Une furie brésilienne sur les planches de la Scène Nationale d’Orléans

La Scène nationale d’Orléans a programmé mardi soir Furia, créé en 2018 par la compagnie de Lia Rodrigues et les danseurs qui viennent au Centre des Arts et l’Ecole libre de danse de la favela où elle travaille. Ce spectacle ouvre une séquence brésilienne, que le Centre Chorégraphique National d’Orléans va compléter. Radical, déroutant et provocateur, il a fortement impressionné une salle comble, en bien comme en mal.

copyright Sammi Landweer

La bande sonore de chants Kanaks de Nouvelle Calédonie monte progressivement alors qu’une sorte de radeau de la Méduse se transforme lentement en procession. L’ambiance est donnée, on entre ainsi dans une cour des miracles où huit danseurs-euses vont pendant plus d’une heure déployer une vaste fresque.

L’énergie, la violence, la furieuse pulsion sexuelle

Passant d’une image à une autre, de l’aube de l’humanité à des atrocités très contemporaines avec pour fil conducteur une énergie qui part du corps, une pulsion, sexuelle entre autres, ils abordent des évocations que chacun peut interpréter avec sa propre culture. Mais on sent qu’il est beaucoup question de l’énergie violente, du pouvoir de l’un sur l’autre, des hommes sur les femmes, des corps qu’on traîne, mais aussi de la douceur et de la beauté des corps glorifiés. Violence sociale de groupe, violence du sexe, violence du rapport à l’autre. Certains moments de bacchanales déchaînées contrastent avec des processions quasi religieuses.

Il y a peu de progression, la musique en boucle n’y incite pas. Prenante, même obsédante, elle va de pair avec des répétitions visuelles parfois un peu longues. Des groupes se forment, se défont, des couples se détachent, des allusions apparaissent : les trois furies, par exemple, puisque certaines « images » évoquent la tragédie antique.

Arte Povera jusqu’à la nudité

Mais c’est la pauvreté, la pauvreté montrée comme la pauvreté des moyens utilisés, qui frappe. Au sens de l’arte povera : aucun décor, et tous les oripeaux qui les couvrent sont de la récupération, des bouts de plastique, des tissus jetés, des matières abîmées. Qui peuvent aussi devenir habits de roi, robes de princesses qui se promènent à cheval sur leur monture dénudée.

Car il y a une très grande présence de la nudité qui rappelle certaines recherches théatrales des années soixante-dix. Le spectacle se réinventait alors, et cette Furia cherche elle aussi à réinventer une communication artistique, à construire quelque chose de totalement différent. Ce n’est pas franchement de la danse, même si on voit des danseurs sur la scène. Ce n’est pas une chorégraphie, même si chaque représentation suit exactement la même mise en scène ; il n’y a pas de parole, sauf une échappée finale, d’ailleurs peu compréhensible. Le spectateur est laissé dans ses doutes, dans ses interprétations personnelles et dans sa fascination du visuel proposé. Envoutant, un peu comme du vaudou ou du candomblé.

Ils sont possédés sur la scène, on est pris dans la salle. Ou on s’en va. Spectacle clivant parce que radical, Furia dérange mais aussi, indéniablement, pose des questions importantes, politiques, sociales et artistiques. Ou plutôt il interroge la politique de manière très artistique avec force et cohérence, dans un travail complètement original.

BC

Le portrait de Lia Rodrigues au Centre Chorégraphique National d’Orléans

Films au cinéma Les Carmes

Dimanche 9,
Au cœur du monde, film de Gabriel et Maurilion Martins

Jeudi 13 février
Indinianara , film Aude Chevalier-Baumel et Marcelo Bardosa

Samedi 15 février
Les bruits de Recife de Kleber Mendonça Filho

Orfeo Negro de Marcel Camus

Spectacle

Mercredi 4 mars, 20h30, Théatre d’Orléans (Soirée Performance)
O samba do Crioulo Doido
Luiz de Abreu

Conférence

Jeudi 12 mars, 19h, CCNO
Volmir Cordeiro

Installation vidéo, CCNO

Du lundi 3 février au vendredi 20 mars
L’extase doit être oubliée

Evangelia Kranioti

 

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