La Tunisie sur le divan de Manele Labidi

Le Film de la semaine

Premier film de Manele Labidi, réalisatrice française d’origine tunisienne, Un divan à Tunis se veut une « comédie sophistiquée », comme le dit sa réalisatrice. De par ses liens avec le pays, elle connaît cette population prise entre les raideurs sociales et les envies de libération, cette population qui parle, surtout neuf ans après la « révolution de la dignité ». C’est pourquoi elle propose à tous ces gens de s’allonger sur son divan et de raconter leurs problèmes, qui révèlent ceux du pays.

Freud est juif et barbu, et la psychanalyse, entre autres mais avec insistance, s’intéresse au sexe. Que vient donc faire cette problématique dans une société prude et engoncée dans sa culture musulmane, où même les cheveux sont trop érotiques pour être laissés libres ? Eh bien justement ! Manele Labidi choisit cette porte provocante, surtout lorsqu’elle est ouverte par Selma, une jeune femme belle, intelligente et libre, incarnée par l’actrice iranienne Golshifteh Farahani.

A la découverte de la population

Aucune lourdeur dans l’analyse. Les éléments psy sont justes mais secondaires. Ce qui compte, c’est la découverte du pays par cette jeune femme, la parisienne comme l’appellent les Tunisiens. On verra au cours du déroulement du film différents cas dans des scènes de pure comédie autour du divan, de grand névrosés, des angoissés, des mères possédées par leur fils. Mais comme dans ses modèles italiens (les comédies des années 60-70) ou espagnols (Almodovar), Manele approfondit certains personnages qui deviennent significatifs. L’imam qui habite dans la même cour, par exemple. Un homme touchant, honteux de ne pas avoir de marque au front comme témoin de sa religiosité, et qui ne se remet pas du départ de sa femme vers la Turquie intégriste. Ou le couple formé par son oncle et de sa tante, qui l’héberge, qui vivent des contradictions absurdes le poussant à boire de l’alcool et elle à se réfugier derrière son maquillage.

Donc à la découverte du pays

La jeune psychanalyste se heurte aussi au système tunisien, à sa police et à son administration. Dans des scènes mémorables, la pénurie d’alcootests ou la revente de lingerie par une secrétaire de ministère, les énormités de fonctionnement du pays apparaissent en filigrane. Tellement lourdes pour Selma, pourtant bourrée d’énergie et de volonté, qu’elles vont lui donner envie de renoncer. Mais la psychanalyse a des ressorts cachés…

Le synopsis est bien sûr assez improbable, mais la comédie est tellement bien réalisée que rien ne paraît impossible. Les acteurs, tous excellents, donnent à cette histoire une puissance assez jouissive ; surtout cette collection de silhouettes de femmes auxquelles Manele est évidemment très sensible. Une sorte de grand coup de vent dans tous ces débats angoissés et angoissants autour du monde musulman. Un éclat de rire qui dure et qui fait du bien.

On regrette toute fois la fin, on aurait souhaité quelque chose de plus féministe, plus dans le sens général développé tout au long de l’histoire. Petit bémol qui ne parvient pas à gâcher l’ensemble.

BC

Un divan à Tunis

Réalisation et scénario : Manele Labidi

Acteurs : Golshifteh Farahani , Majd Mastoura , Aïcha Ben Miled ,Feriel Chammari

Directeur photographie : Laurent Brunet

Montage : Yorgos Lamprinos

Production : Kazak Productions, Arte France Cinéma

Distribution France : Diaphana

 

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