’égard de nos civilisations », ajoute-t-il.
Pour la première fois, un kanak prend la tête d’un grand musée national
Né en 1960, Emmanuel Kazarherou a débuté sa carrière en Nouvelle-Calédonie où, à partir des années 80, la culture kanak était devenue un objet de fierté et de reconnaissance. Il a 25 ans lorsqu’il est nommé directeur de l’Agence pour le Développement de la Culture Kanak (ADCK). Il prend ensuite la direction du Centre Culturel Jean Marie Tjibaou nouvellement créé à Nouméa par les accords de 1988.
Puis, il rejoint le Musée du Quai Branly en 2011. Conservateur en chef, il occupe depuis 2014 les fonctions d’adjoint au directeur du patrimoine et de responsable de la coordination scientifique des collections. Commissaire de l’exposition « Kanak, l’art est une parole » en 2013 avec l’ethnologue Roger Boulay, Emmanuel Kasarherou a rassemblé pour la première fois des œuvres anciennes jusqu’alors éparpillées. Son catalogue fait l’objet d’une publication de référence (éditée chez Acte Sud).
C’est donc un grand spécialiste de la culture océanienne qui a été choisi. C’est une personnalité engagée mais consensuelle. Il est connu et apprécié dans les pays anglophones du Pacifique Sud qu’il fréquente régulièrement.
Le premier dossier du nouveau président sera d’organiser le déconfinement du musée, fermé en raison de l’épidémie de la COVID-19. Mais son grand chantier, c’est de préparer la restitution des œuvres volées par la colonisation notamment en Afrique et actuellement conservées sur les rayonnages de l’établissement parisien.
Philippe Voisin