On connaît le grand talent de Marion Brunet depuis L’Eté circulaire, grand prix de littérature policière 2018. Elle excelle aussi en littérature jeunesse et cette sensibilité à fleur de peau marque de son sceau le roman éruptif qu’elle vient de nous livrer en février : Vanda, portrait d’une jeune femme au bord de la rupture sur fond bleu azur d’une Méditerranée saisie, de Tanger à Porto-Vecchio, mais avant tout à Marseille. Jamais, depuis le regretté Jean-Claude Izzo, on n’avait aussi bien évoqué Marseille, sa splendeur face au château d’If, ses misères et la précarité généralisée, la vie entre bohème artistique et galère des petits boulots d’une jeunesse désabusée. Si l’intrigue est intime – l’amour fou, absolu, étouffant d’une mère pour son fils – la trame sociale est obsédante : l’envie-haine envers Paris, les Parisiens – et même les minots montés à la capitale pour réussir – la gentrification du Panier, l’ancien quartier pauvre des migrants corses, et le fossé révoltant entre la splendeur architecturale du Mucem et les murs effondrés de la rue d’Aubagne ; il ne manque au tableau que les récentes controverses pagnolesques entre le « raimusien » docteur Raoult et les experts parisiens, en un remake tragique d’une partie de cartes qui, à nouveau, nous « fend le cœur », à défaut de pourfendre le coronavirus.
Et cette société de violence qu’est devenue notre France, entre plans sociaux, misère des hôpitaux – en l’occurrence psychiatriques – et déchaînement mutuel de coups et blessures, œil pour œil, hôpital contre charité mal ordonnée, lors de manifestations en milieu peu tempéré.
En fil conducteur, sensations et odeurs, du maquis et des calanques aux plus fétides, confinées et inhospitalières, ou les plus intimes, de la peau et du souffle de l’enfant à ceux de cette jeune femme dont le seul chemin tracé est celui de ses tatouages que la main de son fils suit pour tenter de se rassurer. À corps perdu, sans toit ni loi.
Pierre Allorant
Marion BRUNET, Vanda, Albin Michel, février 2020, 18 euros.