Dr Jean Paul Briand
En 1884, grâce au filtre de porcelaine de Charles Chamberland, on comprit qu’il pouvait exister des organismes, rendant malade, plus petits que des bactéries. Du venin en quelque sorte, d’où ce nom de « virus » dont la racine latine signifie poison. Pourtant ces entités n’entraînent pas toujours des maladies et elles peuvent même apporter un bénéfice à leur hôte tels que les virus bactériophages. Les virus sont des objets biologiques complexes dont la place et le rôle, dans le monde vivant ou à l’extérieur, sont encore une énigme.
Les virus, entités intermédiaires entre le vivant et l’inerte
Les virus ne sont pas des cellules mais des particules infectieuses, 10 à 100 fois plus petite qu’une bactérie, à l’incroyable diversité et l’extrême abondance dans l’environnement. Ainsi, dans un mètre cube d’air, on trouve entre 1,7 et 40 millions de virus. Ils sont constitués d’un génome entouré de protéines et parfois d’une enveloppe lipidique (graisse). Le génome est l’ensemble du code génétique viral. Les virus ne sont que des informations génétiques enfermées dans une sorte de banque de données inerte.
Les virus n’ont pas de métabolisme propre, pas de croissance, pas de source d’énergie, pas de réserve de matière, pas d’enzyme de synthèse. Ils ne se reproduisent pas, ne synthétisent aucune protéine. Ces éléments font que les virus ne sont pas considérés comme des organismes vivants.
Néanmoins, pour certains biologistes, les virus appartiennent bien au vivant car ils possèdent un système évolutif spécifique unique. Ce serait la plus simple de toutes les formes de vie. Encore faudrait-il avoir une définition universelle et consensuelle de la vie. Les virus sont des entités intermédiaires entre le vivant et l’inerte.
Le suicide altruiste des cellules
Si les virus ne se reproduisent pas à proprement parler, ils se multiplient en parasitant les cellules hôtes qu’ils pénètrent. La multiplication d’un virus est rendue possible par l’introduction du génome viral dans une cellule. C’est la cellule envahie qui va fabriquer de nouveaux virus, selon un procédé que l’on appelle réplication. Totalement passif dans la cellule, le virus, à partir de son code génétique, accapare totalement la machinerie de son hôte qui va se dévouer à son visiteur viral. La cellule infectée, avec ses enzymes personnelles, va fabriquer les protéines virales, éventuellement une enveloppe, recopier le génome du virus et assembler le tout. En produisant ainsi des milliers de nouveaux virus, la cellule meurt dans une sorte de suicide altruiste.
Un virus peut être funeste ou cohabiter silencieusement avec son hôte
Pour les virus humains pathogènes (susceptibles de causer une maladie), la réplication virale peut entraîner, dans l’organisme auquel appartient la cellule hôte, des réactions délétères, une maladie, des dégâts tels qu’ils peuvent apporter la mort.
Il y a une autre éventualité : la cellule hôte tolère la présence du virus. Elle fabrique des virus qu’elle libère mais continue à vivre. Il n’y a pas de destruction cellulaire. La perturbation est minime. Il n’y a pas ou quasiment pas de signe d’infection. Quand c’est un animal on parle de réservoir de virus, quand c’est un humain, il s’agit d’un porteur sain.
Il y a une troisième possibilité : la cellule hôte ne meurt pas mais se dérègle et acquière les caractères d’une cellule cancéreuse. Ce sont les virus dits « oncogènes », responsables de 15 % des cancers. Un même virus peut donc être funeste ou cohabiter silencieusement avec son hôte.
La résistance aux attaques virales
Chez l’homme, il existe un système de défense vis-à-vis des virus pathogènes. La peau et les muqueuses constituent les premières défenses. Si ces deux barrières sont franchies, l’organisme déclenche habituellement la synthèse de molécules antivirales appelées « cytokines ».
Les cellules infectées sont détectées par les cellules immunitaires de défense puis supprimées dans un processus inflammatoire. Si ce processus inflammatoire est explosif, il peut entraîner des dommages plus destructeurs que l’attaque virale elle-même. Ainsi avec le virus Sars-Cov-2, les cas les plus graves seraient liés, non pas au virus lui-même, mais à un emballement du système immunitaire de l’hôte.
Ensuite se met en place une immunité adaptée au virus infectant. Cette immunité spécifique est gardée en mémoire par l’organisme. Elle peut se mettre en route très rapidement si une deuxième contamination a lieu avec le même virus ou un virus ressemblant. Avec la Covid-19, si un individu est guéri, cette immunité existe mais on ignore pour combien de temps. L’efficacité de la défense est liée à l’âge, au sexe, à l’hérédité, à la sensibilité aux infections et à la présence d’éventuelles maladies coexistantes fragilisant la résistance aux attaques virales.
Le message viral
Au delà des caractéristiques biologiques de ces minuscules particules, les virus peuvent avoir un extraordinaire pouvoir. Ainsi le virus Sars-CoV-2 sait dérégler un organisme humain et entraîner sa mort mais il est capable de bloquer le fonctionnement du monde. Les usines s’arrêtent, les frontières se ferment, les populations se terrent. Tout ce qui dévastait notre environnement est ralenti voire stoppé.
Les plus vieux décèdent, comme si ce virus voulait éliminer les générations qui ont favorisé les systèmes destructeurs que sont la surproduction, la surabondance, la surconsommation, auxquelles s’ajoute désormais la sur-communication. Les plus jeunes semblent épargnés par la déferlante du Sars-Cov-2.
Faut-il y voir un message viral pour qu’ils s’attellent efficacement à la préservation de la planète terre ? Un mal pour un bien…
Jean-Paul Briand