Le jazz animalier tricote à la Scène Nationale d’Orléans

Ouverture des soirées Tricot en ce mardi, salle Vitez. Fidel Fourneyron, bien connu du public jazz d’Orléans, est venu jouer son Animal en trio. Incroyable tromboniste volubile et virtuose, il évoque des animaux avec finesse et drôlerie. Puis un trio flamand, inconnu en notre bonne citée, nous a fait découvrir son travail minutieux et ample, qui joue avec les repères et mélange les styles. Soirée en deux temps, donc, comme toutes les soirées Tricot. Deux styles, deux ambiances, mais une même qualité !

Fidel Fourneyron est venu partager son bestiaire d’animaux exotiques ou familiers, gros ou petits, à poils, à plumes ou à écailles. Le souffle halète ou se languit, le son est rude ou doucereux, lointain ou violent. Peut-on parler d’onomatopées ou d’anthropomorphisme sonore ? Les deux complices de Fidel pour cette aventure, Sylvain Darrifourcq à la batterie et Joachim Florent à la contrebasse, augmentent l’impression par la justesse et la précision de leur prestation. Le bison aurait pu s’énerver sans la domination de la basse et le cadrage des toms, qui permettent au trombone de développer une majestueuse marche dans la prairie.

Des musiciens hors pair

Facétieux, rigolards même, intelligents, observateurs, musiciens avant tout, ils possèdent à fond toutes les ressources de leurs instruments, ils tiennent en haleine l’auditeur surpris de plusieurs détours, tel celui qui soudain fait entendre la souris comme une mécanique plus implacable qu’un réveil. Fort, totalement original, intense comme un loup qui groove dans la neige, comme une fourmi qui swingue ou un coq très free qui s’ébat.

Ambiance changeante et images qui fondent et s’enchainent

De Beren Gieren©Gregoire Verbeke

Et puis le trio flamand De Beren Gieren (les Ours rapaces, en français) s’est installé sur scène, en nous entraînant lentement mais sûrement dans son univers. Il installe un paysage large, ciel plombé, terre grasse, vaste horizon qu’on parcourt volontiers mais soudain gros plan, couleurs, ambiance urbaine et plutôt intello, rythmes (re)connus pour quelques mesures, une mélodie se dessine, on y va mais à nouveau c’est autre chose. Le piano est manipulé par l’électronique, avec des boucles, des décalages.

La batterie s’accorde parfois redoutablement avec la contrebasse, parfois vient en contradiction. De longues plages répétitives peuvent être lachées par un des trois, puis récupérées. Mais ces ruptures ne sont pas violentes, on passe d’une idée à l’autre avec logique sonore, sans véritable heurt. Beaucoup de configurations différentes pour des moments très séduisants et d’autres plus difficiles. Musique narrative mais on ne connaît pas toute l’histoire, le temps qui passe ou l’espace parcouru. Musique inventive et très construite au delà des apparences.

Ces trois néerlandais qui tournent ce trio depuis dix ans jouent aussi dans d’autres groupes très différents, du rock ou de la musique de recherche. Bien dans l’esprit du Trico qui les avait invités. Merci pour cette découverte.

BC