Dès l’annonce officieuse, en septembre dernier de l’ouverture en 2023 d’un centre de rétention administrative de 90 places à Olivet, un collectif local s’est constitué pour s’y opposer. Un groupement de 21 membres (associations, syndicats, partis politiques) qui a tenu une conférence de presse le 3 mars à Orléans afin de dénoncer la politique française d’enfermement des migrants. Une marche de protestation est prévue le 4 avril à Orléans.
Slogan collectif COLÈRE©DR
C’est le 6 novembre dernier que le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé officiellement la construction de trois nouveaux centres de rétention (Lyon, Bordeaux et Olivet, voir Mag Centre 30/11/2019) dans le cadre du plan migratoire du gouvernement, afin de traiter plus rapidement les demandes d’asile et dans le but d’une immigration « maîtrisée». Une annonce qui a tout de suite mobilisé le collectif COLÈRE (COLlectif contre les Expulsions et la Rétention).
Des centres qui sont de vrais lieux d’enfermement
Lors de la conférence de presse (qui s’est tenue ce mardi à la maison des associations d’Orléans), les membres de ce collectif ont pris successivement la parole pour expliquer leur refus de ces trois nouveaux CRA. Alain, de la CIMADE du Loiret (association loi 1901 de solidarité active et de soutien politique aux migrants) a tout d’abord rappelé que ces centres, créés en 1981, (sous la gauche donc) avaient pour objectif, au départ, d’organiser et de contrôler le départ des étrangers dans des conditions “acceptables” alors qu’ils étaient à cette époque entassés dans des conditions indignes dans des hangars, en attendant leur expulsion. Ces étrangers sont donc « retenus » et non « détenus » mais de fait privées de liberté, Pourtant, précise Alain : « Ce ne sont ni des clandestins, ni des délinquants. Seulement des personnes le plus souvent déboutées du droit d’asile ou en fin de droit d’un titre de séjour. »
Un rapport annuel « accablant » sur les CRA, rédigé par les associations
Rapport 2018 associations Centres de rétention ©DR
Jusqu’en 2008, seule la CIMADE était habilitée officiellement à intervenir dans ces CRA. Depuis, six associations sont autorisées à pénétrer dans ces centres, avec chaque année la publication d’un rapport qui est une sorte de baromètre de la politique migratoire de la France. Ainsi dans l’édito du dernier rapport de 2018, on peut lire : « L’année 2018 a été marquée par une utilisation importante de l’enfermement des personnes étrangères en centres de rétention administrative, y compris les plus vulnérables. » Soit au total plus de 45000 personnes retenues en CRA, en métropole et outre-mer. Le rapport pointe également en 2018 le doublement de la durée légale de rétention (45 à 90 jours) avec pour conséquence « d’accroître les souffrances des personnes concernées », (angoisse, automutilations, grèves de la faim, tentatives de suicide ainsi que le décès d’une personne par pendaison).
Par ailleurs, Guillaume, de la CIMADE Grand-Ouest explique que la France est le pays d’Europe qui enferme le plus les étrangers dans les CRA avec à ce jour 1549 places réparties dans 24 centres. Il rappelle également que le placement en centre de rétention est régi par une loi d’exception où le juge est amené à apprécier la situation de ces personnes sans-papiers après leur enfermement en centre de rétention. Ainsi en 2018, près de 40% des personnes “retenues” ont été libérées par le juge avant leur expulsion.
Les droits des enfants bafoués
Et ce n’est pas tout. Sous prétexte de ne pas séparer les familles, les étrangers se retrouvent parfois de rétention avec leurs enfants en violation flagrante de la convention internationale des droits de l’enfant. Comme le rappelle la FSU du Loiret (syndicat enseignant ) cette convention stipule « qu’aucun enfant migrant ne doit être placé en centre de rétention, ni séparé de sa famille lorsque celle-ci l’accompagne ». Pourtant, 1429 enfants ont été enfermés en France en 2018 dans des CRA et ce malgré cinq condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. D’ailleurs, l’UNICEF a lancé en 2019 un appel pour tenter de mettre fin à l’enfermement des enfants en CRA.
Le cas particulier du futur centre de rétention d’Olivet
Concernant le futur centre de rétention administrative du Loiret, (un lieu de 90 places situé entre le campus d’Orléans la Source et une zone d’activités), Odile Thomas, élue communiste à Olivet et membre de COLÈRE a interpellé par écrit le maire d’Olivet en décembre dernier sur ce projet. Comme le rapporte le blog Olivet Mag, Matthieu Schlessinger a expliqué : « La ville n’a pas été associée au projet et je ne peux m’y opposer, ajoutant, la ville sera tout de même associée au choix de l’architecte(sic) ». L’élue rappelle également que sur les 4 listes en lice pour les municipales, seule la liste “A gauche pour Olivet ” s’oppose dans son programme à ce centre de rétention.
Suite de la mobilisation pour Junior
Le COJIE poursuit sa mobilisation quotidienne pour la libération de Junior.©SD
Le cas de Junior, ce jeune adulte de RDC, présent en France depuis 2012 et retenu au CRA de Vincennes depuis le 23 janvier en vue de son expulsion a bien sûr été évoqué au cours de cette conférence de presse. Le COJIE (membre de COLÈRE) a ainsi rappelé son histoire et sa mobilisation quotidienne à Orléans avec des randonnées pédestres dans divers lieux de la ville pour obtenir sa libération et des papiers. Marie-Noëlle Vitry, de la CIMADE du Loiret a d’ailleurs récemment parlé de lui sur la radio RESF (Réseau éducation sans Frontière).
Affiche de la marche du 4 avril du collectif COLÈRE©DR
Une marche le 4 avril à Orléans
Enfin, la première manifestation publique du collectif COLÈRE, sera le 4 avril prochain à Orléans avec une marche qui débutera à 14h place du Martroi, suivie à 19h d’une soirée Défi de solidarité, avec notamment des concerts gratuits au 108, rue de Bourgogne.
Sophie Deschamps