Dr Jean Paul Birand
Le décret n° 2018-487 du 15 juin 2018, entré en vigueur le 1er juillet 2018, limitait à 80 km/h la vitesse maximale autorisée sur les routes bidirectionnelles à chaussée non séparée.
Cette décision protectrice fut particulièrement impopulaire. Aussi, en réponse à la crise des « gilets jaunes », en partie déclenchée par cette mesure, et aussi à la demande irréfléchie, voire démagogique, de l’Assemblée des départements, les députés ont donné leur feu vert, le 6 juin 2019, à un assouplissement de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires. Cette responsabilité étant laissée aux départements sous conditions.
Astucieusement, le gouvernement se défausse sur les départements, pris à leur propre jeux de volonté de souveraineté, vis à vis des règles de circulation sur leurs routes. En mai 2019, l’ancien secrétaire d’État aux Transports, actuel Président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, avait adressé une lettre, remerciant le Premier ministre de laisser aux départements la possibilité de gérer les limitations de vitesse. Dans son courrier, il sollicitait imprudemment que les Présidents des Conseils départementaux puissent s’appuyer sur l’avis des Préfets et les services de l’État.
Le voici exaucé mais piégé au nom de la sécurité. Sous la responsabilité des présidents des Conseils départementaux et en lien avec les préfectures, les aménagements de la vitesse ne seront possibles que sur certains tronçons de routes. La décision d’un retour aux 90 km/h devra être obligatoirement accompagnée par un chiffrage de l’accidentologie sur les routes départementales concernées. De nouvelles recommandations techniques précises ont été éditées en juillet par le Comité national de sécurité routière . De plus, les préfets de départements ont reçu une directive contraignante qui devrait ralentir les ardeurs et les fanfaronnades des partisans du retour aux 90 km/h . En fait, c’est un marché de dupes et les présidents des Conseils départementaux n’ont obtenu qu’une possibilité très limitée de dérogation, à moins d’engager leurs responsabilités devant les tribunaux, lors de certains accidents…
L’impact de la vitesse maximale autorisée (VMA) sur les accidents de la voie publique est complexe à étudier précisément. Il dépend de l’état des réseaux routiers, des comportements, de la politique de contrôle, des niveaux de trafic, de la météo, etc. Néanmoins, quelque soit le département, les routes à double sens, sans séparateur central et hors agglomération, enregistrent une proportion de morts et d’accidents graves bien supérieure à tous les autres voies de circulation . La vitesse en est la première cause. Les Présidents des Conseils départementaux ne devront pas l’oublier avant de faire leurs choix…
C’est une décision politique habile et avisée d’avoir assoupli la loi de limitation de vitesse incomprise et injustement rejetée. C’est une exigence sage et responsable de vouloir des garanties afin d’assurer le plus haut niveau de sécurité routière possible sur le réseau le plus meurtrier de France.
JPB