[Billet]
Les Orléanais vont voir ce qu’ils vont voir ! Face à ce qu’il nomme (à juste titre) « l’invraisemblable pénurie » de masques et « la carence invraisemblable de l’Etat », Serge Grouard, conseiller municipal en campagne, a la solution ! Il en a fait part en vidéo via sa « chaîne de solidarité », diffusée sur Twitter le 23 avril 2020 : « Notre chaîne de solidarité, elle, depuis plusieurs jours, s’emploie à fabriquer des masques homologués grand public. Alors pour cela on a acheté du tissu, on a acheté de l’élastique. Imaginez : 1,6 km d’élastique ! Et puis on a sollicité des couturières, près d’une trentaine de couturières qui se sont portées volontaires ! »
Magnéto Serge !
De quoi impressionner le chaland, tel un camelot sur un champ de foire. De quoi se rappeler au bon souvenir des électeurs en attendant le second tour des municipales. Mais pas forcément de quoi sauver grand monde de la pandémie. Car si la communication est bien ficelée, elle tire un peu trop fort sur l’élastique. En effet, d’autres initiatives privées ou publiques, partout, se sont lancées bien avant, avec un esprit peut-être un brin plus solidaire… et avec une toute autre ampleur.
Prenons les Couturières Solidaires du Loiret. Depuis la création de leur page Facebook, le 19 mars, elles cousent d’arrache-pied chaque jour pour fournir gracieusement des masques aux personnes qui en font la demande. Le réseau compte déjà plus de 200 couturières, professionnelles ou non.
De son côté, Marc Gaudet, président du Conseil départemental du Loiret, annonce pour mai « une commande exceptionnelle de 680 000 masques, soit un masque pour chaque Loirétain. (…) En tissu lavable en machine à 60° et réutilisables ». Et le 10 avril, déjà, l’élu se félicitait qu’une centaine d’agents se soit portée volontaire pour coudre 3000 masques destinés aux 2300 agents du Conseil départemental. Pour cela, le département du Loiret a acheté 100 mètres de tissu et 2,3 km d’élastique.
Enfin (pour ne citer qu’une dernière initiative, au hasard), Olivier Carré, maire d’Orléans et président d’Orléans Métropole, a lancé une plateforme collaborative au nom de ces deux collectivités pour inviter ceux et celles qui le souhaitent à la confection de masques : déjà « 400 bénévoles se sont inscrits » (point de situation du 24 avril). L’élu, cette fois, ambitionne une première vague de fabrication de 150000 masques. Pour cela la ville d’Orléans a acheté 9000 mètres de tissus et… 40 km d’élastique !
Du coup, on n’imagine pas bien ce que le kilomètre et demi d’élastique prévu par Serge Grouard apportera de plus aux initiatives des collectivités avec lesquelles il aurait peut-être mieux fait de construire une vraie « chaîne de solidarité ».
Élodie Cerqueira