Curieuse décision de la cour d’appel de Versailles appelée à statuer sur le premier jugement du Tribunal de Nanterre rendu le 14 avril, qui avait astreint Amazon à ne livrer que les “produits essentiels” (alimentaires, d’hygiène ou médicaux), qui représentent moins de 10% des produits habituellement vendus par le e-commerçant, sous peine d’amende de 1 million d’euros par jour et par infraction constatée. Et ce, tant que les risques sanitaires de l’activité dans les entrepôts n’avaient pas été précisément évalués.
La cour d’appel de Versailles maintient l’obligation de ne livrer que les produits “essentiels” tout en en élargissant considérablement la liste en incluant les produits “high-tech, d’informatique et de bureau”, les produits “pour les animaux”, les produits “santé et soins du corps”, “nutrition” et de “parapharmacie”, ainsi que “les produits d’épicerie, boissons et entretien”. Autrement dit une liste élargie où l’on peut mettre beaucoup de choses avec un peu de mauvaise foi. Reste néanmoins interdit les livres qui, si cela peut faire plaisir aux libraires à nouveau autoriser à vendre sur le pas de la porte, ne sont donc pas des produits jugés de première nécessité par le tribunal… L’amende par infraction constatée est elle aussi révisée à la baisse à hauteur de 100.000 € autrement dit peu de chose au regard du chiffre d’affaire du e-commerçant depuis le début du confinement.
La Cour d’Appel est en revanche plus sévère quant à la question de la protection des salariés d’Amazon en motivant son jugement : “La société Amazon n’a pas pris des mesures suffisantes pour préserver la santé des salariés à l’entrée des sites (portique tournant), dans les vestiaires, lors des interventions d’entreprises extérieures, lors de la manipulation des colis et au regard de la nécessaire distanciation sociale. Bien qu’alertée par les syndicats représentatifs et les inspecteurs du travail, la direction de l’entreprise a pris des mesures au jour le jour, sans plan d’ensemble maîtrisé comme l’exigeaient le volume très important des effectifs présents sur chaque site, les mouvements de masse à l’occasion des rotations de personnel à la prise de chaque service (…) et l’intervention d’entreprises extérieures, notamment les transporteurs routiers.”
Amazon devra donc se conformer aux injonctions sanitaires d’évaluation des risques en y associant les CSE (Comités Sociaux et Economiques) des 6 entrepôts et le CSE central de l’entreprise, un dialogue social qui risque d’être difficile en la circonstance, quand bien même l’entreprise cherche à redorer son image en offrant quelques milliers de masques à la ville d’Orléans.
Amazon France a 48 heures pour se conformer à ce jugement à deux volets, les entrepôts de la firme restant dans tous les cas fermés jusqu’au dimanche 26 avril au matin, un délai qui pourrait être prolongé.
GP
PS Contacté par le Rédaction, le délégué CGT de l’entrepôt de Saran ne nous a pas répondu…