La coda pour Manu Dibango !

Touché par le coronavirus, Manu Dibango, le saxophoniste d’origine camerounaise est mort ce mardi matin à 86 ans. Dans sa jeunesse, il avait déjà été infecté par un autre virus plus fécond, celui du jazz, qui l’a habité avec une remarquable virulence pendant toute sa vie. Homme ouvert, d’une rare énergie et prêt à jouer avec tous, il a signé de grands tubes et l’air de rien, a inventé un style.

Au festival de Sully en juin 2019. Photo E. Boutheloup

Né en 1933 dans une famille protestante de Douala, Emmanuel N’Djoké Dibango a chanté assez jeune dans la chorale de la paroisse dont son père était le pasteur et sa mère organisatrice des cérémonies. Ses parents l’envoient en France pour ses études et c’est pendant des vacances en colonie qu’il découvre le jazz, ou plutôt les instruments propices au jazz. Et Francis Bebey, un autre Camerounais guitariste, lui transmet le virus…

Les footballeurs ont perdu, Manu a gagné !

Sa vie en est changée. Il aura des moments de galère en Belgique, où il vit la libération douloureuse du Congo ex Belge mais aussi devient musicien professionnel et se marie. Puis il retourne sur la terre africaine avec l’African Soul Quintet et commence a gagner une grande notoriété. La consécration viendra en 1972. Le ministre des sports camerounais lui demande de sortir un hymne pour soutenir l’équipe nationale lors de la 8e édition de la Coupe d’Afrique des nations. Il l’enregistre donc mais il reste la face B du 45 tours. Il enregistre rapidement une chanson qu’il avait écrite longtemps auparavant, Soul Makossa. L’équipe du Cameroun perd la coupe, personne ne veut plus entendre l’hymne, mais la face B devient un tube planétaire.

Les jazzmen américains découvrent avec ce titre un jazz africain. Dans ces années 70, où le retour à l’Afrique est très présent aux US, Manu Dibango devient le jazzman africain par excellence, alors que lui même s’est toujours vu plus européen qu’africain. Tournée américaine, tournée mondiale, succès. Même Mickael Jackson lui pique cette chanson, ce qui se réglera au tribunal.

Un rire tonitruant

Il peut alors continuer sur sa lancée : une cinquantaine de disques, des tournées presque continuelles, des festivals à n’en plus finir. Dont Orléans’jazz, en 1995, au Campo Santo et le festival de Sully en juin dernier. Cf papier Magcentre Ch.B

Homme totalement ouvert, Papa Groove aura joué avec un nombre incalculable de musiciens, des inconnus comme des très grandes pointures. Personnalité solaire, son rire et son énergie légendaires ne l’empêchaient pas de se pencher sur tous les problèmes des musiciens, des noirs, des musiciens noirs. Dans une interview du Point, l’été dernier après Marsiac, il disait que «  les gens fantasment sur vous. Vous êtes musicien africain, donc vous jouez du djembé, du balafon, de la kora. Si vous jouez du saxo, oups, c’est plutôt noir-américain, vous n’êtes déjà plus tellement africain dans la tête de certains… Ce sont des fantasmes que les gens mettent sur vous. Et peut-être qu’une partie de votre vie, c’est de les chasser. C’est très difficile. Même pour moi. »

Belle confidence d’un homme qui ne mettait en avant que la musique et qui jusqu’au bout a soufflé dans son saxo avec une joie et un plaisir non dissimulés. Il nous reste des heures et des heures de sa musique, heureusement. Elle fait danser comme elle peut faire penser ou rêver. Elle vient du fond de son cœur et c’est en cela qu’elle est émouvante.

Merci Manu !

Bernard Cassat

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. Très bel article sur Manu. J’ai eu la chance de le rencontrer à Sully lors de son dernier Concert dans le Loiret.
    Un modèle de gentillesse et de générosité !
    Il nous a ce soir là donné de la joie et du bonheur, avec un répertoire étonnant de dynamisme et d’entrain.Qu’il repose en paix !

Les commentaires pour cet article sont clos.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    3°C
  • samedi
    • matin 2°C
    • après midi 7°C
Copyright © MagCentre 2012-2024