Comme partout en France, la population loirétaine s’est mobilisée pour accélérer la production de masques en tissus pour fournir la population lors du déconfinement du 11 mai prochain. Des petites mains proposent leur service bénévolement et la Métropole offre le matériel de confection. Les ingrédients étaient réunis mais la pâte n’a pas levé.
Photo Les Couturières Solidaires du Loiret
L’histoire était cousue de fil blanc. D’un côté, un réseau de couturières professionnelles bénévoles et engagées qui fabriquent des masques, conforme à la norme AFNOR, depuis plus d’un mois avec une première production de plus de 1500 pièces. Elles sont prêtes à développer le projet à grande échelle, sous réserve que les services publics fournissent le matériel et l’aide nécessaires. De l’autre côté, un maire et président de métropole, désireux de fournir gratuitement à chacun de ses administrés un masque alternatif pour la sortie du confinement.
Il investit près de 20 000 euros dans l’achat de fournitures (tissu, élastique, fil) pour une production de 150 000 masques. Tous se rencontrent sur le terrain de la solidarité pour mettre en place un projet commun qui permettrait de mettre à la disposition de la population cette denrée rare dans les meilleurs délais. Hélas, à l’heure de la négociation, l’incompréhension s’installe. Les uns et les autres ne tombent pas d’accord et chacun tente, de son côté, de mener à bien son entreprise.
Des couturières engagées
Dès le début du mois de mars 2020, alors que le confinement n’est pas encore annoncé mais que la pénurie de masques commence à inquiéter les Français, Corinne Paumier, couturière professionnelle « zéro déchets » à Orléans, a été sollicitée par sa clientèle pour la confection et la vente de masques en tissu. « Mon point d’honneur était de dire qu’il ne fallait pas vendre ces masques », défend-elle. Elle créée donc la page Facebook, le 19 mars, Les Couturières Solidaires du Loiret, branche départementale du réseau national éponyme. Le but ? « Faire appel à la population qui savait coudre. J’ai longuement réfléchi à la confection, le choix du tissu, pour faire des masques de qualité (…) Pour la matière, j’ai choisi le polycoton car c’est la matière utilisée dans le secteur médical pour les blouses, les pantalons, les draps…pour le modèle, il est conforme à la norme Afnor », précise la couturière qui n’a rien laissé au hasard.
Corinne Charles livre les blouses et les calots réalisés par les Couturières Solidaires du Loiret. Photo : Atelier ma pause couture
Le réseau solidaire et bénévole se met en place : cagnotte collaborative, achat de tissu auprès des enseignes Caréfil et Tissus Jaurès (qui vendent à prix coûtant), main d’œuvre massive (près de 200 personnes). Corinne Paumier est rejointe par Corinne Charles, couturière professionnelle elle aussi, qui participe activement à la logistique de confection et de distribution des masques.
Cette dernière est très vite sollicitée par le CHRO pour la confection de blouses et de calots. La tâche est rude et le travail intense. Les quantités sont colossales pour une démarche bénévoles (850 mètres de tissus, 157 mètres d’élastiques, 1300 mètres de biais, le tout fourni par l’hôpital). Mais Corinne Charles accepte le défi et contacte plusieurs entreprises de la Métropole orléanaise pour la numérisation des patrons, la réalisation de kits…L’affaire tourne.
En l’espace de deux semaines, le collectif est victime de son succès : « Aujourd’hui, nous sommes sur-sollicitées. Nous ne pouvons pas répondre à la demande. Les municipalités doivent prendre la relève », explique Corinne Paumier. « Les Corinne » furent entendues puisqu’Olivier Carré, maire d’Orléans et président de la Métropole répond à l’appel et les contacte « pour faire la même chose sur Orléans », s’enthousiasme Corinne Charles.
Un (dés)accord ?
Un accord tacite se met en place et la ville d’Orléans passe une commande d’envergure auprès du magasin d’Olivet, Caréfil de 9000 mètres de tissus, 40 km d’élastiques et du fil ! De quoi confectionner plus de 150 000 masques soit 6000 kits à répartir sur l’ensemble des confectionneurs bénévoles sur un mois. Corinne Charles ne cache pas son excitation face au défi qui s’annonce et se réjouit de pouvoir prêter main-forte dans cette période de crise sanitaire. Outre ses compétences de couturière, elle est diplômée d’un master en gestion et management et d’un certificat de coach professionnel.
Le matériel est livré le jeudi 16 avril 2020 à Orléans, salle Albert Camus. Photo : J Grelet
Elle accepte de travailler pour Oliver Carré et lui soumet donc une proposition. Mais la négociation n’aboutira à aucun accord. La difficulté de lier une démarche solidaire à un accord commercial s’avère plus compliqué qu’il n’y paraît.
Mais Olivier Carré, lourd d’une marchandise à écouler, met en place une plateforme collaborative pour inviter ceux et celles qui le souhaitent à la confection de masques. « La ville d’Orléans a acheté les tissus et nous les mettons à disposition des communes de la Métropole », précise Olivier Carré.
Les services de la Métropole nous informent que près de 300 personnes ont déjà proposé leur aide et plusieurs maires se sont manifestés, les choses se mettent en place, doucement… En parallèle, le maire d’Orléans, conscient que cette opération ne suffira pas continue de commander des masques, tissu et FFP2, pour garantir à chaque habitant de la métropole un masque lors du déconfinement. Le pari semble ambitieux et sans le réseau des Couturières Solidaires du Loiret, difficile à relever.
Finalement, chacun continue de son côté, avec toujours la sur-sollicitation d’une population inquiète de pouvoir se protéger efficacement le 11 mai prochain. Finiront-ils par se mettre d’accord pour le bien de la communauté ? L’avenir le dira…
Elodie Cerqueira