La lutte contre les phobies sociales passera-t-elle un jour par Orléans ? Tout est possible, si la Faculté de droit valide le projet d’accueil d’un Observatoire national des phobies sociales sur le site de l’ancien hôpital Madeleine. Un nom barbare et des études étranges qui suscitent déjà d’âpres oppositions.
“Les phobies font partie des troubles du comportement tout comme les troubles obsessionnels compulsifs ou les troubles alimentaires (…) On peut éviter l’objet qui créé la peur panique mais dans certaines circonstances où l’on est amené à croiser l’objet de notre phobie, il vaut mieux suivre une thérapie. Lorsqu’ils sont handicapants dans notre vie privée ou notre vie sociale, il faut consulter un spécialiste des troubles du comportement“.
Cette description des phobies fournie par un site spécialisé intrigue à plus d’un titre, et nous interroge. Et il suffit de surfer sur le web pour trouver des témoignages de ces phobies, telles celles relevées par la Youtubeuses Sidjie. Pourquoi héberger à la Fac de droit orléanaise un Observatoire qui devrait logiquement revenir à une Fac de médecine ou, éventuellement, à celle des sciences humaines ? “Parce que cet observatoire ne s’attachera principalement qu’aux phobies sociales, et que ces phobies ont des implications directes sur le vivre ensemble, donc le droit civil, voire criminel“, nous a précisé l’un des juristes participants à ce projet, sous couvert d’anonymat. “En fait, cet observatoire regroupera des sociologues, des psychanalystes et des experts en comportement, mais nous estimons que ce sont les juristes qui doivent avoir le dernier mot, pour trancher sur les précautions à prendre, décider d’un besoin ou pas de légiférer pour assurer un mieux vivre ensemble“.
Tous phobiques, ou presque
Présenté à d’autres experts, ce document de près de mille pages provoque des avis contrastés. Ainsi, le professeur Joseph Goulagov applaudit des deux mains: “La création d’un tel observatoire devient une nécessité. Notre société est submergée par les phobies, exacerbées par l’influence des réseaux sociaux, qui rendent notre monde invivable. Homophobie, islamophobie, grossophobie, voire gymnophobie ou nanophobie, polluent notre vie quotidienne. Sachez qu’il existe plus de 500 phobies recensées. Certaines sont anodines, mais, l’actualité le démontre régulièrement, d’autres peuvent être mortelles. Il est temps que nous en prenions conscience, et que nous rassemblions toutes les spécialités concernées en un même lieu, pour parfaire nos recherches ».
Pour appuyer sa thèse, il possède des arguments incontournables : « Au Québec, le groupe Phobie Zéro existe depuis près de 8 ans. Et, le 4 novembre 2019 a enfin été mis en place à Paris le premier Observatoire académique des phobies LGBT+ ». Cet observatoire national orléanais ne ferait donc que combler un vide en étendant les domaines de recherches. « Personnellement, j’hésite de plus en plus à sortir de chez moi, de peur d’être agressé, à cause de ma grosse tête qui me rend difforme. Et, pourtant, je suis loin d’être agoraphobe“, dit-il en fixant son regard sur une araignée pendue au plafond.
Cet observatoire, précise le document, aurait à charge de compiler toutes les études sur le sujet, d’organiser des rencontres internationales et des conférences, s’appuyant notamment sur les travaux d’un département de recherches expérimentales. “Pour certains cas spécifiques, il faut envisager des expérience in-situ, en intérieur ou en extérieur, de confrontation directe entre les sujets concernés et l’objet de leur peur“, lit-on au détour d’un chapitre. Doit-on imaginer des “expériences” dans Orléans, par exemple lors des fêtes de Jeanne d’Arc, où seraient confrontés des zoophobes avec les chevaux défilant ? Voire des arrivées massives de politophobes lors de meetings électoraux d’envergures ?
Un projet « merdrique »
A l’opposé, “ce projet ne devrait même pas exister“, s’indigne le médiatique Charles Yebdo, auteur de nombreux articles et ouvrages sur la censure et la liberté d’expression. “Comment en est-on arrivé là ? Je comprends que certains actes soient condamnés, que certains comportements soient sanctionnés, mais je réfute l’emploi systématique du terme phobie. Veut-on nous faire croire que nous sommes tous malades ? A ce compte-là, il faudrait aussi créer un observatoire de la connerie. Mais cela reviendrait trop cher, vu le nombre de candidats potentiels à l’expérimentation“, assène-t-il, raccrochant brutalement à dessein.
Plus modéré, Alfred-Pascal Jorry, universitaire réputé, préfère se référer à ses auteurs préférés. “Quand on pense que nous célébrons cette année le centenaire de la naissance de Boris Vian, auteur, sous le pseudo de Vernon Sullivan, du célèbre “Et on tuera tous les affreux”, véritable plaidoyer pour le respect des différences. Aurait-il validé l’idée, même embryonnaire, de “sanatorium” pour soigner les “phobiques”, ou considérés tels ? Je ne le pense pas“, concluant d’un rire amer «Si la normalisation de la société passe par le culte de l’intouchable différence identitaire ou communautaire, les héritiers du père Ubu vont en perdre la tête. Merdre alors ! ».
Diantre ! Gageons qu’il coulera encore de l’eau sous le pont Georges V avant que ce projet ne voie le jour. Il est vrai qu’il n’y a plus de Maternité dans le quartier Madeleine, ce qui réduit fortement les probabilités.
Le Goracentre