Une compagnie de danse taiwanaise triomphe à la Scène Nationale

La compagnie Cloud Gate Dance Theatre of Taiwan, créée en 1973, a présenté mardi soir au théatre son spectacle “13 Tongues”. Premier spectacle du chorégraphe Cheng Tsung-lung, créé en 2016, cette danse mélange beaucoup d’influences mais c’est avant tout un spectacle de danse contemporaine, avec une esthétique très forte et très chinoise. Superbement mise en scène avec des effets visuels remarquables, la soirée a été un triomphe.

Sept danseuses et six danseurs, tous habillés de noir, alternent procession très ordonnée au son d’une cloche, groupe compact et homogène de corps formant un bloc dansant, dispersion sur la scène en groupes divers qui mélangent les genres. On a déjà vu de telles danses, et pourtant c’est différent ! La manière de bouger les bras comme dans les films de samouraïs, la manière de marcher en sortant les pieds et pliant les genoux, comme certains personnages de peintures chinoises, marquent définitivement une autre approche de la danse, une autre approche du monde.

Un conteur à l’origine du spectacle

La sobriété visuelle de la première séquence – noir et blanc et chant plutot sage – se complique rapidement. Il se passe énormément de choses sur la scène, en même temps. On pense aux arts martiaux, aux fêtes de villages, au processions rituelles. Un côté description de rue populaire et ludique, un côté fantastique aussi. On sent que des personnages émergent, même si on ne connaît pas leur histoire. Sans doute sortis de celles racontées par le fameux 13 Tongues, conteur qui a marqué le chorégraphe Chen Tsung-lung dans son enfance.

Par exemple cette femme soudain fluo qui fait irruption dans le groupe toujours noir, brillante comme une reine qui ne touche plus le sol, mais marche sur le dos de ses sujets en s’élevant vers le ciel. Si insaisissable qu’elle disparaît en laissant sa tunique sur la scène ! Et au fur et à mesure du spectacle, d’autres éléments viendront s’ajouter, les personnages seront de plus en plus fluo pour un plaisir esthétique rare. Des projections de lumières sur le sol et l’écran de fond, des couleurs vives disposées en tableau abstrait, une montée en puissance couronnée vers la fin par une image animée de poisson rouge chinois absolument époustouflante.

Danse contemporaine à la fois universelle et chinoise

Cette esthétique très soignée, pleine d’invention – comme ce poème projeté et dit à la fois – construit un écrin de rêve pour le ballet. La musique est soit « chantée » par les danseurs-euses, soit enregistrée avec beaucoup d’électronique et de rythmique. Les lumières et effets visuels, tellement nouveaux, frappent fort. Tout est contrôlé avec une précision remarquable, et les moments de danse de groupe fonctionnent merveilleusement, dégageant une belle énergie communicative. On est vraiment dans la danse contemporaine universelle et en même temps, par des détails, des intonations, totalement dans un spectacle chinois. L’ignorance de leur culture nous fait perdre les histoires, mais on peut se venger sur le plaisir des yeux.

Une magnifique découverte que cette compagnie taïwanaise, ovationnée par une salle Touchard pleine à craquer. Bon début d’année, chinoise comme il se doit aujourd’hui !

BC