Orléans, Soirées Performances#10: et la curiosité sera récompensée !

Comme chaque année, annonçant le printemps à venir, les Soirées Performances reviennent à la Scène Nationale d’Orléans à partir du 3 mars prochain. Pour cette dixième édition d’une formule qui a fait ses preuves, François-Xavier Hauville, en partenariat avec Maud le Pladec du Centre Chorégraphique, a concocté avec son équipe, un programme qui ne manquera pas, comme chaque fois, d’interroger notre rapport au spectacle vivant et dans cet itinéraire de découverte de satisfaire, parfois aussi de décevoir, mais toujours de stimuler l’insatiable curiosité des spectateurs orléanais…

Pour baliser cette aventure qui nous propose pas moins de dix huit événements sur dix jours, le directeur de la Scène Nationale, nous livre ici quelques clefs de ce programme.

O Samba do Crioulo Doido

Interview

Magcentre A partir du 3 mars s’ouvrent donc ces dixièmes Soirées Performances: on ne change pas un formule gagnante ?

François-Xavier Hauville Ce sera effectivement la dixième édition des soirées performances et l’on va fêter ça cette année par, non pas une, mais deux soirées festives. Les autres soirées le seront aussi,  mais nous aurons deux soirées en fin de chaque semaine où l’on pourra finir par danser sur des musiques avec un DJ set et l’une de ces deux soirées se passera, ce sera une nouveauté, au Centre Chorégraphique chez Maud le Pladec avec un DJ Battle suivi d’une soirée Dance Floor: il y a longtemps que l’on voulait sortir du théâtre et ce sera l’occasion pour ces dixièmes soirées performances.

MC Rappelez nous le concept de ces Soirées Performances ?

FXH Le concept des Soirées Performances, élaboré il y a donc dix ans avec Bruno Lobbé, c’est un peu “recherche et développement” dans le spectacle vivant, et c’est pour nous, Scène Nationale, l’occasion de renouer avec le croisement des arts, la musique, la danse, les arts plastiques, et un peu de théâtre aussi. En effet les choses sont aujourd’hui très poreuses, les limites sont de moins en moins nettes, c’est du spectacle vivant où l’on ne s’interdit pas d’aller jusqu’au mélange complet. Ce sont aussi des spectacles plus intimes, même s’ils restent grand public, les artistes s’exposent devant un public plus réduit pour des spectacles qui touchent à l’expérimental: ça permet aux artistes d’aller un peu plus loin, de pousser un peu plus leurs investigations sur les formes, sur les modes de jeu, sur des thèmes souvent en avance dans la société.

MC Et le public vous suit ?

FXH Oui, de plus en plus, car c’est aussi l’occasion de toucher d’autres publics, ces soirées appellent la curiosité du public et il est vrai qu’elles rajeunissent la fréquentation de nos spectacles. Pour nous c’est réjouissant parce que ce n’était pas gagné et la curiosité finalement, ça s’apprend aussi. On a également fait des efforts sur la proposition tarifaire: avec 18 spectacles en dix jours et un prix à 6 euros par spectacle, cela permet à certains passionnés de se faire l’intégrale !

MC Comment construisez-vous ce programme ?

FXH Pour beaucoup d’artistes invités, avoir l’occasion de présenter un spectacle pour la première fois ou en cours de conception, ça leur permet de progresser, si tant est qu’il y ait un progrès dans l’art, en tout cas de faire évoluer leur travail.

Pour monter ce programme, c’est un peu indicible, disons que nous sommes investis dans les réseaux, on suit des artistes et on apprend, ou ils nous disent, ce qu’ils créent, on les repère sur d’autres lieux, on a beaucoup de propositions et après c’est notre connaissance des artistes ou le désir de découvrir un nouvel artiste qui nous guident, quant à la programmation danse, elle se fait en étroite collaboration avec le CCN.

MC Et que faut-il surtout ne pas manquer dans ce programme ?

FXH Il ne faut bien sûr ne rien manquer !.. mais le premier spectacle intitulé Zvizdal, est pour moi un spectacle très important, c’est vraiment une expérience de théâtre documentaire à partir de vidéo, il n’y a pas vraiment de texte, le public est en bi-frontal, sur scène on a trois maquettes de fermes dans la campagne ukrainienne près de Tchernobyl. On va découvrir la vie de cette ferme après la catastrophe: qu’est ce qui se passe pour Petro et Nadia qui sont retournés dans cette ferme après avoir été évacués, pour y vivre, c’est d’un émouvant extraordinaire ! Et n’oublions pas que nous avons quatre centrales nucléaires dans la région, on peut ainsi se poser la question: qu’est-ce que l’on fait le jour d’après ? Et c’est sans doute là le spectacle le plus éloigné de ce que l’on fait habituellement.

Après, il y a bien sûr des artistes qui viennent d’un peu partout dans le monde, mais aussi des locaux comme Shoï avec une installation intitulée Exposition AAA dans laquelle il réalisera une performance inspirée par le radiotélescope de Nançay, et cette programmation à la Scène Nationale, va sans doute lui permettre de proposer ce spectacle ailleurs en France, les Soirées Performances servent aussi à ça.

MC Et la danse ?

Et puis il y a la danse, bien sûr, avec une pléiade de jeunes artistes pour certains déjà venus il y a quelque temps comme Daniel Linehan qui revient avec un solo Body Work, avec la question de la transmission qui revient souvent dans la danse actuellement, dans plusieurs performances. Il y a aussi à voir La Samba du Noir nu, spectacle que l’on a saisi au vol pour ces Soirées, avec le chorégraphe brésilien Luiz De Andreu qui peut apparaître comme un manifeste qui dénote le racisme au Brésil dans les gestes quotidiens […]

Au total, le programme est très équilibré, et pour beaucoup ce sont plutôt des artistes expérimentés, certains sont même des virtuoses comme le contrebassiste Florentin Ginot ou le sonneur Erwan Kéravec,  qui profitent de ces Soirées pour explorer des formes au delà de leur pratique de création, quitte à revoir même certains de leurs choix artistiques en les confrontant au regard du public.
Tous ces spectacles touchent aux questions contemporaines sur le genre, l’identité, les stéréotypes, le corps, et beaucoup de ces artistes se les posent un peu avant les autres: c’est sans doute aussi la particularité de ces Soirées Performances. […]

propos recueillis par Gérard Poitou