Danse à la Scène Nationale d’Orléans: Daniel Larrieu réactive deux succès de ses débuts

Daniel Larrieu a commencé sa carrière de chorégraphe dans les années 80. Avec sa compagnie Astrakan-recherche chorégraphique, il a voulu réactiver  deux de ses anciennes créations pour pouvoir les transmettre aux jeunes danseurs actuels et au jeune public, créations présentées ce jeudi soir à la Scène Nationale.

Romance en stuc

Chiquenaudes, d’abord, une pièce conçue en 1982 pour le concours de Bagnolet. Cette variation pour trois danseurs-euses, sans aucune musique sinon le crissement des tennis sur le sol, déploie dans sa rigueur des gestes répétés, des signes de tout le corps mais aussi juste des doigts ou des pieds. Aucune narration, pas d’histoire, une recherche un peu sèche de gestes de danseurs qui s’enchaînent sans vraiment de nécessité. L’ensemble est bien sur cohérent, très travaillé, enlevé, gai. Quelques phases amusantes, les danseurs qui se cachent par moitié, le jeu des allers et venues derrière les rideaux. Elles apportent une légèreté dans la rigidité de l’ensemble, qui laisse le spectateur observer sans s’impliquer. On est bien dans l’esprit de ces années là, des filles qui dansent façon comédie musicale avec beaucoup de tonus et de simplicité.

Une étrange cérémonie secrète

Et puis une « fresque théâtrale » de près d’une heure complète ce spectacle. Romance en Stuc, créée en 1985 pour le festival d’Avignon, fait appel à l’esthétique de l’antique. Un couple de récitants, qui prend petit à petit le rôle du coryphée, semble organiser sous nos yeux une douzaine de danseur-euse-s dans une sorte de cérémonie secrète. D’ailleurs, la musique ressemble à celle de Magma avec sa langue extraterrestre. La romance annoncée dans le titre reste bien cachée ! L’idée de robots, de personnages non humains chers à la science fiction des années 80, apporte au contraire un aspect mécanique à ces silhouettes qui ne sont pas vraiment des personnages.

Une lumière froide, presque violente

Là encore, une gestuelle très recherchée se met en place, que le nombre de danseur-euse-s rend encore plus intéressant. Les corps parfois s’imitent, parfois se soudent et s’entremêlent pour former des groupes figés comme sur les fresques égyptiennes. L’individu se fond dans l’image, pour reprendre bien vite ses droits. Le « langage » de danse s’approfondit dans un intéressant travail de recherche continuelle. Mais reste sans contenu évident, sans sens profond qui donnerait plus d’intérêt à une telle pièce.

On a d’autre part trop peu d’éléments pour raccrocher le monde secret de la cérémonie évoquée à notre monde à nous. Donc pour comprendre ce que ce spectacle veut nous transmettre. Là encore, on reste spectateur d’évolutions spatiales impeccablement réalisées, mais froides et sans émotion, sans empathie, dans une lumière elle même froide, écrasante. Même la musique, pourtant choisie parmi les morceaux les plus émouvants du romantisme (le quintet de Schubert, utilisé et ré-utilisé pour tout et rien!), ne nous emmène pas. Seul cet instant où les visages peints et les perruques de plastique coloré, soudain éclairés d’une lumière chaude, prend une force impressionnante. Juste avant la tombée des masques.

« Transmettre un ici et maintenant »

Ces deux pièces furent de vrais succès en leur temps. A-t-on trop changé pour les recevoir aussi froidement aujourd’hui ? Ou bien le jeune public présent dans la salle s’enthousiasme-t-il à son tour pour ces recherches gestuelles ? Quoi qu’il en soit, la transmission est faite.

Et la technique de la jeune troupe de danse en valait la peine.

BC