La France unie coûte que coûte

Pierre Allorant, doyen de la faculté de droit d’Orléans et historien

Gravité et détermination, comme il sied au cœur d’une crise sanitaire, mais aussi confiance dans le ressort d’une grande nation, le président de la République a retrouvé hier soir, dans son long message, le volontarisme de sa campagne victorieuse de 2017, voire paradoxalement une forme d’optimisme pour galvaniser l’énergie collective. De fait, Emmanuel Macron a lancé la campagne présidentielle de 2022 tout en incarnant l’unité nationale, sur fond de premières réactions positives des oppositions.

Respiration démocratique préservée

À l’inverse d’une rumeur insistante, les élections municipales des deux dimanches qui viennent ne sont pas reportées, même si cette décision a sans doute tenue à peu de choses et probablement à la pression insistante des leaders de droite, pressés d’engranger les fruits du « vent mauvais », défavorable au pouvoir et qui auraient été prompts à hurler à la manipulation politicienne en cas de report du scrutin. Or le processus aurait été très lourd, nécessitant la mise en œuvre de l’article 16 – l’arme nucléaire présidentielle sous la Ve République – et le vote en urgence d’une loi très difficile à faire adopter dans les conditions sanitaires et en l’absence de consensus, singulièrement au Sénat, ce « grand conseil des communes de France ».

L’État qui protège, la société solidaire

Le chef de l’État était en droit d’appeler à l’union nationale face au péril sanitaire, entonnant le refrain connu et attendu de l’État qui protège et, plus novateur depuis 2017 chez ce libéral réformateur, de la grandeur des services publics, des soignants en blouse blanche, et de la priorité absolue aux besoins des hôpitaux et aux chercheurs, « coûte que coûte ».

Après les déclarations de Christine Lagarde, c’est bien l’acte de décès des critères de Maastricht et des fameux 3% de déficit budgétaire sous la pression du principe de réalité qui a été signé. Face à l’épidémie de nationalisme venue d’outre-Atlantique, Emmanuel Macron mise sur une relance, là aussi solidaire, qui passe par un surcroît de réactivité de l’Europe, des gestes forts de soutien aux acteurs économiques afin d’éviter de s’embourber dans une dépression aussi grave et durable qu’en 2008.

Quinquennat, acte 2. La parenthèse ou le tournant ?

Au-delà de la question prioritaire de la préservation de la Santé des habitants, et même des élections municipales maintenues « coûte que coûte », c’est tout le quinquennat qui, comme après la crise des « gilets jaunes », risque d’être dorénavant réorienté. La décision de ne pas reporter les élections municipales s’est sans doute imposée au Président au regard du coût politique et de la pression exercée par les leaders de l’opposition, particulièrement la droite incarnée par le président du Sénat. Le risque était trop fort, à deux jours du 1er tour, d’être suspecté de vouloir éviter ou retarder la déroute annoncée pour le parti présidentiel. La majorité ayant déjà anticipé la défaite de la tentative d’ancrage municipal, mieux valait respecter les échéances et la respiration démocratiques en se projetant immédiatement vers la dernière phase du quinquennat.

Au lendemain du scrutin et une fois la parenthèse sanitaire levée, sans doute à l’été, le rebond passera probablement par des changements forts et visibles, donc par une nouvelle incarnation à Matignon, par un remplacement des membres les plus usés de l’équipe gouvernementale, et surtout par une nouvelle donne politique amorcée dès hier soir : protection régalienne, solidarité sociale, précaution sanitaire et environnementale, tournant européen pour sortir de la gangue fétichiste budgétaire, les grands axes sont tracés. Reste à les mettre en musique et à trouver le casting adéquat.

« La France unie »

Si l’on se remémore la cascade des démissions et erreurs de choix depuis 2017, ce n’est pas gagné. Mais le 12 mars 2020 marque le moment où le président de la République reprend la main. Avec un slogan de campagne tout trouvé : « la France unie ». Précisément celui qui permit, en 1988, il y a un tiers de siècle, à François Mitterrand d’être le premier et le dernier chef de l’État à exercer deux septennats consécutifs. Emmanuel Macron sera-t-il le premier à réussir à être élu pour un second quinquennat ?

En toute hypothèse, il devra pour cela changer de partition -adieu les réformes dont la droite avait rêvé sans les mettre en œuvre – et tenter de retrouver la confiance des électeurs de François Hollande de 2012 qui l’avaient plébiscité au 1er tour de 2017. Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle.

Pierre Allorant

Commentaires

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  1. Il n’y a que dans les guerres et les épidémies que le monde est en confession, la politique et l’économie en sortiront gagnantes.

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