La course aux vaccins contre le Sars-CoV-2

La soixante-treizième assemblée de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’est tenue en ligne les 18 et 19 mai derniers. Dans une tribune du journal Le Monde du 14 mai 2020, un collectif de plus 130 personnalités internationales avait demandé aux ministres de la santé, participant à cette réunion, de garantir un accès universel et gratuit au vaccin contre la Covid-19.

Le recherche de vaccin pour lutter contre la pandémie de coronavirus revêt des enjeux sanitaires, économiques et politiques. Photo : Pixabay

La course au vaccin est engagée. Plus de cent groupes scientifiques se sont lancés pour trouver un vaccin contre l’infection à Sars-CoV-2. Le 20 avril dernier, l’OMS signalait déjà plus de 70 vaccins en cours d’évaluation préclinique. Peu de ces aspirants vaccins finiront la compétition. Le délai de conception est de un à deux ans minimum et n’est quasiment pas compressible. La mise au point d’une vaccination exige des équipes de chercheurs importantes et des délais considérables pour isoler, cultiver et modifier des particules virales immunisantes. Un vaccin contre la Covid-19 ne sera donc pas disponible avant l’été 2021. Dans un an, sera-t-il encore nécessaire ? Oui, évidemment, si le Sars-CoV-2 est toujours en circulation sur la planète.

Une dérive de nature économique

En réalité cette question n’a aucune importance. Si un ou plusieurs vaccins sont disponibles, dans un an ou plus, ils seront forcément mis en œuvre. La recherche et le développement des vaccins coûtent chers et la puissance des firmes pharmaceutiques est telle que la logique de santé publique est souvent inversée. Ce n’est plus l’importance et la gravité d’une maladie qui déterminent l’introduction d’un vaccin. C’est la commercialisation d’un vaccin qui génère une priorité de santé publique, concernant une maladie. Cette dérive, de nature économique, n’enlève rien à l’intérêt de la plupart des vaccins dans la prévention de nombreuses maladies infectieuses.

Des arguments aux contempteurs de la vaccination

Les études sur un candidat vaccin anti Covid-19 doivent valider son innocuité et son efficacité. C’est-à-dire sa capacité à déclencher une réponse adaptée, durable et sans danger, du système immunitaire. L’un des patrons du département de virologie de l’Institut Pasteur, Frederic Tanguy, a prévenu : « Il existe un risque d’immuno-pathogenèse (…) et de faciliter linfection au lieu de la prévenir. » Tout vaccin, qui fait l’objet d’un développement, doit répondre à trois critères de base pour l’obtention d’une autorisation de commercialisation : sécurité, efficacité, qualité. De nombreuses études sur la tolérance locale et générale, sur la réponse immunitaire sont incontournables. La toxicité liée à l’adjuvant, celle possible pour des doses multiples, sur la grossesse doivent être évaluées. La protection contre l’infection visée, les interactions médicamenteuses et la sensibilité de populations particulières (nourrissons, ethnies, personnes âgées) nécessitent aussi d’être testées. Compte tenu des pressions politiques et des considérables enjeux économiques, il est fort probable que des procédures accélérées de mise sur le marché soient accordées aux laboratoires voulant commercialiser les vaccins anti Covid-19. Ces procédures raccourcissent le temps d’observation des patients vaccinés et limitent la possibilité d’observer des effets indésirables pendant les essais cliniques. Ces dérogations imprudentes vont donner des arguments supplémentaires aux contempteurs de la vaccination.

Une reconnaissance mercantile

Pour la gratuité, ne rêvons pas. Le vaccin ne sera pas gratuit. On peut juste espérer que la vaccination, pour certaines populations, sera prise en charge par les différents systèmes de santé étatiques, les organisations humanitaires internationales et les assurances maladie collectives ou individuelles. En France, comme dans une grande partie de l’Europe, la quasi totalité des vaccins, habituellement utilisés chez l’enfant et l’adolescent, sont fabriqués par quatre laboratoires d’envergure internationales : Sanofi Pasteur, GSK, Pfizer et MSD (ou Merck Etats-Unis). Le Président Macron a déclaré d’une façon, au choix, naïve, hypocrite ou démagogique, que tout vaccin anti-Covid-19 devait être « un bien commun mondial, extrait des lois du marché ». Les patrons des grands groupes pharmaceutiques ne sont pas des philanthropes désintéressés. Ils appliquent la logique financière du marché à la recherche de profits. Ils témoignent sans complexe de la gratitude pour ceux qui injectent des milliards de dollars dans leurs laboratoires.

Paul Hudson, le directeur général de Sanofi, a ainsi déclaré que les autorités américaines, ayant investi massivement dans leurs entreprises, seraient les premières servies en cas de découverte d’un vaccin contre la Covid-19. L’Europe doit ainsi comprendre qu’il faut qu’elle soit tout aussi généreuse si elle veut profiter de la reconnaissance mercantile de l’industrie pharmaceutique…

Edward Jenner a osé inoculer, le 14 mai 1796, le pus d’une pustule d’une femme atteinte de cow-poxen, au jeune James Philips afin de l’immuniser contre le virus de la variole, suspecté d’origine chinoise. Pouvait-il imaginer que deux cents ans plus tard une compétition internationale, effrénée mais lucrative, allait se déclencher pour créer un vaccin contre un nouveau virus chinois ?

Jean-Paul Briand

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