Elu depuis 1989, le maire DVG d’Amboise, Christian Guyon pensait après trois mandats raccrocher son écharpe de premier magistrat de sa commune à la suite des élections municipales de mars 2020. Le Covid 19 en a décidé autrement : cet ancien professeur est obligé de jouer les prolongations à la mairie, accompagné d’une partie de son équipe qui, menée par son adjoint aux Sports et à la santé, Brice Ravier est arrivé en tête avec 36,67% lors du premier tour. Des prolongations compliquées par la pandémie dont les effets collatéraux se sont répercutés sur le pôle industriel d’Amboise, le deuxième du département après celui de Tours. Aussi, le maire, qui est également conseiller communautaire à Val d’Amboise, appelle plus que jamais en ces premières heures de déconfinement à respecter les gestes barrières pour éviter l’émergence de nouveaux foyers.
Christian Guyon Maire d’Amboise
Interview
Mag’Centre : En ce premier jour de déconfinement, comment allez-vous ?
Christian Guyon : Ici tout va bien pour l’instant. Comme beaucoup, nous avons dû faire face à quelques moments difficiles mais rien de dramatique. Ce ne sont que des mauvais souvenirs.
Mag’Centre: Que voulez-vous dire ?
Christian Guyon :La réalité du Covid-19 s’est vite invitée dans notre quotidien avec la contamination de deux de mes adjoints, sûrement le soir de l’élection du 1er tour des municipales et le signalement de deux cas avérés dans un des Ehpad de la ville. D’un commun accord avec la direction de l’établissement concerné, nous avons laissé l’Agence régionale de santé (ARS) communiquer sur ces dossiers ainsi que sur les quelques cas recensés depuis dans les maisons de retraite amboisiennes. Mais aujourd’hui, on peut dire que les indicateur sont au vert.
Mag’Centre: Donc pas d’inquiétude en ces premières heures de déconfinement?
Christian Guyon : Même si je suis d’un naturel optimiste, je pense qu’il faut rester très prudent. C’est pour cela qu’à la mairie, nous avons opté pour une reprise graduelle des 220 personnes qui y travaillent . On maintient donc le télétravail pour nombre d’administratifs même si un accueil est assuré. Et pour éviter qu’il y ait une trop grande influence à l’intérieur comme à l’extérieur de la mairie, nous avons décidé de modifier nos horaires d’ouvertures au public mais aussi certains usages. Il faut dorénavant prendre rendez-vous avant de venir chercher un passeport ou faire une inscription. Dans les services techniques, la reprise sera aussi progressive, avec des équipes réduites sur le terrain.
Mag’Centre : Doit-on comprendre que la réouverture des écoles a été délicate ?
Christian Guyon: On a été un peu pris de court par la décision politique du gouvernement. On a eu peu de temps pour se retourner, assimiler les soixante pages du nouveau protocole sanitaire afin d’offrir un accueil sécurisé dans les cinq établissements de la ville même si le choix du gouvernement a été de limiter le retour en classe aux élèves de grandes sections de maternelle, de CP et de CM2. Je sais qu’il y a un peu de tension ici et là. D’enseignants mais aussi de parents, insatisfaits de l’offre scolaire. Je la comprends d’autant mieux que je suis un ancien professeur. Cela dit, je rappelle qu’à Amboise, nous essayons de répondre au mieux aux attentes, et ce malgré des directives parfois cocasses et l’absence de toute visibilité. A la veille de la rentrée scolaire, nous ne pouvions encore dire combien d’enfants nous accueilleront, tant l’indécision est de mise chez des parents inquiets.
Et pourtant, dans les premiers jours, nous maintiendrons la cantine avec des repas froids, livrés par notre prestataire. Je pense d’ailleurs qu’il aurait été préférable d’opter pour un déconfinement plus équilibré, en s’appuyant sur les adolescents, plus aptes à comprendre et respecter les gestes barrières que les petits. Et si je sais bien qu’il faut relancer la machine économique, libérer les parents, je ne suis pas sûr que les enseignants, appelés à faire la police, pourront remplir leur mission educative correctement. Et n’en déplaise au ministre de l’Education, l’École risque bien de se transformer en grande garderie.
