Un bain de jouvence dans la rivière Fuchun

Le film de la semaine

Séjour dans les monts Fuchun suit tous les personnages d’une famille de la ville de Fuyang, région de Hangzhou. Les caractères de chacun se déploient dans des paysages somptueux, mais se débattent aussi dans toutes les difficultés de la vie moderne. Un première œuvre réalisée de main de maître, avec des images superbes et une totale maîtrise du scénario. Gu Xiaogang explore les possibilités qu’offre le cinéma avec une fraîcheur enthousiasmante et une jubilation contrôlée

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On sait peu de choses de Gu Xiaogang, sinon qu’il a approché le cinéma par le documentaire, qu’il a autour de la trentaine et que ce long métrage est son premier, qu’il se passe à Fuyang, une ville non loin de Hangzhou. On sait aussi qu’il est originaire de cette même ville, que tous les acteurs sont des proches de la famille ou des amis et que ce film est le premier d’une trilogie.

La famille sur trois générations

Il s’ouvre sur une fête de famille, l’anniversaire de la grand mère, bien entourée de ses quatre fils et de la famille de chacun, réduite puisqu’ils sont de la génération de l’enfant unique. Les personnages se mettent petit à petit en place et la somptueuse chronique de cette famille va se dérouler dans une narration non chronologique mais rigoureuse, qui passe de l’un à l’autre, qui fait exister chacun à la fois comme membre de la famille et comme individu isolé, avec ses problèmes spécifiques.

Une nature inspirante depuis des centaines d’années

Et bien sûr autour de ces personnages les lieux où ils vivent, la nature, le fleuve Fuchun, les montagnes, les arbres, la beauté des paysages de cette région de Hangzhou. Tout le rapport des Chinois à la nature est là, dans ces images superbes. On sait qu’ils sont capables de visiter une forêt comme nous un musée. C’est vraiment l’impression donnée par cette manière de filmer les monts Fuchun.

Le titre reprend d’ailleurs celui d’un rouleau de peinture peint vers 1350 par Huang Gongwang, et dont on voit quelques images dans le film, à un moment tout à fait étonnant où un personnage présente sa ville, la situe, décrit son site géographique.

Une vie matériellement plus facile pour les enfants

Et puis ressortent les questions différentes des générations, la grand mère qui est née avant le communisme mais qui perd la mémoire. Les parents qui se débattent dans des problèmes très matériels, des soucis d’argent et de bienséance. Le fils ainé et sa femme, par exemple, prêts à répudier leur fille unique parce qu’elle veut se marier à un instituteur, un homme démuni de biens matériels, donc. L’amour ne compte pas, seul l’argent fait loi. Et l’évolution de ce rapport compliqué au cours du film est passionnant. Ou le couple du deuxième fils, pécheurs de condition très modeste, qui poussent leur fils aux études.

Toutes les mutations de la Chine sont présentes, les démolitions d’immeubles insalubres pour reconstruire de nouvelles résidences inaccessibles aux anciens locataires, les problèmes d’absence de couverture sociale qui pousse le troisième fils à tricher au jeu pour pouvoir payer les soins de son fils trisomique, la proximité continuelle des groupes de mauvais garçons toujours prêts à intervenir brutalement au moindre faux pas. Et le contrôle de la police qui ne lâche jamais rien.

Un rythme plutôt lent pour une analyse méticuleuse

Dans une interview au journal Libération, Gu déclare : « La Chine va trop vite ; il faut donc une caméra patiente ». Et c’est tout à fait ce que l’on ressent. Comme dans ce long, très long travelling le long du fleuve, la caméra (sans doute) embarquée dans un bateau. Le personnage de l’instituteur se baigne, puis sort de l’eau et rejoint son amoureuse, et ils marchent sur une promenade au bord de l’eau pour aller jusqu’à des escaliers qu’ils montent, et la scène continue dans le même plan avec des images plus larges. D’une beauté prenante, ce plan séquence rappelle évidemment le fameux rouleau de 10 mètres de peinture qui présente le même paysage, le même fleuve.

La caméra patiente de Gu Xiaogang fait mouche. Il décortique avec minutie, intelligence, sensibilité et simplicité la société complexe de cette Chine du XXIe siècle et nous fait comprendre avec un art consommé ses rouages.

On attend avec impatience les deux films suivants !

BC

Séjour dans les monts Fuchun

Réalisé par Gu Xiaogang

Avec Qian Youfa, Wang Fengjuan, Sun Zhangjian, Sun Zhangwei, Zhang Renliang

 

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