Beaucoup d’amis, de voisins, d’amoureux de son art qui forçait avec douceur le respect et l’estime, aimaient le voir se promener dans Orléans, à deux pas de la Loire, fine silhouette élancée aux yeux bleus rieurs et et au regard cependant si courtois. C’est avec un profond chagrin que nous venons d’apprendre le décès de Jacques Dauphin, artiste orléanais emporté par une crise cardiaque ce dernier week-end en son domicile d’Orléans.
Jacques Dauphin: photo Yannick Michelot.
Éternellement ouvert sur l’art et la vie
Né en 1944, ce peintre graveur prend connaissance des techniques de la gravure à l’école des Beaux-Arts d’Orléans et dans l’atelier du peintre graveur Marc Moreau. Peu après, temps et passion faisant , il développera d’autres techniques associant taille douce, gaufrage , carborundum. C’est à partir de 1980 qu’il se fait connaître en exposant ses gravures lors d’expositions en France et à l’étranger. En 2000 il ajoutera l’aquarelle à son mode d’expression.
Éternellement ouvert et patiemment curieux, attentif au travail des uns et des autres, maniant l’humour tendre et caustique, être malicieux et discret, Jacques Dauphin avait aussi publié le livre “Souricières” riche de trente-six vues de tapettes à souris peintes à l’aquarelle avec des textes de Patrick Graille “mis en vers lents” par Jean-Christoph Abramovici.
Le malicieux livre “Souricières”.
En 2007 dans le cadre du 100e salon des Artistes Orléanais, notre ami obtiendra le Prix de la Ville d’Orléans comprenant l’achat de son oeuvre “Avec vue”, évocation de deux pièces de puzzle accolées, aimantées, comme deux êtres se tenant côte devant un paysage intérieur.
En 2009, à L’Abri du marin, au Guilvinec, en Bretagne , il présentera ses vues de chalutiers et leurs apparaux avec un talent et un coup de patte enchanteur suscitant l’émerveillement devant la simplicité du réel.
“Adieu, ami Jacques Dauphin”
Dans un très beau texte qu’il nous adresse, Abel Moiitié, adjoint au maire d’Orléans chargé des affaires culturelles, rend hommage à Jacques Dauphin cet “artiste poète” un “artisan chercheur”. En voici quelques extraits: “J’ai rencontré Jacques Dauphin à la fin des années 2000. En homme de cœur, il avait alors accepté ma proposition de participer à des ventes aux enchères d’œuvres d’art organisées par le Rotary. Par solidarité, il reversait la moitié du prix des œuvres vendues pour abonder une cagnotte destinée au soutien du foyer de vie des Amis de Pierre et à la formation et l’achat de chiens d’aveugles. Nous avons vite sympathisé. J’avais tout de suite aimé la simplicité de l’homme, sa bonté, et la créativité toute personnelle de l’artiste.
Gentillesse, courtoisie, bienveillance: ce sont les mots qui viennent à l’esprit pour évoquer son souvenir. Et encore cette humilité discrète de l’homme dont le talent n’a aucun besoin de démonstration bruyante. Jacques avait le goût naturel et joyeux de la rencontre, de la parole et du sourire échangés. C’était un être délicieux, dont la simple présence embellissait son son décor, même lorsqu’il donnait parfois, l’impression d’être ailleurs, dans ce monde intime qui le nourrissait et l’apaisait. Un monde de sérénité dans lequel il repose maintenant.”
L’hommage ému de quelques-uns de ses pairs
Vue de Chalutiers. Photo Patrice Delatouche
déclare Benoit Gayet, président de la Société des Artistes Orléanais.
“C’est un garçon que j’appréciais pour sa discrétion, son talent et sa gentillesse. Il venait régulièrement à la galerie Le Garage et nous éprouvions, je le crois, beaucoup d’amitié l’un pour l’autre” nous dit quant à lui le sérigraphe et galeriste Michel Dubois.
“Jacques était quelqu’un de chaleureux et de silencieux, il s’exprimait par la gravure, aimait réaliser des séries et était fier de ce qu’il faisait. C’était un puriste, il était méticuleux et considérait la gravure comme le pendant de son travail d’imprimeur chez Servier” nous dit le graveur Michel Decolly que nous avons joint par téléphone dans sa maison de Bretagne où sont accrochées de nombreuses œuvres de Jacques Dauphin qui aimait lui rendre visite.
Sculpteur à son tour ému, Daniel Leclerc ne peut que se souvenir avec pudeur d’un “être très attachant”. Enfin, Maryse Bouthegourd, artiste responsable de la section gravure de la Société des Artistes Orléanais, ne cache pas non plus sa peine: “Je le connaissais en tant que graveur et j’ai beaucoup apprécié son œuvre avant que son mal de dos ne lui permette malheureusement plus d’imprimer. J’ai beaucoup aimé sa gentillesse, sa disponibilité, sa finesse et sa sensibilité. A présent, on ne peut que lui envoyer de la lumière pour l’accompagner”.
Selon sa volonté, Jacques Dauphin sera inhumé dans le caveau familial de Saint-Florent-sur-Cher.
Jean Dominique Burtin.
“Avec vue” 1993