Bulle Ogier, une délicatesse infinie

Le prix Médicis essai vient de couronner « J’ai oublié » le livre souvenir de Bulle Ogier, un très beau livre d’actrice qui rompt avec les rituels du genre. La chronologie qui pourtant n’est pas absente ne structure pas le récit. Elle se fait discrète, disparait pour ressurgir, légère, des points de repère, comme des étoiles filantes sur une longue route.

Le livre prend son titre au sérieux et « je n’ai pas oublié » revient souvent mais sans insister au fil des chapitres. Ils sont autant de « je me souviens » qui ne se prennent pas au sérieux, qui sont une ouverture et une invitation à retrouver ce passé, retissé ,en parfaite intelligence avec la plume subtile d’Anne Diatkine journaliste à . Un jeu entre le réel et le songe, une vie dans sa singularité, dans son monde, dans son époque avec ses imprévus, ses réussites, ses accidents…. Le tout raconté avec un esprit d’escalier qui apporte un charme supplémentaire.

Une actrice magique

Funambule, frêle, frémissante, Bulle Ogier est une actrice magique, peut-être méconnue du grand public actuel, mais occupant une place légendaire dans le cœur des cinéphiles. Dire « Bulle » (ce prénom si étrange qu’elle s’est octroyé lui vient d’un surnom donné par un oncle), c’est ouvrir une fenêtre sur une cohorte de cinéastes esthètes, secrets ou baroques, mais aussi d’hommes de théâtre visionnaires : Barbet Schroeder (son mari pour la vie), Werner Schroeter, Luis Buñuel, Marguerite Duras, Jacques Rivette, Manoel de Oliveira, Luc Bondy, Patrice Chéreau. Bulle n’hésite à donner son lot d’anecdotes, de secrets de coulisses de Madeleine Renaud, Jean-Louis Barrault, Michel Piccoli à Arnold Schwarzenegger, cette ombre portée du spectacle qui passionne pour de bonnes et de mauvaises raisons.

« Toutes mes rencontres ont été déterminantes »

La narratrice est une actrice et une femme née en 1939 qui entra dans sa vie d’adulte au début des années 1960. C’est un truisme de dire que les deux sont étroitement liées et mêlées. La comédienne révèle les épuisants et joyeux flux et reflux psychologiques qu’impose le métier, comment et jusqu’ à quel point elle a vécu au quotidien ses personnages. La femme est mélancolique, douée pour la vie, s’exonère globalement des problèmes de son sexe à cette époque sans , cependant taire sans patos deux viols. Elle ne fait pas non plus l’impasse sur l’impartageable drame de sa vie, la mort de sa fille Pascale ( sidérante interprète des Nuits de pleine lune d’Eric Rohmer). Un prix largement mérité.

F.C.

« J’ai oublié »

Bulle Ogier avec Anne Diaktine

Le Seuil 19 €

https://www.seuil.com/

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