Qu’il est difficile pour un électeur orléanais à la veille des élections municipales des 15 et 22 mars d’y voir clair dans les propositions qui lui sont faites pour sa ville dans les six ans à venir. Le moins que l’on puisse dire est que dans la capitale de la région Centre-Val de Loire l’offre politique n’est ni simple ni claire.
A première vue, à droite, il y a deux listes qui se détestent cordialement. A gauche, en dépit de réelles tensions et de certaines inimitiés, il y en a deux autres qui devraient logiquement se rassembler au second tour. Ceci est l’affichage, la présentation officielle. Or, derrière cette mise en scène, se dissimule une autre réalité faite de compromis et de faux-semblants, d’hésitations et de rancœurs.
Une alliance bien alléchante
L’alliance de second tour entre la liste de Jean-Philippe Grand (Europe, Ecologie, les Verts) et celles de Baptiste Chapuis et Dominique Tripet (PS, PCF, Radicaux, IUDE) est moins assurée qu’il y paraît. En effet de nombreux indices tendent à montrer qu’une autre alliance se dessine entre Jean-Philippe Grand et Olivier Carré suivi dans cette démarche par une partie de ses colistiers dans cette liste soutenue par la République en Marche et une partie de la droite. Pour des raisons nationales serait-on tenté de dire à première vue. Dans un certain nombre de villes la fusion entre LREM et EELV est en préparation pour le second tour.
Par ailleurs la direction nationale de LREM qui aimerait voir Orléans tomber dans son escarcelle pousse à cette démarche. En second lieu, le seul sondage réalisé sur la ville place Serge Grouard en tête, à huit points de plus que la liste Carré. Pour ce dernier, la seule solution pour passer devant son rival réside dans une alliance avec Jean-Philippe Grand crédité de 22% dans le même sondage. Ce dernier trouverait alors de grands avantages dans ce rassemblement : il pourrait négocier d’importantes places dans les exécutifs de la ville et de la métropole, alors qu’un rabibochage tardif avec la liste Chapuis-Tripet ne les lui apporterait pas.
Cette alliance conclurait ce qui semble se tramer depuis des mois au conseil municipal et que le conseiller François Lagarde (soutien de Serge Grouard) rapporte crûment sur Facebook. Il fait remarquer que Jean-Philippe Grand a observé « un étrange silence » sur les notes de frais de M. Carré, comme son inspiratrice, Corinne Leveleux-Teixeira qui vient de quitter le PS dont elle a porté les couleurs en 2014 avec le succès que l’on sait, pour soutenir Jean-Philippe Grand. En fin observateur, François Lagarde observe que les mêmes « sont tout aussi passifs lorsque M. Carré se fait accorder la protection fonctionnelle de la ville de manière manifestement illégale par Mme Sauvegrain ». Incisif, il ajoute « du côté de la liste macroniste Carré-Rist-Geoffroy (également soutenue par M. Ben Chaabane, le député Ramos et les hôtels Pullman) on concentre exclusivement les critiques sur la liste de Serge Grouard en épargnant ostensiblement celle de M. Grand ».
Des contacts fréquents quoique discrets entre Mrs Carré et Grand viennent corroborer ces dires à tel point que certaines personnes de gauche présentes sur la liste Grand ou sympathisantes commencent à regretter de s’être lancées dans l’aventure pour les uns et à prendre leurs distances pour les autres, déjà sonnés qu’ils étaient par la découverte sur cette liste d’un colistier venu de « Debout la France ».
Plusieurs fers au feu
L’alliance citée plus haut n’interdit pas de tenir plusieurs fers au feu et d’utiliser au mieux les intérêts de chacun en fonction de la règlementation en vigueur. Celle-ci prescrit par exemple que seule « la tête de liste » et elle seule, est habilité à décider ou pas d’une fusion. Aucun colistier n’est tenu de suivre. Aussi Mrs Carré et Grand s’unissant pour le second tour pourraient s’employer à démontrer que M. Grouard n’est pas de son côté blanc comme neige.
Dans un article publié le 24 novembre 2017 dans notre journal, notre confrère Christian Bidault notait, « Serge Grouard, auteur revendiqué du programme de François Fillon qui prônait un rigoureux serrage de vis pour les Français une enquête de France Info montre que l’ancien maire d’Orléans avait acheté sa permanence du 27 rue du Colombier au cœur d’Orléans en décembre 2005 pour 120 000 euros grâce à un prêt de l’Assemblée nationale. Un prêt à environ 2% particulièrement attractif. Serge Grouard qui employait son épouse comme assistante (ce qui était alors légal) a revendu cette permanence en 2013 pour 160 000 euros au Conseil départemental des chirurgiens-dentistes. Ce qui n’avait rien d’illégal à l’époque ». A cela le camp Grouard pourra riposter en faisant allusion au statut professionnel de Jean-Philippe Grand, conseiller régional et par ailleurs salarié d’une association largement subventionnée en Région par le même conseil régional et la métropole.
Réconciliation possible à droite ?
Au cas où la fusion Carré-Grand ne se ferait pas, il n’est pas impossible d’imaginer que la droite orléanaise se ressoude à l’ombre d’un Serge Grouard qui par ailleurs a su donner, en son temps, des gages au Rassemblement National (Relire sa Lettre aux Musulmans de France...). En effet bien que ennemis de circonstance la majorité des membres des listes Carré-Grouard se connaissent bien, ont travaillé ensemble et n’ont jamais cessé de se parler. Olivier Carré ayant déclaré à ses proches qu’il n’envisageait en aucun cas de siéger dans l’opposition face à Serge Grouard et encore moins dans une situation de subordination au même Serge Grouard il n’est pas impossible que la droite orléanaise se ressoude dès lors qu’Olivier Carré se retirerait du jeu. Dans ce cas les ralliés de LREM récupéreront au mieux des strapontins.
F.C.