Mag’Centre : Avec l’apparition de nouveaux foyers Covid-19 ces dernières heures, redoutez-vous une deuxième vague ?
Christian Guyon : Je ne crois pas en cette idée de rebond, de deuxième vague, si on respecte les consignes sanitaires. Il faut rester vigilent, et ne pas déconfiner trop rapidement. Le déconfinement ne veut pas dire, comme j’ai pu l’entendre ici et là après le retour du département en zone verte, au coup de sifflet final, on fait tous la fête. Non, on doit continuer à respecter les distanciations sociales, et autres gestes barrières. Et ne pas cesser de le dire car contrairement au gouvernement avec ce que j’ai pu voir ces derniers jours, je n’attribuerai pas un satisfecit à tout le monde. Beaucoup n’ont pas été raisonnables. D’où ma décision d’opter pour un déconfinement progressif.
Mag’Centre : Pour faire face au Covid-19, beaucoup d’élus disent avoir joué la carte de la débrouille. Les maires ont-ils eu les moyens nécessaires pour lutter contre le virus ?
Christian Guyon : On a une préfète et un sous-préfet très sympas mais cela ne suffit pas pour masquer les difficultés du ministère de l’Intérieur face au virus. Il suffit de regarder la gestion des masques. Sans le volontarisme de la Ville, du Département et de la Communauté de communes, on n’en n’aurait pas. On a pu en effet débloquer un budget, et lancer la fabrication des protections avec l’aide de couturières installées à la Rochecorbon et Amboise et celle de la société Lestra sport, à Nazelles-Negron, qui a pu adapter une partie de sa ligne de production.
Mag’Centre : Sur un plan juridique, pensez vous que le prolongement de l’état d’urgence sanitaire permet de clarifier la responsabilité pénale des maires, et donc de les protéger ?
Christian Guyon : Je ne suis pas inquiet plus que cela. Même si dans l’esprit des gens, le maire est responsable de tout. Nous sommes assez bien protégés avec notamment la loi de juillet 2000 dite loi Fauchon. Il est rare en effet que la responsabilité pénale des élus soit retenue pour des infractions involontaires. Non je suis plus préoccupé par la situation des commerçants du centre ville, fragilisés par le confinement. On envisage d’ailleurs des mesures pour les épauler. Un peu comme le fonds de solidarité de la région.
Mag’Centre : Avec la crise sanitaire, et l’impossibilité d’organiser un second tour, vous avez dû prolonger votre mandat de maire. Comment le vivez-vous?
Christian Guyon : Il est vrai que j’avais annoncé mon retrait à la fin de ce troisième mandat. On devait même partir quelques jours en Espagne. Mais le Covid-19 en a décidé autrement. Cela dit après plus de 21 ans à la mairie, on est plus à trois semaines près. Aussi, je fais toujours le job avec le même plaisir. D’autant que j’ai conscience de la chance d’avoir une équipe de grands professionnels, dont une partie devrait être reconduite par les électeurs au regard du résultat obtenu par mon adjoint Brice Ravier au soir du premier tour, pour traverser cet épisode exceptionnel. Et même si je pense qu’il devrait me succéder, je ne prends aucune décision qui pourrait gêner les projets du prochain maire. Et j’espère qu’on connaîtra son nom rapidement. A moins que le gouvernement décide de retarder à nouveau les élections.
Mag’Centre : Que voulez-vous dire ?
Christian Guyon : On sait tous qu’une décision est attendue pour le 21 mai, et qu’elle sera prise au regard de la situation sanitaire. On n’est donc pas à l’abri d’un nouveau report. Certains pensent même que les municipales pourraient être programmées non cet automne mais l’an prochain, en même temps que les élections régionales et départementales. Surtout que modifier le calendrier électoral n’est pas une première, On l’a déjà vu par le passé.
Propos recueilli par Z.C.