Sophie Deschamps © GP
Chères lectrices et chers lecteurs de Magcentre,
Face au confinement imposé à la France depuis le 17 mars, j’ai décidé d’écrire un journal de bord pour y exprimer, jour après jour, mon ressenti face à cette situation inédite qui nous oblige à réfléchir et surtout à revoir nos priorités. Vous y trouverez au fil de l’eau des infos pratiques en tous genres, selon l’humeur des conseils de sites, de lecture ou de cuisine ainsi que des coups de cœur ou des coups de gueule selon l’actualité du coronavirus. Mais surtout restons solidaires et zen les uns envers les autres.
Merci pour vos commentaires et vos encouragements, continuez vous aussi !
#restezchezvous
La chasse aux rumeurs et aux complots est devenue une occupation à temps plein dans les rédactions dont l’un des rôles principaux est de démêler le vrai du faux. Et avec le coronavirus, on est servi avec des infox farfelues et d’autres qui le sont un peu moins. La dernière en date, qui fait grand bruit en France, nous vient d’un prix Nobel de médecine en 2008, le professeur Luc Montagnier, co- découvreur du virus du VIH. En effet, selon lui le coronavirus serait « un virus manipulé, sorti accidentellement d’un laboratoire chinois à la recherche d’un vaccin contre le SIDA ». Une théorie reprise le 16 avril par le site Pourquoi docteur mais qui déclenche aussitôt une polémique. D’ailleurs, dès le lendemain, le site de santé donne la parole au professeur Jean-Paul Stahl, infectiologue, qui dénonce une « dérive » et une« posture complotiste ». Une réfutation suivie par de nombreux scientifiques, dont certains rappellent que le Pr Montagnier a déjà suscité quelques polémiques ces dernières années.
Reste qu’il est bien difficile pour les non scientifiques que nous sommes de nous faire notre propre avis. En effet, nous sommes coincés entre les multiples complots dont nous sommes régulièrement abreuvés, surtout en ce moment, mais dont la plupart se dégonflent très vite et s’avèrent totalement faux. Et le risque d’être taxés de crédules et de naïfs en adhérant aux discours officiels, dont nous savons également qu’ils ne sont pas toujours vrais. D’autant que chacun garde en tête les affirmations du gouvernement français, au début du confinement, sur l’inutilité de porter un masque.
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Mais on peut aussi regarder cette question autrement et nous demander pourquoi nous avons envie, en tant de crise, de croire aux complots, sur le mode « on nous cache tout, on nous dit rien », cher à Jacques Dutronc. Une étude a même révélé en 2018 que huit François sur dix croient aux moins à une théorie du complot. C’est d’ailleurs le titre d’un livre publié en 2015, intitulé Tous paranos ? Pourquoi nous aimons tant les complots ?, signé Laurent Bazin et Pierre-Henri Tavoillot. Ainsi, les auteurs nous expliquent que « tout concourt à cette idée que nous serions manipulés, que derrière l’apparence d’une société de l’information ouverte et moderne, des desseins cachés sont à l’oeuvre : 11 septembre, affaire DSK, Ovni, révolutions arabes – la vérité serait ailleurs. Forcément ailleurs. »
Par ailleurs, selon des chercheurs allemands, « cela tiendrait en partie au fait de se sentir spécial dès lors que l’on entretient une opinion largement minoritaire ».
De plus, comme nous l’indique le psychiatre Jérôme Palazzolo, personne n’y échappe : « Ça peut toucher tout le monde, même si les thématiques sont différentes en fonction de l’âge. La jeune génération est plus sensible à l’environnement contrairement aux personnes âgées alertes sur les questions d’insécurité ». De son côté, Loïc Nicolas, chercheur en argumentation à l’université Libre de Bruxelles, nous prévenait en mai 2017 dans Le Point : « Il faut résister à la dichotomie stérile entre les méchants qui croient aux complots, et les gentils qui, forcément, n’y croient pas. Gardons-nous de regarder les premiers comme des incultes ou comme des masses manipulées. Gardons-nous, par ailleurs, d’ériger les seconds en citoyens modèles. »
Bref, il ne faudrait pas qu’en ces temps de confinement, nous attrapions “tout ce qui passe” en plus du virus, surtout dans la ville de la « Rumeur d’Orléans » !
A demain !